Communauté genevoise d’action syndicale

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Demande de prise de position contre la révision à la Conférence des évêques suisses

mercredi 30 mai 2007 par Joel

Excellences,

C’est une des plus belles péricopes des Évangiles qui me conduit à vous écrire aujourd’hui.

" Les justes lui répondront : Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ?
Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ; ou nu, et t’avons-nous vêtu ?
Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ?
Et le roi leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites " (Mt 25, 35-40).
Avec cette parabole, notre Seigneur Jésus Christ fait de l’amour concret du prochain et en particulier du plus faible, la pierre de touche, le critère de l’accession à la vie éternelle. Celui qui visite les malades, les prisonniers, qui se soucie des plus faibles, sera auprès de Lui dans Sa plénitude.

Depuis, l’Église n’a eu de cesse de créer des œuvres de Charité. Par ses institutions, elle venait en aide, comme Jésus Christ, aux handicapés, car elle les a toujours considérés comme possédant une égale dignité avec les bien portants.

On peut donc dire que c’est l’Église, portée par le message des Évangiles, qui est à l’origine même de l’idée de sécurité sociale, du développement de nos assurances sociales actuelles.

Or, l’assurance invalidité, qui est un piller de notre " filet social" subi des remises en question qui menacent jusqu’à son essence. En effet, les plus défavorisés de notre société, ceux qui sont déjà touchés soit dans leur chair soit dans leur psyché, risquent de ne plus être admis à recevoir une rente d’invalidité. Ceci aurait pour corollaire leur rejet dans les marges de la société ou du moins de les pousser proche du seuil de pauvreté. Si la 5ème révision de l’assurance invalidité devait être acceptée, ceux qui obtiendraient tout de même une rente ne recevraient alors que des prestations dévalorisées. Sachant qu’une rente maximale de cette assurance est aux alentours de 2000 francs, vous mesurez l’injustice qui est faite à l’endroit des invalides.

Mais n’est-ce pas le devoir de tous et de chacun que de faciliter la vie des handicapés plutôt que de la rendre encore plus difficile ? N’est-ce pas le rôle de tous et surtout des autorités que de permettre à ceux qui sont touchés plus durement que d’autres de pouvoir s’intégrer dans une société qui respecte leur dignité ?

Lors de sa visite aux handicapés durant son voyage au Canada en 1984, le Pape Jean-Paul II, insistait en allant dans ce sens et nous demandait à tous : " il faut tendre à donner une formation, un emploi adapté avec une juste rémunération, des possibilités de promotion et des conditions de sécurité qui évitent le traumatisme facile des handicapés : cela demande de l’imagination et de l’audace, pour toutes sortes d’initiatives sociales, avec l’aide des pouvoirs publics ".

Malheureusement, c’est le chemin inverse que prend la 5ème révision de l’assurance invalidité. Déjà son objet est étonnant ; cette révision ayant pour but de réduire le nombre de futur rentier. Or le but d’une assurance ne saurait être d’exclure le maximum d’ ayants droits. De plus, cette révision vise à supprimer les adaptations de rentes pour les plus jeunes handicapés. Ce complément voulait éviter que des personnes handicapées précoces n’obtiennent que des rentes minimales à cause du manque de revenu durant leurs années de formation ou des salaires plus bas que la moyenne au début de leur carrière professionnelle. A côté de cela, la 5ème révision se propose de ne plus allouer de rentes complémentaires pour les conjoints. Ainsi, les conjoints qui auront renoncé à une activité lucrative pour s’occuper de leurs conjoints handicapés se verront pénalisés. Durement touchées seront les familles dont un conjoint ou les deux sont handicapés, puisque la révision se propose de diminuer fortement la prestation pour enfant pour les bénéficiaires d’indemnités journalières. Cette réduction toucherait douloureusement des parents qui élèvent au mieux leurs enfants, et ce, tout en devant déjà investir de gros efforts pour intégrer leur handicap.

À côté de ces mesures d’économie, la révision offre peu de moyens concrets en vue de réinsérer les personnes handicapées dans le monde du travail et dans la société. Et celles qui seraient mises en œuvre se heurteraient aux dures lois de l’efficacité économique. Le principe de la réinsertion avant la rente est mis en exergue. Mais ensuite, il n’y a pas de véritables incitations vis-à-vis des employeurs. Ces derniers ne sont pas vraiment aidés s’ils désirent embaucher un handicapé. En tout cas pas suffisamment. Pourtant, l’insertion est un élément vital dans la prise en compte des handicapés. Car ces derniers ne doivent pas seulement être assistés.

Or, en révisant cette loi comme il l’a fait, notre parlement met trop l’accent sur la rentabilité économique des handicapés et oublie trop vite le message des Évangiles.

Pourtant, comme le disait encore Jean-Paul II dans ce même discours : " la qualité d’une société (…) se mesure au respect qu’elle manifeste envers les plus faibles de ses membres. Une société techniquement parfaite, dans laquelle seuls sont admis les membres pleinement productifs, devrait être considérée comme radicalement indigne de l’homme, pervertie par une sorte de discrimination non moins condamnable que la discrimination raciale.".

Pour toutes ces raisons, je vous demande, Monseigneur, chers membres du Conseil, de prendre position et d’enjoindre les catholiques de notre pays à refuser la 5ème révision de l’assurance invalidité.

Je vous prie d’agréer, Excellences, mes respectueuses salutations