Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

iban CH69 0900 0000 8541 2318 9

chômage genevois

contre le règlement du Conseil d’Etat

jeudi 3 avril 2008 par Claude REYMOND

TRIBUNAL FEDERAL 29 février 2008

RECOURS EN MATIERE DE DROIT PUBLIC

pour Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS)
6, rue des Terreaux-du-Temple, 1201 Genève
 
Comedia, syndicat des médias
Monbijoustrasse 33, 3011 Berne
 
Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT)
16, rue des Chaudronniers, Case postale 3281, 1211 Genève 3
 
Syndicat des services publics (SSP/VPOD)
Birmendorferstrasse 67, 8036 Zurich
Région Genève, 6, rue des Terreaux-du-Temple, 1201 Genève
 
Syndicat UNIA
Weltpoststrasse 20, 3015 Berne
Région Genève, 5, ch. Surinam, Case postale 288, 1211 Genève 13
 
Monsieur Julio CASTRO
Avenue des Communes-Réunies 76, 1212 Grand-Lancy
 
élisant tous domicile en l’étude WAEBER MEMBREZ BRUCHEZ, avocats,12, rue Verdaine, case postale 3647, 1211 Genève 3 et comparant par Me Christian BRUCHEZ

contre

Règlement d’exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008
édicté par le Conseil d’Etat de la République et canton de Genève,
1, rue de l’Hôtel de Ville, 1204 Genève

* * *

PDF - 218 ko
2008-02-29wmb_TF_memoire_chomage-re5791.pdf
I. ACTE ATTAQUE

L’acte attaqué est le Règlement d’exécution de la loi sur le chômage du 23 janvier 2008 édicté
par le Conseil d’Etat de la République et canton de Genève.
Cet acte a été publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du
30 janvier 2008.
(pièce 1)

II. CONCLUSIONS

La Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), Comedia, le Syndicat interprofessionnel de
travailleuses et travailleurs (SIT), le Syndicat des services publics (SSP/VPOD), le Syndicat UNIA et
Monsieur Julio CASTRO concluent à ce qu’il

PLAISE AU TRIBUNAL FEDERAL

A la forme

Déclarer le recours recevable ;

Au fond

Annuler le Règlement d’exécution de la loi sur le chômage du 23 janvier 2008 ;

Condamner l’Etat de Genève en tous les frais et dépens de la procédure, lesquels
comprendront une équitable indemnité à titre de participation aux honoraires d’avocat des
recourants ;

Débouter l’Etat de Genève de toutes autres ou contraires conclusions.

III. EN FAIT

1. Le Grand Conseil de la République et canton de Genève a adopté une loi en matière de
chômage le 11 novembre 1983. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2004.
Cette loi (a) règle l’application dans le canton de Genève de la législation fédérale sur
l’assurance-chômage et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 et (b) institue pour
les chômeurs des prestations cantonales complémentaires à celles prévues par l’assurance-
chômage fédérale (art. 1).
Pièce 2 Loi en matière de chômage du 11 novembre 1983

2. L’article 53 de la loi en matière de chômage prévoit que le Conseil d’Etat consulte les
partenaires sociaux avant l’adoption ou la modification des dispositions d’exécution de la loi
(pièce 2).

3. Le 26 septembre 2006, le Conseil d’Etat a présenté au Grand Conseil un projet de loi
modifiant la loi en matière de chômage.
Pièce 3 Projet de loi modifiant la loi en matière de chômage

4. Ce projet de loi prévoyait notamment d’introduire un nouveau chapitre VA du titre III,
Programme d’emplois de solidarité sur le marché complémentaire de l’emploi (nouveaux
articles 45D à 45G).
Le projet d’article 45G, relatif aux modalités et à la compensation financière, avait la teneur
suivante :

« 1. Le département fixe le montant et les modalités de la rémunération accordée aux
bénéficiaires du programme.

2. La rémunération est au moins équivalente aux dispositions prévues par la loi sur les
prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994 ou celles
découlant de la loi sur l’assistance publique, du 19 septembre 1980.

3. Les relations contractuelles entre les bénéficiaires et les institutions sont régies pour le
surplus par le contrat de travail signé par ces derniers et, à titre supplétif, par les dispositions
du titre dixième du Code des obligations.

4. Il consulte préalablement le CSME. »
(pièce 3, p. 10)

5. Ce projet de loi a été soumis à la Commission de l’économie du Grand Conseil, qui a déposé
son rapport le 11 juin 2007.
Pièce 4 Rapport de la Commission de l’économie du 11 juin 2007

6. Dans la consultation effectuée par la Commission de l’économie du Grand Conseil, Caritas
Genève et le Centre social protestant ont relevé ce qui suit s’agissant de l’article 45G du projet
de loi relatif à la rémunération des personnes au bénéfice d’un emploi de solidarité :

« A teneur de l’article 45G alinéa 3, nous serions les employeurs des bénéficiaires. Nous
devrions signer un contrat de travail selon les dispositions du CO, mais les salaires seront
fixés par le département (article 45G alinéa 1). Cet aspect nous pose problème. En effet, nous
pouvons imaginer que les salaires fixés par l’Etat seront inférieurs à ceux que nous versons à
nos collaboratrices et collaborateurs. Ce qui signifie que nous devrions signer des contrats de
travail pour des emplois de solidarité avec des salaires inférieurs à ceux inscrits dans notre
statut du personnel. Au niveau éthique, cette situation pose un problème énorme, et nous
comptons sur vos travaux pour y remédier. »
(pièce 4, annexe 7, p. 178)

7. Pour tenir compte de cet avis exprimé lors de la consultation, le représentant du Département
de la Solidarité et de l’Emploi a présenté une nouvelle version de l’article 45G lors du
deuxième débat sur le projet de loi par la Commission de l’Economie. La teneur de cette
nouvelle version était la suivante :

« 1. Les bénéficiaires perçoivent de la part des institutions partenaires un salaire dont le
montant est au moins équivalent aux normes prévues par la loi sur les prestations cantonales
accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994 ou celles découlant de la loi sur
l’assistance publique, du 19 septembre 1980.

