Communauté genevoise d’action syndicale

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La puissance des peuples

jeudi 17 février 2011 par Claude REYMOND

Eric Decarro, Christian Tirefort (8.2.2011)


Qui aurait pu prédire, il y a trois mois, que deux dictatures pourtant soutenues par les « démocraties » occidentales allaient tomber ? Néanmoins, tant Ben Ali en Tunisie, que Moubarak en Egypte, et leur gouvernement respectif, sont tombés ! Et le processus se poursuit, d’autres gouvernements autocratiques au Yémen, en Jordanie ou en Algérie sont d’ores et déjà ébranlés.

Ces insurrections populaires ont toutes un dénominateur commun : elles fusionnent les luttes pour les libertés politiques, la démocratie, la liberté d’expression et de réunion, la levée de l’état d’urgence, les élections libres et les luttes contre la pauvreté, pour le pain, le travail, le logement, l’accès à l’éducation et aux soins.

Ce sont donc des insurrections prenant à leur compte des valeurs universelles. Leur but est partout des améliorations de leurs conditions de vie et des libertés démocratiques. Elles mettent à nu l’hypocrisie des gouvernements occidentaux qui saluent en chœur la chute de Moubarak pour faire oublier qu’ils ont soutenu cette dictature pendant 30 ans. Elles prennent à contre-pied toutes les théories sur « la guerre des civilisations », théories selon lesquelles les peuples du monde se diviseraient en religions, qui, prises comme des valeurs absolues, détermineraient désormais des cultures inconciliables.

Rien de tout cela dans les soulèvements populaires actuels du monde arabe, ils sont au contraire les premières révolutions de l’ère de la mondialisation. La rapidité de la propagation des mouvements dans l’aire arabo-musulmane est un signe qui ne trompe pas.

Certes, l’efficacité des nouvelles technologies dans les appels à manifester, dans la diffusion en temps réel des images et des mots d’ordre, par exemple « Ben Ali dégage », ont contribué à cimenter le mouvement, mais ils auraient été insuffisants si les mouvements n’avaient pas correspondu à un profond besoin. Derrière le cinglant « Ben Ali dégage », il y avait aussi « votre mondialisation ne nous fait plus peur », et la réactualisation de la question de la révolution.

Ces mouvements la remettent à l’ordre du jour. « Elle n’est pas encore mondiale, mais limitée au monde arabe et musulman » diront certains. Peut-être, et les « démocraties » occidentales ont encore de la marge, les mouvements contre les politiques d’austérité drastiques en Grèce, en Espagne, en France, au Royaume-Uni ou en Irlande, ont encore un encadrement « démocratique », des syndicats souvent intégrateurs – « de moins en moins » devrait-on dire – et des partis de gauche qui ergotent sur les réformes, mais leurs insuccès récurrents sont patents.

Les peuples sont patients, mais à terme jamais dupes, partout dans le monde ils verront les liens étroits qui les unissent. Ils n’accepteront alors plus que d’autres façonnent leur destin, ils voudront leur propre mondialisation.

Par-delà nos différences de conditions de vie, de régime politique ou de culture, nous vivons toutes et tous désormais dans le même monde. Nous avons tous non pas le même ennemi, mais le même problème à résoudre, la mondialisation. Celle-ci n’est pas un ennemi, elle est une nouvelle ère. Si nous voulons avoir notre mot à dire, il faudra que nous en ayons notre propre vision. Sans quoi ce sera celle, apocalyptique, de l’affrontement pour la domination des « supers grands » dans ce capitalisme globalisé, Chine et Etats-Unis, qui s’imposera.

Seule la coopération de tous les peuples sera un jour capable de transformer les faiblesses en forces. Soutenir la lutte des peuples arabes, ce n’est pas les évaluer, les juger, en bref voir leurs faiblesses. Ils seront sûrement confrontés aux pressions des « démocraties » occidentales et de leur propre bourgeoisie pour les diviser et dévoyer leur révolution, en particulier en opposant revendications sociales et démocratiques. Soutenir ces luttes, c’est voir nos propres faiblesses et s’efforcer de les corriger. Nous verrons alors que non seulement nous avons les mêmes faiblesses, mais qu’elles cachent les mêmes forces, la puissance des peuples.