Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Le Grand Conseil supprime la loi cantonale d’application de la Loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg)

jeudi 21 octobre 2010 par Valérie BUCHS

Après la décision des constituant-e-s de supprimer la référence au principe
d’égalité entre femmes et hommes dans le projet de Constitution qui avait déjà
provoqué un beau tollé à Genève, une nouvelle attaque dans le droit cantonal est
passée inaperçue. Et pour cause ! Elle a été adoptée au début septembre 2010 par le Grand Conseil dans le cadre de la révision de dizaines de lois suite à la
modification du code civil suisse et d’autres lois en matière civile.

La commission ad hoc justice 2011, qui a été chargée de préparer ce projet, n’a pas hésité à
supprimer la loi cantonale d’application de la loi sur l’égalité entre femmes et
hommes (LaLEg – A2 50) et à faire disparaître les dispositions de procédure
prévues dans la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et
des EPM (Art 2C de la B5 05 – LPAC).

En clair, cela signifie que les employé-e-s des
collectivités publiques (Etat, communes, HUG, etc.) n’auront plus la possibilité de
s’adresser à une autorité de conciliation compétente pour concilier les différents
relatifs aux rapports de travail, que ce soit dans le secteur privé ou public, telle
qu’on la connaissait jusqu’à aujourd’hui à Genève. Cela entraîne des conséquences
négatives qui vont bien au-delà des fonctionnaires voulant dénoncer une
discrimination. Tentons de récapituler.

Une conciliation facultative

Le droit fédéral a supprimé les articles 11 et 12 de la LEg qui chargeait les cantons
de mettre sur pied une autorité de conciliation dans les rapports de droit privé. Il a
renvoyé les questions de procédure dans le nouveau code de procédure civile.
Dorénavant, la conciliation n’aura lieu que si le demandeur ou la demanderesse le
souhaite, alors que Genève avait instauré une conciliation obligatoire.

La
composition de l’autorité de conciliation a aussi été quelque peu modifiée
puisqu’elle se composera d’un-e président-e, ce que notre canton ne connaissait
pas, et d’une représentation paritaire d’employeurs et d’employés-es des secteur
privé et public, l’ensemble des représentants étant constitué d’un nombre égal
d’hommes et de femmes. L’instauration d’une présidence est par contre une bonne
nouvelle.

Une autorité de conciliation non transversale

Cette composition démontre la volonté du législateur de prévoir, en matière
d’égalité entre femmes et hommes, une autorité de conciliation transversale et
triplement paritaire. C’est dans la logique de la LEg qui s’applique aux secteurs
privés et public. Le canton de Genève a décidé de ne pas tenir compte de cette
volonté de transversalité en ne prévoyant cette composition que pour les rapports
de travail de droit privé. La loi sur le Tribunal des prud’hommes a été modifiée
dans ce sens. En ce qui concerne les rapports de travail de droit public, il est
dorénavant prévu que le Tribunal administratif pourra en tout temps procéder à
une conciliation en délégant un-e magistrat-e à cet effet. En conséquence, l’objectif
d’une autorité de conciliation transversale et triplement paritaire n’est plus atteint.

Une perte d’expertise
Le canton de Genève a expérimenté avec succès une commission unique pour tous
les rapports de travail, ce qui lui a permis d’acquérir une réelle expérience. La mise
en commun des compétences dans une matière complexe et très délicate est propice
à l’efficacité mais aussi permet une unité de pratique qui est conforme au but de la
LEg. La Conférence suisse des déléguées à l’égalité entre femmes et hommes a
commenté en détail l’intérêt d’une autorité de conciliation transversale. Elle releve
aussi que l’utilité d’une conciliation permet de décharger les tribunaux, de limiter
les frais des parties et d’éviter le durcissement du litige. Pour les rapports de travail
de droit public, avoir recours à cette commission de conciliation commune
permettait auparavant de rendre la conciliation plus accessible, car il n’était pas
nécessaire d’élaborer au préalable un mémoire fouillé. La procédure était et
demeure simplifiée.

Au contraire, la procédure devant le Tribunal administratif est
plus complexe et surtout implique de déposer un recours sur le fond. En effet, en
abrogeant LaLEg, le Grand Conseil a aussi supprimé l’interruption du délai de
recours. Les démarches que la personne plaignante devra entreprendre seront plus
difficiles et auront donc un effet dissuasif.

Des arguments bidon pour faire passer la pilule

Dans le rapport de la commission ad hoc Justice 2011, on peut lire que la disparition de l’autorité de conciliation pour le secteur public n’est pas un problème puisque
les fonctionnaires pourront saisir le groupe de confiance de l’Etat. C’est
évidemment faux, puisque la mission du groupe de confiance concerne
essentiellement des conflits en matière d’atteinte à la personnalité et que la LEg ne
concerne pas que les questions de harcèlement sexuel. La LEg traite de l’ensemble
des discriminations, comme par exemple la discrimination salariale, la
discrimination à l’embauche ou lors de promotion. Par ailleurs, le groupe de
confiance ne peut pas être saisi par des employé-e-s des autres collectivités
publiques, comme les communes notamment.

Rectifier le tir dans une loi balai

Le SIT a interpellé la conseillère d’Etat Isabel Rochat afin que cette situation soit
corrigée dans le cadre d’une loi dite « balai ». Diverses propositions lui ont d’ores et
déjà été soumises, en particulier la nécessité de réintroduire une loi d’application
LEg adaptée aux nouvelles dispositions fédérales. Il est clair que le train de lois
révisées dans le cadre du processus Justice 2011 contient d’autres erreurs que celles
commises en matière d’égalité entre femmes et hommes dans les rapports de travail
et que cette loi « balai » devra servir à les rectifier. Nous ne pouvons pas accepter que des obstacles supplémentaires soient mis aux personnes s’estimant victime
d’une discrimination, sachant les difficultés que cela représente déjà de faire valoir
ses droits. Ce d’autant plus si la législation genevoise est contraire aux intentions de
la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes et au nouveau code de
procédure civil suisse. Les femmes ont vraiment de quoi s’inquiéter du nouvel état
d’esprit qui règne dans le canton de Genève.

Valérie Buchs/SIT-info octobre 2010