2. Le Conseil d’Etat détermine ce salaire minimum, après consultation du CSME.

3. Les relations contractuelles entre les bénéficiaires et les institutions sont régies pour le
surplus par le contrat de travail signé par ces derniers et, à titre supplétif, par les dispositions
du titre dixième du Code des obligations.

4. L’Etat contribue au paiement du salaire versé par l’institution partenaire. Cette
contribution est déterminée par le département en tenant compte des moyens financiers que
l’institution dégage par son activité, conformément à l’article 45E, alinéa 2, ainsi que de la
situation personnelle de l’intéressé, conformément à l’alinéa 1 du présent article.

5. La contribution de l’Etat fait l’objet d’une convention entre celui-ci et l’institution
concernée, qui précise les droits et obligations de chaque partie. Cette contribution n’est pas
soumise à la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005. »
(pièce 4, p. 92 )

8. Suite à cette modification du projet de loi, la présidente de la Commission a constaté « avec
satisfaction que les observations faites par Caritas et le Centre sociale protestant, dans leur
courrier du 21 février 2007 (voir annexe 7), ont trouvé un écho favorable. »
(pièce 4, p. 92).

9. Lors du troisième débat, l’article 45G, issu du 2ème débat a encore été modifié, sur les points
suivants :
L’alinéa 1 a été modifié en raison d’une nouvelle référence législative.
L’alinéa 2 a été adapté en lien avec la création du Conseil de surveillance du chômage.
Un nouvel alinéa 4 a été introduit, dont la teneur est la suivante : « Le contrat de travail est à
durée indéterminée et donne lieu au prélèvement des cotisations sociales usuelles. »
En raison de l’introduction du nouvel alinéa 4, les anciens alinéas 4 et 5 sont devenus les
alinéas 5 et 6.
L’article 45G, tel que modifié, a été adopté dans son ensemble par la Commission.
(pièce 4, p. 112-113 et 135).

10. Le Grand-Conseil, après le dépôt du rapport de sa Commission de l’économie, a traité du
projet de loi lors de sa séance du 28 juin 2007.

Pièce 5 Extrait du mémorial du Grand-Conseil, séance 47 du 28 juin 2007
11. Lors de cette séance, le Conseil d’Etat a proposé l’amendement suivant de l’article 45G al. 1 et
2 :

« 1. Les bénéficiaires perçoivent de la part des institutions partenaires un salaire dont le
montant est au moins équivalent aux normes prévues par la loi sur les prestations cantonales
accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994 ou celles découlant de la loi sur
l’aide sociale individuelle, du 22 mars 2007.

2. Le Conseil d’Etat détermine des salaires minimaux sur préavis du Conseil de surveillance
du marché de l’emploi. »

Mis aux voix, cet amendement a été adopté par 83 oui et 1 abstention.
(pièce 5, p. 23)

12. A l’issue de la séance du 28 juin 2007, le Grand Conseil a adopté la loi modifiant la loi en
matière de chômage.
(pièce 5, p. 23)

Pièce 6 Loi modifiant la loi en matière de chômage du 28 juin 2007

13. Suite à une demande de référendum, la loi en matière de chômage a été adoptée en votation
populaire le 16 décembre 2007.
Pièce 7 Extrait du site www.ge.ch

14. La teneur de l’article 45G, adopté par le Grand Conseil, puis en votation populaire, est la
suivante :

« 1. Les bénéficiaires perçoivent de la part des institutions partenaires un salaire dont le
montant est au moins équivalent aux normes prévues par la loi sur les prestations cantonales
accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994 ou celles découlant de la loi sur
l’aide sociale individuelle, du 22 mars 2007.

2. Le Conseil d’Etat détermine ce salaire minimum sur préavis du Conseil de surveillance du
marché de l’emploi.

3. Les relations contractuelles entre les bénéficiaires et les institutions sont régies pour le
surplus par le contrat de travail signé par ces derniers et, à titre supplétif, par les dispositions
du titre dixième du Code des obligations.

4. Le contrat de travail est à durée indéterminée et donne lieu au prélèvement des cotisations
sociales usuelles.

5. L’Etat contribue au paiement du salaire versé par l’institution partenaire. Cette
contribution est déterminée par le département en tenant compte des moyens financiers que
l’institution dégage par son activité, conformément à l’article 45E, alinéa 2, ainsi que de la
situation personnelle de l’intéressé, conformément à l’alinéa 1 du présent article.

6. La contribution de l’Etat fait l’objet d’une convention entre celui-ci et l’institution
concernée, qui précise les droits et obligations de chaque partie. Cette contribution n’est pas
soumise à la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005. »
(pièce 6)

15. Il sied en outre de préciser que l’article 53 relatif à la consultation de partenaires sociaux avant
l’adoption et la modification des dispositions d’exécution de la loi n’a pas été modifié.
(pièce 6)

16. Le Conseil de surveillance du marché de l’emploi est institué par les articles 12 ss de la loi sur
le service de l’emploi et la location de services du 18 septembre 1992. Il est chargé d’examiner
les problèmes d’application relatifs à la politique générale du marché du travail.
Il est composé de 5 représentants de l’Etat, dont le président du département compétent, ainsi
que de 5 représentants des employeurs et 5 représentants de travailleurs nommés par le
Conseil d’Etat sur proposition de l’Union des associations patronales genevoises et de la
Communauté genevoise d’action syndicale (art. 12 al. 3 de la loi).
Pièce 8 Loi sur le service de l’emploi et la location de services du 18 septembre 1992

