Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Révision de la LACI en 2007 ou 2008 ?

Chômage : non au démantèlement prévu

lundi 5 février 2007 par _information fournie par la composante

Officiellement selon le SECO (Secrétariat à l’économie, dépendant du département fédéral de la « sémillante » Doris Leuthard) le nombre de chômeuses et chômeurs diminue. Officieusement, on peut fortement douter de la diminution des sans-emploi alors que Caritas a évalué, en 2006, à près d’un million le nombre de personnes vivant, en Suisse, dans la précarité.

Malgré une baisse annoncée, encore pour 2007, du nombre officiel de chômeuses et chômeurs indemnisés, le Conseil fédéral a demandé au SECO de lui faire des propositions pour faire des économies sur l’assurance chômage en révisant la loi fédérale sur le chômage (LACI).

Le SECO, obéissant, a remis au Conseil fédéral un rapport d’experts en octobre 2006 avec des propositions, « équilibrées » modulant une augmentation des recettes et une diminution des prestations. On aurait pu naïvement croire qu’avec moins personnes statistiquement au chômage à indemniser, on pourrait consacrer plus de moyens pour aider celles et ceux qui sont encore touchés par le chômage. Erreur grossière : le raisonnement de la droite, soutenue par la social-démocratie, est tout autre : plus on réduit les prestations, plus on diminue le nombre de chômeuses et chômeurs indemnisés officiellement repris dans les statistiques. On pourra alors chanter au plein emploi retrouvé en Suisse, comme l’a fait quasiment toute la presse le 9 janvier 2007 après un communiqué triomphant du SECO. Et comme l’a « confirmé », Serge Gaillard*, le 25 janvier 2007, en annonçant moins de 2% de chômeurs indemnisés en 2010, alors que nous vivons en fait dans une précarité de plus en plus grande !

Pour la droite, une assurance sociale comme le chômage (mais aussi comme l’AI, l’AVS, l’assurance-maladie…) doit tendre à la rentabilité comme une assurance privée auto, vol ou incendie. Si elle fait des déficits, elle doit les résorber au plus vite en diminuant ses prestations même si cela précarise encore plus les personnes touchées par le chômage, l’invalidité, la maladie, l’exclusion.

Economies sur les prestations

Quelles sont les « économies » que le SECO conseille au Conseil fédéral en s’attaquant aux prestations actuelles de la LACI ?

1. Ne plus prendre en compte, pour calculer un droit à la réouverture d’un nouveau délai cadre, aucune forme de travail accompli dans le cadre de mesures d’aide aux chômeurs, tant fédérales que cantonales. Economie prévue : 90 millions par an.

2. Augmenter le délai de carence avant de toucher le chômage à 260 jours pour toutes les catégories de personnes admises au droit au chômage sans avoir cotisé. Cela concerne celles et ceux ne trouvant pas de travail directement après leur formation, les personnes qui se retrouvent sans revenu après un divorce, la mort de leur conjoint, une longue maladie, la baisse ou la suppression de leur rente AI, celles aussi qui sortent de prison, et finalement celles qui reviennent d’un long séjour à l’étranger. Le nombre de jours indemnisés resterait à 260 jours. Actuellement le délai de carence varie entre 10 jours et 120 jours (pour les jeunes à l’issue de leur formation sans charge de ménage). En le portant à 260 jours, le SECO pense économiser 115 millions par an.

3. Diminution de nombre de jours indemnisés en fonction de la durée de la période de cotisation. Douze mois de cotisation ne donnerait plus droit qu’à 260 indemnités. Il faudrait au moins 15 mois de cotisations pour avoir droit à 400 jours indemnisés. Et les « plus de 55 ans » devraient justifier d’une période de cotisation de 22 mois pour avoir droit à 520 jours. Economie prévue : 68 millions par an.

4. Ne plus prendre en compte les indemnités compensatoires aux gains intermédiaires pour calculer le gain d’assuré en ouvrant un nouveau délai-cadre. Aujourd’hui, si un gain intermédiaire est inférieur au gain assuré, l’assurance chômage paye la différence à laquelle le chômeur a droit par rapport au salaire assuré. L’ensemble du salaire (gain intermédiaire + éventuelle compensation du chômage) est actuellement pris en compte si on a suffisamment de jours pour ouvrir un nouveau délai-cadre. Pour le SECO, il ne faudrait plus calculer le nouveau salaire assuré que sur les gains intermédiaires réellement perçus même s’ils étaient inférieurs au salaire du chômage. Economie prévue : 79 millions par an.

