Communauté genevoise d’action syndicale

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Menacée, la semaine de 40 heures date de 1988

lundi 2 novembre 2015

Fruits d’une longue lutte, les 40 heures des fonctionnaires n’existent que depuis 27 ans. Trois militants de l’époque témoignent...

paru des la Tribune de Genève du 2 nombre 2015, par Eric BUDRY

La fonction publique genevoise est en ébullition et pourrait bien décider, demain soir, d’entamer une grève le 10 novembre. L’une des raisons principales de cette colère est la volonté du Conseil d’Etat d’augmenter de 40 à 42 heures l’horaire de travail des collaborateurs de l’Etat. Or, cet horaire a été gagné de haute lutte, au fil des an- nées.
« Il a fallu quatorze ans pour passer de 44 heures à 40 heures, rappelle Michel Bondi, ancien secrétaire syndical du Syndicat des services publics (SSP). Et le Conseil d’Etat, en à peine un an, sans négociations, décréterait une augmentation de deux heures hebdomadaires ? » Une indignation partagée par deux autres acteurs de l’époque, Daniel Dind, du Syndicat interprofessionnel des travailleurs (SIT), et Bernard Clerc, qui a participé au combat depuis l’Hospice général.

Tout part des Hôpitaux

C’est le 1er janvier 1988 que l’horaire de travail hebdomadaire de la fonction publique a passé à 40 heures, marquant la fin d’un mouvement syndical qui avait dé- buté en septembre 1973 dans les Hôpitaux. C’est en effet un long processus, émaillé de plusieurs grèves et de conflits très durs avec le Conseil d’Etat, qui a abouti, par étapes, à accorder les 40 heures à tous les collaborateurs de l’Etat et des établissements publics autonomes.

Le mouvement « 40H – 5 semaines de vacances » des Hôpitaux en- traîna, dès 1975, des actions de toute la fonction publique. Très larges, elles rassemblaient également les employés de la Ville de Genève et ceux des Services industriels. En 1976, la semaine de 42 heures est introduite pour tous. Tout se calme ensuite quelques années.

1500 personnes à l’AG

Jusqu’en 1980, lorsqu’éclate un conflit dans le secteur social, lors de la fusion des institutions d’assistance (Hospice général et Bureau central d’aide sociale). Il faudra aller jusqu’à la grève, mais les travailleurs sociaux obtiendront les 40 heures. « Le Conseil d’Etat ne voulait pas céder car il savait qu’il y avait un risque de devoir étendre la mesure à l’ensemble de la fonction publique », commente Bernard Clerc.
Une crainte fondée. Dès 1981, le mouvement devient à nouveau unitaire. Le 4 mars 1981, 1500 per- sonnes participent à l’assemblée générale du personnel qui se tient à la salle du Faubourg. Le 13 mai, la fonction publique débraye. Le Conseil d’Etat rompt les négociations six jours plus tard.

« Elles ne reprendront que lors- que le Cartel intersyndical de la fonction publique se décidera formellement à reprendre les revendications, portées jusque-là par les associations qui en étaient membres, précise Michel Bondi. Le conseiller d’Etat Robert Ducret a alors accepté de renouer le dialogue avec le Cartel comme unique interlocuteur. »

Un accord est signé le 14 janvier 1982. L’horaire passe à 41 heures en 1984. Pour atteindre les 40 heures, il faudra tout de même attendre 1988.

« En racontant cette histoire, nous voulons surtout rappeler aux gens qu’il faut se battre pour obtenir quelque chose, explique Daniel Dind. Cela ne tombe pas du ciel. » D’accord, mais la situation n’était-elle pas tout autre à cette époque ? « C’est vrai qu’on était dans une phase de développement des services de l’Etat », reconnaît Daniel Dind.

Moins de soucis d’argent

Pour Bernard Clerc, il existe d’autres différences. « Les conseillers d’Etat avaient davantage la culture de la négociation que ceux d’aujourd’hui, poursuit-il. Il est vrai que c’était plus facile de l’avoir puisqu’on était à la fin des Trente Glorieuses. Il n’y avait pas de sou- cis avec les recettes fiscales à ce moment. C’était aussi avant que la droite n’obtienne une vague de diminution d’impôts. Il faut reconnaître que c’était vraiment une autre époque. »

Nos trois interlocuteurs estiment également qu’il était alors plus aisé de mobiliser la fonction publique. « La culture de la lutte collective s’est estompée », déplore Daniel Dind. Tous trois espèrent évidemment un sursaut. « On verra si le mouvement prend, conclut Michel Bondi. Il est possible que cela prenne un peu de temps pour lancer la dynamique, mais l’enjeu en vaut la peine. »



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