17. Par courrier du 14 janvier 2008, Monsieur le Conseiller d’Etat François LONGCHAMP a
adressé aux membres du Conseil de surveillance du marché de l’emploi (CSME) la
convocation pour la prochaine séance du CSME.
Le point 5 de l’ordre du jour était intitulé « Emplois de solidarité sur le marché
complémentaire de l’emploi – consultation CSME à teneur des articles 45E et 45F de la
nouvelle loi cantonale en matière de chômage. »
Aucun document n’était joint à la convocation au sujet de ce point 5 de l’ordre du jour.
Pièce 9 Convocation du CSME du 14 janvier 2008

18. Lors de la séance du CSME du 18 janvier 2008, la question des emplois de solidarité a été
abordée par le Département de la Solidarité et de l’Emploi, au point 5 de l’ordre du jour.
Les emplois prévus ont été décrits oralement sans aucun document à l’appui. Il a été annoncé
la création de 60 emplois de solidarité dès le 1er février 2008 et à un rythme de 30 nouveaux
emplois par mois. Aucun exemple de contrat entre les associations employeuses et l’Office, ni
entre les associations et les salariés, n’a été présenté.
S’agissant des salaires, une proposition de grille salariale en trois paliers (Fr. 3.000,—, Fr.
3.500,—, Fr. 4.000,—) a été mise sur la table en cours de séance par le Département de la
Solidarité et de l’Emploi.
Les représentants de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) ont fait part de
leur impossibilité de se prononcer sur ces salaires lors de la séance, dans la mesure où aucune
information ne leur avait été transmise avant la séance et que la question des salaires était
particulièrement complexe. En outre, les représentants de la CGAS relevaient que la grille
salariale proposée ne prenait pas en compte la problématique des conventions collectives
existantes, notamment les conventions collectives étendues. Au vu de cette situation, ils se
sont opposés à un vote immédiat sur la question des salaires et ont demandé qu’une
commission technique soit mise en place pour étudier le dossier et faire des propositions pour
la séance suivante du CSME du 29 février 2008.

Pour débloquer la situation, Monsieur le Conseiller d’Etat François LONGCHAMP a proposé
que la grille salariale proposée par ses services soit adoptée de manière provisoire et qu’un
groupe de travail technique se réunisse rapidement pour que le CSME se prononce définitivement sur la question des salaires lors de la séance suivante. Cette proposition a été
acceptée à l’unanimité, moins une abstention patronale.
Pièce 10 Projet du Département de la Solidarité et de l’Emploi relatif à la détermination des
salaires des emplois de solidarité (remis lors de la séance du CSME du 18 janvier
2008)
Pièce 11 Procès-verbal de la séance du CSME du 18 janvier 2008
Pièce 12 Attestation de M. Bernard REMION, représentant syndical au CSME, du 28
février 2008

19. Le 30 janvier 2008, est paru dans la Feuille d’avis officielle le Règlement d’exécution de la loi
en matière de chômage adopté par le Conseil d’Etat le 23 janvier 2008 (pièce 1).
Ce règlement n’avait pas été soumis préalablement aux partenaires sociaux, contrairement à ce
qu’exige l’article 53 de la loi en matière de chômage.

20. L’article 43 de ce règlement traite des salaires des emplois de solidarité. Il a la teneur
suivante :

« 1 Le salaire mensuel brut de l’emploi de solidarité est de :

a) 3 000 F pour une fonction ne requérant aucune formation spécifique ;

b) 3 500 F pour une fonction conforme à la lettre a, mais occupée par un titulaire du
certificat fédéral de capacité ou d’un diplôme professionnel équivalent ;

c) 4 000 F pour une fonction spécialisée ou à responsabilités, dont l’exercice requiert
impérativement un certificat fédéra de capacité ou un diplôme professionnel équivalent.

2 Ces montants correspondent à un taux d’activité à plein temps sur la base de 40 heures
hebdomadaires et 12 versements par an.

3 L’office détermine le salaire adéquat après examen de l’emploi de solidarité concerné, ainsi
que du dossier de son bénéficiaire potentiel. »
(pièce 1)

21. L’article 44 de ce règlement traite de l’allocation complémentaire qui peut être versée aux
bénéficiaires d’un emploi de solidarité. Il a la teneur suivante :

« 1. Si le salaire perçu par le bénéficiaire d’un emploi de solidarité est inférieur aux
prestations qu’il percevrait en vertu de la loi sur les prestations cantonales accordées aux
chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994, une allocation complémentaire lui est versée
pour combler le différentiel constaté.

2. Cette allocation complémentaire n’est pas assimilée à un salaire et ne donne pas lieu à un
prélèvement des cotisations sociales.

3. Le bénéficiaire est tenu de fournir à l’office tous les documents utiles à l’examen de sa
situation financière.

4. L’allocation complémentaire est versée pour une durée de trois mois renouvelable.

5. Le bénéficiaire est tenu d’informer en tout temps l’office de tout changement de sa situation
familiale et financière. »
(pièce 1)

22. Lors d’une conférence de presse du 4 février 2008, Monsieur le Conseiller d’Etat François
LONGCHAMP a déclaré que le Conseil d’Etat avait adopté le 23 janvier 2008 le règlement
d’exécution de la nouvelle loi sur le chômage. Il a déclaré que le Conseil d’Etat avait
également adopté le 23 janvier 2008 l’échelle de traitement des emplois de solidarité après
avoir obtenu l’aval des partenaires sociaux dans le cadre du CSME.
Après avoir énoncé la teneur de l’article 43 précité, il a indiqué que ces salaires présentaient
plusieurs avantages, notamment qu’« ils sont aisés à mettre en place (les entreprises sociales et
solidaires n’ont pas besoin de se soumettre à plusieurs conventions collectives de travail
différentes si elles engagent un menuisier, un jardinier, un vendeur et un employé de
commerce.) »
Pièce 13 Extrait de la Feuille d’avis officielle du 11 février 2008