5. Abaisser le plafond de 3’500.- à 3’000.- francs par an, par chômeur et par canton, pour les mesures MMT (cours pour chômeurs, allocation retour à l’emploi, semestre de motivation, emplois temporaires, stages, …). Economie escomptée : 60 millions par an.

6. Suppression de toute mesure (MMT) d’aide pour des personnes inscrites régulièrement comme demandeuse d’emploi mais qui n’ont pas ou plus droit aux indemnités. Economie prévue : 14 millions par an.

En résumé, le « rapport d’experts » du SECO propose au Conseil fédéral 6 mesures permettant d’économiser 426 millions par an sur le dos des chômeurs en réduisant les prestations !

Quatre points particulièrement choquants…

… en lien avec ce rapport d’experts du SECO

1. dans cette commission d’experts, il y avait des syndicalistes dont Serge Gaillard*. Certes, le rapport dit qu’ils ont exprimé leurs différences. Mais, en fin de compte, ils se sont ralliés aux conclusions de ce rapport pour les recommander au Conseil fédéral !

2. Quatre des six mesures d’économies préconisées vont en fait exclure des personnes du droit au chômage et diminuer encore plus le taux du chômage sans diminuer le nombre de sans-emploi.

3. Il n’y a aucune proposition qualitative pour cette révision de la loi sur le chômage ; il n’y a que des mesures chiffrées d’économies sur les prestations ou d’augmentation des recettes : bref, tout le contraire de ce qu’on est en droit attendre d’une assurance sociale.

4. Les « experts » expriment leur regret de ne pas pouvoir aller plus loin dans deux mesures parce que la Suisse est liée par sa signature de la Convention 168 de l’OIT (Organisation internationale du travail) et qu’elle ne peut s’en délier que tous les dix ans soit au plus tôt le 18 octobre 2011 pour le 17 octobre 2012 (avec une telle précision, si le Conseil fédéral laisse passer la date…). Cette signature empêche de modifier dans l’immédiat la LACI sur 2 points et de faire encore plus « d’économies » :

• exclure du droit au chômage toute personne n’ayant pas cotisé (après une formation, une longue maladie, un divorce, un deuil, une sortie de prison, un retour de l’étranger)

• augmenter le délai de carence, pour toute personne qui tombe au chômage, à plus de 5 jours !

Nous avons donc une commission d’experts du SECO, composée notamment de syndicalistes, qui suggère au Conseil fédéral de retirer à terme sa signature d’une Convention internationale qui est un garde-fou social minimum pour tous les pays du monde ! Voilà l’exemple donné par un pays riche pour (mal)traiter les personnes les plus précarisées dans son propre pays.

Suites de la procédure

Le Conseil fédéral doit maintenant étudier les suggestions du SECO et définir la révision de la LACI qu’il va mettre en consultation. Suivra la procédure de consultation et le projet finalement soumis à toute la procédure parlementaire. On peut déjà deviner avec ce qui s’est passé dans le passé avec des consultations et procédures semblables (révisions de la Loi sur le travail, de l’AI, des lois sur l’asile et les étrangers, de la LPP, …), qu’on aboutira, presqu’à coup sûr, à un durcissement, si c’est encore possible, des mesures préconisées aujourd’hui par le SECO. Il faudra donc, avec l’ensemble des vraies forces de gauche et des syndicalistes combatifs, être vigilant tout au long de cette procédure pour montrer notre opposition à une révision qui s’attaque encore plus aux prestations. Et nous devrons probablement nous préparer à un nouveau référendum pour empêcher cette péjoration.

Bernard Remion

* rappelons que Serge Gaillard a abandonné son poste de secrétaire de l’USS parce qu’il a été nommé, en novembre 2006, chef de la Direction du travail du SECO par Doris Leuthard. Il est entré en fonction le 1er février 2007.