Communauté genevoise d’action syndicale

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Genève

Loi cantonale révisée à la baisse

mercredi 14 mars 2007 par Claude REYMOND

En avril 2005, le peuple genevois refusait à plus de 55% une révision de la loi cantonale sur le chômage qui prévoyait de baisser de 12 à 6 mois les emplois temporaires cantonaux (ETC) pour les personnes arrivées en fin de droit aux indemnités fédérales de chômage. 18 mois plus tard, le Conseil d’Etat genevois dépose déjà un nouveau projet de loi qui va encore plus loin, aboutissant à une suppression de fait de ces ETC.

Depuis 1983, la loi cantonale sur le chômage accorde le droit à une mesure active à chaque personne arrivant en fin d’indemnités fédérales de chômage : soit un stage de réinsertion professionnelle pour les jeunes, soit une allocation de retour en emploi (ARE), soit un emploi temporaire cantonal (ETC) de 12 mois qui permet de rouvrir un nouveau délai-cadre donnant droit aux indemnités fédérales si, entretemps, la personne concernée n’a pas retrouvé un autre emploi.

Les ETC : un droit acquis

La droite et les autorités fédérales (le Conseil fédéral et le SECO) n’ont jamais supporté ce « particularisme genevois » et n’hésitent pas à montrer le canton de Genève comme le mauvaise élève en matière de chômage. Le « laxisme genevois » serait responsable à leurs yeux du taux de chômage le plus élevé de Suisse, autour des 7%. Depuis plusieurs années, les autorités genevoises subissent des pressions et elles ont cédé en déposant un nouveau projet de révision de la loi qui cassera les ETC, qui supprimera un droit acquis et qui s’attaque aux chômeuses et chômeurs en fin de droit sans lutter réellement contre les causes du chômage.

« Vilain canard genevois » ?

Mais Genève est-il vraiment le « vilain canard » que la droite, le Conseil fédéral et le SECO montrent du doigt ? Il faut réellement se poser la question. En effet, si l’on additionne les taux de personnes touchées par trois formes de précarité (chômage, assistance sociale et assurance-invalidité) par rapport à la population résidente, on arrive à des résultats très éclairants. En prenant les derniers chiffres disponibles de l’Office fédéral de la statistique, pour 2004, nous voyons ainsi qu’en ce qui concerne le taux de précarité, le canton de Genève (11,3%) est dépassé, et de loin, par Bâle-Ville (16,7%), mais aussi par le Jura (12,8%), Neuchâtel (12,7%) et Vaud (12,3%), et qu’il est quasiment au même niveau que Fribourg (11,3%) et Zürich (11,6%). En outre, Genève est à peine au-dessus de la moyenne suisse (10,6%).

Le fait d’offrir d’autres possibilités aux personnes en fin de droits que l’aide sociale ou l’AI « pénalise » ainsi Genève qui, pour son taux de rentier AI, ne figure pourtant qu’au 20e rang. De nombreux cantons qui ont un faible taux de chômage ont un taux de rentiers AI bien supérieur à Genève, comme Glaris qui connaît un taux de chômage de 2,5% mais de 6,15% pour celui des rentes AI, contrairement à Genève (respectivement 7,4 et 3,42%). Nous reviendrons dans le m-magazine sur une étude plus précise qui est en cours pour avoir des données sur les grandes villes plutôt que sur les cantons afin d’améliorer la comparaison. Mais, ce qui paraît évident c’est que les reproches qui sont faits à Genève « d’entretenir les chômeurs » dans leur situation sont fallacieux et que le taux officiel du chômage ne représente pas la vérité sur la précarité de l’emploi et du vécu des gens.

Pseudo-carottes et bâtons

Une nouvelle révision de la loi cantonale est donc en cours au parlement genevois. Le conseil d’Etat a enrobé son projet dans des mesures apparemment positives, telles qu’une prise en charge plus rapide et plus systématique des chômeuses et chômeurs pendant le délai-cadre fédéral avant qu’ils n’arrivent en fin de droit. Il a aussi fait une ouverture vers des emplois dans l’économie sociale et solidaire, mais leurs contours et leurs conditions en sont encore bien flous. Certes, la révision parle encore d’emplois-formation, mais ceux-ci débuterait au plus tard après 12 mois de chômage (soit déjà pendant le délai-cadre fédéral) et seraient limités à 6 mois pour les moins de 55 ans. De plus, ces emplois-formation ne seront plus qu’indemnisés, sans un vrai salaire soumis aux assurances sociales, et ne pourront évidemment aucunement être pris en compte de ce fait dans le calcul pour la réouverture d’un nouveau délai-cadre. Le résultat concret est la suppression de l’obligation actuelle de l’Office cantonal de l’emploi de proposer à toute personne arrivant en fin de droit une mesure cantonale.

Se préparer à combattre

Pour se justifier, certains diront que le Conseil fédéral se prépare à abolir la prise en compte de toute forme d’emploi subsidié (dans le cadre des législations fédérale ou cantonales pour les sans-emploi) pour ouvrir un délai-cadre dans la prochaine révision de la loi fédérale sur le chômage (LACI – voir m-magazine de février 2007). Mais doit-on préjuger d’une révision de la loi fédérale contre laquelle nous pourrons mener un combat par référendum si elle aboutit ? Et même si, en fin de compte, les ETC ou des emplois-formation ne devaient un jour plus être pris en compte pour avoir droit à un nouveau délai-cadre, doit-on en abandonner l’aspect principal qui est de réinsérer et de maintenir les gens dans la vie active pour ne pas envoyer encore plus de monde à l’assistance sociale ou à l’AI ?
Il y a donc un véritable droit à défendre pour les « fin de droit » : le maintien de vrais ETC de 12 mois, avec un vrai salaire, avec un vrai travail, tout en soutenant les initiatives qui renforcent l’aspect formatif au détriment de l’aspect purement occupationnel de ces ETC. Pour défendre ce droit à Genève, mais pourquoi pas pour l’étendre à d’autres cantons, il faudra à coup sûr franchir plusieurs obstacles, mener plusieurs combats, en soutenant des référendums contre les révisions cantonale et fédérale des lois sur le chômage, et en gagnant ces référendums. Et pour que ces combats aient lieu et aient une chance d’aboutir, il faut dès maintenant sensibiliser toutes les forces et personnes susceptibles de les mener. Il faut lutter contre le fatalisme et l’auto-censure qui existent au sein même de nos organisations syndicales sur ces questions. Il faut se rassembler pour lutter contre toutes les formes de précarisation de nos emplois, de nos droits et de nos vies. C’est du reste le thème central du 1er mai cette année !

Bernard Remion, secrétaire régional

Source : www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index.html