IV. RECEVABILITE

23. Selon l’article 82 let. b de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF ; RS 173.110), le
Tribunal fédéral connaît des recours contre les actes normatifs cantonaux. La notion d’acte
normatif cantonal correspond à celle d’arrêté cantonal au sens de l’article 84 al. 1 de la loi
fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (ci-après : OJ ; Message du 28 février
2001 concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale [ci-après : Message], FF
2001 p. 4000 ss, p. 4118). Elle comprend ainsi toutes les lois et ordonnances édictées par les
autorités cantonales ou communales, y compris dans une certaine mesure les ordonnances
administratives qui ont des effets externes (ATF 122 I 44, consid. 2a p. 45).
Le règlement d’exécution de la loi sur le chômage attaqué constitue donc un acte normatif
cantonal au sens de l’article 82 let. b LTF, de sorte que la voie du recours en matière de droit
publique est ouverte.

24. Le droit genevois ne prévoyant pas d’instance cantonale de recours contre les actes normatifs
cantonaux, le recours au Tribunal fédéral est directement recevable (art. 87 al. 1 LTF).

25. En vertu de l’article 89 al. 1 LTF, peut former un recours en matière de droit public quiconque
est particulièrement atteint par l’acte normatif attaqué (lettre b) et a un intérêt digne de
protection à son annulation ou à sa modification (lettre c). Lorsque le recours est dirigé,
comme en l’espèce, contre un acte normatif cantonal, la qualité pour recourir appartient à toute
personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourront l’être un
jour ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de
vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées
(ATF 131 I 291 consid. 1.3 p. 296, 124 I 11 consid. 1b p. 13, 122 I 70 consid. 1b p. 73 et la
jurisprudence citée). Il suffit en outre que l’intérêt digne de protection soit factuel, à la
différence de ce qui prévalait sous l’empire de l’art. 88 OJ (cf. Message p. 4126/4127 ; Hans-
Jörg Seiler/Nicolas von Werdt/Andreas Güngerich, Bundesgerichtsgesetz (BGG), Berne 2007,
n° 32 ad art. 89 LTF, p. 364 ; Bernard Corboz, Introduction à la nouvelle loi sur le Tribunal
fédéral, SJ 2006 II p. 319 ss, p. 352).

26. Dans le cas particulier, Monsieur Julio CASTRO, domicilié dans le canton de Genève, est
actuellement au bénéfice de prestations de l’assurance chômage. Il est donc potentiellement
concerné par la réglementation attaquée, de sorte qu’il a la qualité pour recourir.
Pièce 14 Décompte d’indemnités de chômage de Monsieur Julio CASTRO

27. Comedia, le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT), le Syndicat des
services publics (SSP/VPOD) et le Syndicat UNIA sont des organisations syndicales,
constituées sous forme d’association au sens des articles 60 ss CC, (à l’exception de Comedia
qui est constitué sous forme de société coopérative). Comedia, le SSP/VPOD et UNIA sont
des organisations nationales, organisées sous forme de Régions (art. 20a des statuts de
Comedia, art. art. 10 ss des statuts du SSP / VPOD, art. 38 ss des statuts de UNIA) ; le SIT est
une organisation syndicale genevoise. Selon leurs statuts, ces organisations ont pour but de
défendre les intérêts de leurs membres (art. 2 des statuts de Comedia ; art. 3 al. 1 let. b des
statuts du SSP, art. 1.4 et 1.5 des statuts du SIT, art. 3 et 4 des statuts d’UNIA).

Dans la mesure où de nombreux chômeurs sont membres de ces organisations, actives dans le
canton de Genève, et où tout travailleur risque un jour de se retrouver au chômage, il faut
admettre qu’un grand nombre des adhérents de ces organisations sont potentiellement
concernés par la réglementation attaquée. Il y a donc lieu également de reconnaître à Comedia,
au Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT), au Syndicat des services
publics (SSP/VPOD) et à UNIA la qualité pour recourir (voir dans ce sens arrêt du TF
9C_78/2007 du 15 janvier 2008, consid. 3.3).

Pièce 15 Statuts de Comedia

Pièce 16 Statuts du SIT

Pièce 17 Statuts du SSP / VPOD

Pièce 18 Statuts d’UNIA

28. La Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) est une association au sens des articles
60 ss CC. Elle est l’organisation faîtière du mouvement syndical genevois et a pour but de
défendre les intérêts des travailleuses et travailleurs actifs-ives et non actifs-ives et de ses
organisations membres, notamment dans le domaine du marché de l’emploi et de la lutte
contre le chômage (art. 2 let. f des statuts de la CGAS). Dans la mesure où il convient
d’admettre qu’un grand nombre des adhérents des organisations membres de la CGAS sont
potentiellement concernés par la réglementation attaquée (voir supra ch. 27), il y a lieu
également de reconnaître à la CGAS la qualité pour recourir (voir dans ce sens arrêt du TF
9C_78/2007 du 15 janvier 2008, consid. 3.3).
Selon l’article 3 de ses statuts, pour atteindre son but, la CGAS agit notamment par la réponse
à des consultations (let. d), par sa présence dans les commissions consultatives du Conseil
d’Etat ou dans tout autre organe de concertation (let. e) et par la mise en place de structures
syndicales ou paritaires, notamment dans les domaines du chômage, de la formation, de
l’apprentissage et du logement (let. f). Comme cela ressort des faits, l’article 53 de la loi en
matière de chômage prévoit la consultation des partenaires sociaux avant l’adoption ou la
modification du règlement d’exécution de loi en matière de chômage ; en outre, c’est la CGAS
qui propose les représentants des travailleurs au sein du Conseil de surveillance du marché de
l’emploi (CSME) (supra ch. 16) et selon l’article 45G al. 2 de la loi en matière de chômage, le
Conseil d’Etat fixe les salaires minimaux des emplois de solidarité sur préavis du CSME. En
sa qualité de partenaire social défendant les intérêts des travailleurs dans les consultations
organisées par le Conseil d’Etat et disposant de représentants au sein du CSME, la CGAS a un
intérêt juridique à faire respecter les droits de consultation prévus aux articles 53 et 45G al. 2
de la loi en matière de chômage. La qualité pour recourir doit donc lui être reconnue à ce titre
également.
Pièce 19 Statuts de la CGAS

29. Le règlement attaqué a été publié dans la Feuille d’avis officielle du 30 janvier 2008 (pièce 1).
Le délai de recours de 30 jours de l’article 101 LTF arrive dès lors à échéance le 29 février
2008.
Adressé au Tribunal fédéral le 29 février 2008, le présent recours respecte donc le délai légal.

30. Toutes les conditions prévues par la loi étant remplies, le présent recours est donc recevable.

V. EXAMEN DES GRIEFS

A. VIOLATION DU PRINCIPE DE LA SEPARATION DES POUVOIRS

31. Le principe de la séparation des pouvoirs est un droit constitutionnel consacré explicitement
ou implicitement par toutes les constitutions cantonales (AUER / MALINVERNI /
HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2ème éd. Berne 2006, Vol. 1, N. 1775).

32. En droit genevois, le principe de la séparation des pouvoirs est consacré par l’article 130 Cst.
GE. Si le pouvoir législatif est exercé par le Grand Conseil, le pouvoir exécutif et
l’administration générale du canton sont confiés au Conseil d’Etat. Selon l’article 116 Cst. GE,
le Conseil d’Etat a pour tâche de promulguer les lois. Il ne peut ainsi, en principe, que disposer
intra legem et non pas praeter legem : ses règlements peuvent établir des règles
complémentaires de procédure, préciser et détailler certaines dispositions de la loi et,
éventuellement, combler de véritables lacunes (arrêt du TF 2P.354/2007 du 30 novembre
2008, publié in SJ 1999 I 161, consid. 2a ; AUER / MALINVERNI / HOTTELIER, op. cit.,
Vol. 1, N. 1726).

33. En l’espèce, le règlement d’exécution de la loi en matière de chômage du 23 janvier 2008
contrevient à la loi en matière de chômage tant quant à sa procédure d’adoption, que quant à
son contenu, ce qui constitue une violation du principe de la séparation des pouvoirs :

a) Violation de l’article 53 de la loi en matière de chômage

34. Selon l’article 53 de la loi en matière de chômage, qui n’a pas été modifié par la révision du 28
juin 2007, le Conseil d’Etat consulte les partenaires sociaux avant l’adoption ou la
modification des dispositions d’exécution de la loi (pièce 2).

35. En matière de droit du travail et d’assurance-chômage, il est fréquent que la loi exige une telle
consultation des partenaires sociaux avant l’adoption de dispositions d’exécution (voir art. 109
de la loi fédérale sur le chômage, art. 40 al. 2 de la loi fédérale sur le travail, art. 41 al. 2 de la
loi sur le service de l’emploi, art. 359 al. 2 CO sur la consultation préalable à l’adoption de
contrats-types).
Une telle consultation oblige l’autorité exécutive à soumettre formellement pour prise de
position le projet aux organismes concernés, même si elle n’impose pas à l’autorité de tenir
compte des remarques formulées (Hans-Ulrich SCHEIDEGGER / Christine PITTELOUD,
Commentaire de la Loi sur le travail (Geiser/ Von Känel / Wyler), Berne 2005, N. 11 et 12 à
l’art. 40).

36. En application de l’article 53 de la loi en matière de chômage, lorsqu’il entend édicter un
nouveau règlement d’exécution de la loi, le Conseil d’Etat devrait donc soumettre un projet de
règlement complet aux partenaires sociaux et leur laissant un délai pour produire des
observations.

37. En l’espèce, il ressort des faits que le Conseil d’Etat n’a pas consulté les partenaires sociaux,
et en particulier la CGAS, au sujet de la teneur du Règlement d’exécution attaqué avant son
adoption le 23 janvier 2008.
En effet, lors de la séance du CSME du 18 janvier 2008, il n’a pas été question du règlement
d’exécution de la loi dans son ensemble, mais uniquement de la nature et des salaires des
emplois de solidarité selon les articles 45G al. 2 de la loi (pièce 11, p. 3 à 8, pièce 12). Il n’y a
par ailleurs jamais eu, ni avant, ni après cette séance de consultation des partenaires sociaux
sur tout ou partie de ce règlement d’exécution (pièce 12) ; ces derniers ont découvert la teneur du règlement d’exécution lors de sa publication dans la Feuille d’avis officielle, le 30 janvier
2008 (pièce 1).

En omettant la procédure de consultation prévue par l’article 53 de la loi sur le chômage avant
l’adoption du règlement d’exécution attaqué, le Conseil d’Etat a clairement violé cette
disposition légale.

Etant donné que cette procédure de consultation a été voulue par le législateur, l’adoption par
le Conseil d’Etat du règlement d’exécution en violation de cette procédure de consultation,
constitue une violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

b) Violation de l’article 45G al. 2 de la loi en matière de chômage (préavis du CSME sur les salaires minimaux)

38. Selon l’article 45G al. 2 de la loi en matière de chômage, le Conseil d’Etat détermine des
salaires minimaux (pour les emplois de solidarité) sur préavis du Conseil de surveillance du
marché de l’emploi.

39. Dans l’ATF 129 I 113, s’agissant des conditions de travail applicables à la fonction publique,
le Tribunal de céans avait considéré que, du fait de sa position particulière, l’Etat ne saurait
nier aux organisations syndicales tout droit d’être entendues, en particulier en relation avec
l’article 28 Cst., lorsque sont en jeu des questions importantes concernant les conditions de
travail dans la fonction publique (consid. 1.4).

40. Même s’il ne s’agit pas en l’espèce de conditions de travail dans la fonction publique, force est
d’admettre que, s’agissant des emplois de solidarité, le législateur cantonal a conféré à
l’Exécutif, comme dans la fonction publique, la prérogative de fixer des salaires minimaux. Il
se justifiait donc pleinement, en vertu du droit à la liberté syndicale garanti par l’article 28 Cst
que les organisations syndicales soient au moins entendues avant que ces salaires minimaux ne
soient fixés. Il est dès lors logique que l’article 45G al. 2 de la loi en matière de chômage exige
que le CSME, dans lequel sont représentées les organisations syndicales, donne un préavis
avant la fixation de ces salaires minimaux.

Pour qu’un telle procédure de préavis sur les salaires minimaux, et partant la liberté syndicale,
ne soit pas vidée de sa substance, il est nécessaire que les membres du CSME et en particulier
les représentants des travailleurs aient connaissance suffisamment tôt des propositions de
salaires minimaux émanant du Conseil d’Etat pour qu’ils puissent les examiner et proposer,
arguments à l’appui, d’éventuelles modifications.

41. Etant donné que l’article 45G al. 2 de la loi prévoit une forme de droit d’être entendu législatif,
il y a également lieu d’appliquer par analogie les principes suivis en la matière.
Le droit de consulter le dossier représente un aspect crucial du droit d’être entendu. Celui-ci ne
peut en effet être exercé d’une manière adéquate qu’à la condition que l’intéressé soit en
mesure de connaître les éléments du dossier qui le concernent. Pour cette raison, le dossier doit être complet et comporter l’ensemble des éléments collectés par l’autorité (AUER /
MALINVERNI / HOTTELIER, op. cit., Vol. II, N. 1325). En l’espèce, par analogie, les
membres du CSME, pour exercer leur droit d’être entendu sur les salaires minimaux des
emplois de solidarité envisagés par le Conseil d’Etat, devaient connaître, avant la séance, les
propositions de salaires minimaux faites par le Conseil d’Etat et les éléments pris en compte
pour les déterminer.
Le droit d’être entendu comprend aussi le droit de se prononcer sur les autres moyens et sur les
preuves avancés par les autres parties ou par l’autorité (AUER / MALINVERNI /
HOTTELIER, op. cit., Vol. II, N. 1325). Pour que ce droit soit effectif, il faut que l’intéressé
ait le temps nécessaire pour prendre connaissance des éléments du dossier, les examiner et
formuler une détermination. En l’espèce, par analogie, une fois en possession des propositions
du Conseil d’Etat sur les salaires minimaux, les membres du CSME devaient disposer du
temps nécessaire pour examiner la conformité au droit de ces salaires et leurs implications,
pour faire part de leur détermination ou formuler des contre-propositions.

42. Or, il ressort des faits que le Conseil d’Etat n’a pas communiqué aux membres du CSME les
propositions de salaires minimaux, avec les arguments y relatifs, avant la séance du CSME du
18 janvier 2008 et qu’il a exigé une décision immédiate du CSME lors de cette séance (pièces
10 à 12).

43. En procédant de la sorte, le Conseil d’Etat a mis le CSME devant le fait accompli et a vidé la
procédure de préavis sur les salaires minimaux de sa substance. L’article 45G al. 2 de la loi a
donc été violé.
Etant donné que cette procédure de préavis a été voulue par le législateur, l’adoption par le
Conseil d’Etat de l’article 43 du règlement d’exécution relatif au salaire des emplois de
solidarité, en violation de cette procédure de préavis, constitue une violation du principe
constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

c) Violation de l’article 45G al. 2 de la loi en matière de chômage (fixation de salaires minimaux)

44. L’article 45G al. 2 de la loi prévoit que le Conseil d’Etat détermine des salaires minimaux sur
préavis du Conseil de surveillance du marché de l’emploi. Comme cela a été exposé ci-dessus
l’article 43 du règlement d’exécution, réglant cette question, a été adopté par le Conseil d’Etat
sans respecter cette procédure de préavis.

45. En outre, l’article 43 du règlement d’exécution est contraire à l’article 45G al. 2 de la loi quant
à son contenu matériel.

46. Comme cela ressort de l’état de fait, l’article 45G de la loi a été modifié à plusieurs reprises
dans la procédure parlementaire. Le projet du Conseil d’Etat du 26 septembre 2006 (pièce 3)
prévoyait à l’alinéa 1 de cet article que le département devait fixer le montant et les modalités
de la rémunération accordé aux bénéficiaires du programme. Selon cet alinéa, même si le
contrat de travail lie le bénéficiaire du programme et une institution (art. 45G al. 3 du projet),
c’est le département et non l’employeur qui fixe le montant de la rémunération.

Dans la consultation effectuée par la Commission de l’Economie du Grand Conseil, Caritas et
le Centre social protestant ont contesté cette réglementation, car ils considéraient que cela
constituait un problème grave de devoir signer des contrats de travail avec des salaires, fixés
par l’Etat, inférieurs à ceux inscrits dans leur statut du personnel (pièce 4, annexe 7, p. 178).

Suite à cette prise de position, le département, suivi par la Commission de l’Economie du
Grand Conseil lors du deuxième débat, a supprimé les salaires fixés par l’Etat prévus à
l’article 45G al. 1 du projet et a prévu à la place que le Conseil d’Etat fixerait uniquement des
salaires minimaux. La présidente de la Commission a relevé avec satisfaction que cette
modification légale prenait en considération les observations faites par Caritas et le Centre
social protestant (pièce 4, p. 92).

Avec cette modification, les salaires obligatoires fixés par l’Etat prévus dans le projet ont donc
été remplacés par des salaires minimaux fixés par l’Etat. Cette modification devait avoir pour
effet de permettre aux institutions engageant des bénéficiaires d’emplois de solidarité, de
verser à ces derniers des salaires dépassant les salaires minimaux que fixerait le Conseil
d’Etat. Elle devait permettre à des institutions employeuses comme Caritas ou le Centre social
protestant, selon leur souhait fondé sur des préoccupations éthiques, de verser aux
bénéficiaires d’emplois de solidarité les salaires prévus par leur statut du personnel.

Les modifications apportées à l’article 45G de la loi lors du 3ème débat (pièce 4, p. 112-113) et
lors du débat en plénum (pièce 5, p. 23) n’ont pas remis en cause ce remplacement des salaires
obligatoires prévus par le projet par des salaires minimaux.

47. L’article 43 du règlement adopté par le Conseil d’Etat a la teneur suivante (pièce 1) :

« 1 Le salaire mensuel brut de l’emploi de solidarité est de :

a) 3 000 F pour une fonction ne requérant aucune formation spécifique ;

b) 3 500 F pour une fonction conforme à la lettre a, mais occupée par un titulaire du
certificat fédéral de capacité ou d’un diplôme professionnel équivalent ;

c) 4 000 F pour une fonction spécialisée ou à responsabilités, dont l’exercice requiert
impérativement un certificat fédéra de capacité ou un diplôme professionnel
équivalent.

2 Ces montants correspondent à un taux d’activité à plein temps sur la base de 40 heures
hebdomadaires et 12 versements par an.

3 L’office détermine le salaire adéquat après examen de l’emploi de solidarité concerné, ainsi
que du dossier de son bénéficiaire potentiel. »

48. Force est de constater que cet article 43 du règlement d’exécution ne prévoit pas de salaires
minimaux comme l’exige l’article 45G al. 2 de la loi, mais des salaires obligatoires comme
cela était prévu dans le projet du Conseil d’Etat écarté sur ce point dans la procédure de
consultation.

Les déclarations faites par Monsieur le Conseiller d’Etat François LONGCHAMP lors de la
conférence de presse du 4 février 2008 confirment d’ailleurs clairement que l’article 43 du
règlement ne prévoit pas des salaires minimaux, mais une échelle des traitements unique et
obligatoire applicable à tous les bénéficiaires d’emplois de solidarité (« deux bénéficiaires
travaillant dans deux entités différentes auront, pour le même type de compétences, le même
traitement ») (pièce 13).

Contrairement à la volonté du législateur, avec cet article 43 du règlement d’exécution, les
institutions employeuses de bénéficiaires d’emplois de solidarité ne peuvent pas conclure avec
ces derniers des contrats de travail prévoyant des salaires plus élevés que ceux prévus dans
l’échelle de traitement. Des institutions comme Caritas ou le Centre social protestant ne
pourraient donc pas verser aux bénéficiaires d’emplois de solidarité des salaires correspondant
à leur statut du personnel, qui sont supérieurs à cette échelle de traitement obligatoire.

49. Au vu de ces éléments, force est d’admettre que l’article 43 du règlement d’exécution
contrevient clairement à l’article 45G al. 2 de la loi.
L’adoption de cet article 43 du règlement, contraire à la loi sur laquelle il se fonde, constitue
donc également une violation du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.

d) Violation de l’article 45G al. 1 à 4 de la loi en matière de chômage

50. L’article 45G de la loi prévoit, d’une part à son alinéa 1, que les bénéficiaires perçoivent de la
part des institutions partenaires un salaire dont le montant est au moins équivalent aux normes
prévues par la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit du 18
novembre 1994 ou celles découlant de la loi sur l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 et,
d’autre part à son alinéa 2, des salaires minimaux.

Combinés ensemble, ces deux alinéas signifient donc que le salaire versé par l’institution
partenaire au bénéficiaire l’emploi de solidarité doit être supérieur à deux minimaux, celui
découlant de la législation sociale (al. 1) et celui fixé par le Conseil d’Etat (al. 2).

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit que les relations contractuelles entre les bénéficiaires et
les institutions partenaires sont régies pour le surplus par le contrat de travail signé par ces
derniers et, à titre supplétif, par les dispositions du titre dixième du Code des obligations.
S’agissant du salaire, cette disposition légale signifie donc que, dans la mesure où les deux
minimaux résultant des alinéas 1 et 2 sont respectés, le salaire est fixé librement entre
l’institution partenaire et le bénéficiaire de l’emploi de solidarité.

Par ailleurs, selon l’alinéa 4 de cette disposition, le contrat de travail est à durée indéterminée
et donne lieu au prélèvement des cotisations sociales usuelles. Cela signifie que la totalité du
salaire, déterminé selon les alinéas 1 à 3 de cette disposition, est soumise au prélèvement des
cotisations sociales. Cette solution est d’ailleurs conforme à la législation sociale (voir art. 5
LAVS).

51. Le règlement d’exécution, à ses articles 43 et 44, prévoit un système différent de celui prévu à
l’article 45G de la loi.

En premier lieu, comme cela a déjà été exposé, il prévoit, à son article 43, des salaires
obligatoires et non pas des salaires minimaux.

En second lieu, selon l’article 44 du règlement d’exécution, la différence entre ces salaires
obligatoires et le salaire minimal résultant de la législation sociale (art. 45G al. 1 de la loi) fait
l’objet d’une allocation complémentaire. L’article 44 al. 2 du règlement d’exécution prévoit
que cette allocation complémentaire n’est pas assimilée à un salaire et ne donne pas lieu au
prélèvement des cotisations sociales. Cette réglementation suppose donc que cette allocation
est une prestation sociale versée par l’Etat, qui correspond aux prestations d’assistance.

L’article 44 du règlement d’exécution contrevient à l’article 45G al. 1 de la loi qui prévoit que
c’est le salaire versé par l’institution partenaire (employeuse) qui doit respecter les normes de
la législation sociale. Il contrevient également à l’article 45G al. 4 de la loi qui prévoit que le
contrat de travail donne lieu au prélèvement des cotisations sociales usuelles, ce qui exclut
qu’une partie du salaire soit versé sous forme d’allocation de l’Etat non soumise aux
cotisations sociales.

52. En prévoyant aux articles 43 et 44 du règlement d’exécution un système qui s’écarte de la
solution voulue par le législateur à l’article 45G de la loi, le Conseil d’Etat a, à nouveau, violé
le principe de la séparation des pouvoirs.

53. Au vu des violations du principe de la séparation des pouvoirs mises en évidence dans les
développements qui précèdent, le règlement d’exécution de la loi en matière de chômage du
23 janvier 2008, et en particulier ses articles 43 et 44, doit être annulé.

B. VIOLATION DU PRINCIPE DE LA PRIMAUTE DU DROIT FEDERAL

54. Selon l’article 49 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire.
Selon le principe de la primauté du droit fédéral, les cantons ne peuvent pas édicter de règles
contraires au droit fédéral.

55. Selon l’article 322 CO, l’employeur paie au travailleur le salaire convenu, usuel ou fixé par un
contrat-type de travail ou par une convention collective.

56. Les salaires minimaux prévus par des conventions collectives sont impératifs dans la mesure
où l’employeur et le travailleur sont liés par la convention collective (art. 357 al. 1 CO). Sont
liés au sens de l’article 357 al. 1 CO les employeurs parties à la convention collective, les
travailleurs et employeur membres des organisations signataires de la convention collective
ainsi que les travailleurs et employeurs qui se sont soumis individuellement à la convention
collective (art. 356b al. 1 CO).

Lorsqu’une convention collective a fait l’objet d’un arrêté d’extension conformément à la loi
fédérale permettant d’étendre le champ d’application de la convention collective (LECCT), les
dispositions normatives de cette convention collective, dont font partie les salaires minimaux,
s’appliquent également aux employeurs et travailleurs auxquels la convention est étendue (art.
4 LECCT).

57. Sont également impératifs, les salaires minimaux prévus par des contrats-type au sens de
l’article 360a CO (art. 360d al. 2 CO).

58. En l’espèce, les relations de travail entre le bénéficiaire d’un emploi de solidarité et
l’institution qui l’emploie peuvent être impérativement soumises à une convention collective.
Tel est le cas si le bénéficiaire de l’emploi de solidarité est membre d’un syndicat qui a signé
une convention collective avec l’institution qui l’emploie. Tel est également le cas si son
employeur est membre d’une organisation patronale signataire d’une convention collective
avec le syndicat dont il est membre. Tel est encore le cas lorsque la relation de travail entre
dans le champ d’application d’une convention collective étendue.

59. A titre d’exemple, à Genève, l’Université ouvrière de Genève, qui est une association sans but
lucratif, est signataire d’une convention collective avec les syndicats UNIA et SIT. Si elle
engage un travailleur au bénéficie d’un emploi de solidarité, qui est membre d’UNIA et du
SIT, elle devra obligatoirement lui appliquer, en vertu de l’article 357 al. 1 CO, les salaires
minimaux prévus par cette convention collective.

Le salaire minimal prévu par cette convention collective est de Fr. 4.200,— et il est versé 13
fois l’an (art. 26 CCT). Il est donc supérieur au salaire le plus bas prévu à l’article 43 du
règlement d’exécution pour les travailleurs non qualifiés au bénéfice d’un emploi de solidarité.
Pièce 20 Convention collective de travail de l’UOG
Pièce 21 Grille des salaires (annexe D à la CCT de l’UOG)

60. A titre d’autre exemple, l’arrêté du Conseil fédéral étendant le champ d’application de la
Convention collective nationale de travail pour les hôtels, restaurants et cafés (CCNT), du 19
novembre 1998, qui a été prolongé pour la dernière fois le 17 décembre 2007 jusqu’au 31
décembre 2011, prévoit, à son article 2, que les clauses qu’il vise s’appliquent aux employeurs
et aux travailleurs (y compris les travailleurs occupés à temps partiel et les auxiliaires) des
établissements servant des prestations dans le domaine de l’hôtellerie ou de la restauration. Il
précise qu’une activité à but lucratif n’est pas une condition préalable.

Si une association à but non lucratif exploite un restaurant, elle doit donc soumettre son
personnel à la convention collective de l’hôtellerie. Si une telle association engage un employé
bénéficiaire d’un emploi de solidarité, elle doit donc également respecter cette convention
collective conformément à l’article 4 LECCT.

Le salaire minimal prévu par cette convention collective pour une personne non qualifiée est
de Fr. 3.300,— (art. 10 ch. I CCNT) et une part progressive du 13ème salaire est due à partir du
7ème mois de travail (art. 12 CCNT). Il est donc supérieur au salaire le plus bas prévu à l’article
43 du règlement d’exécution pour les travailleurs non qualifiés au bénéfice d’un emploi de
solidarité.

Pièce 22 Arrêté du Conseil fédéral étendant le champ d’application de la CCNT du 19 novembre 1998

Pièce 23 Arrêté du Conseil fédéral étendant le champ d’application de la CCNT
(prorogation et modification du 12 décembre 2002)

Pièce 24 Arrêté du Conseil fédéral étendant le champ d’application de la CCNT
(modification du 17 décembre 2007)

61. En fixant à l’article 43 du règlement des salaires obligatoires, qui peuvent être plus bas que
ceux prévus par des conventions collectives, le Conseil d’Etat contrevient donc aux articles
357 al. 1 CO et 4 LECCT.

Les explications données, lors d’une conférence de presse du 4 février 2008, par Monsieur le
Conseiller d’Etat François LONGCHAMP, selon lesquelles les salaires fixés par le Conseil
d’Etat « sont aisés à mettre en place (les entreprises sociales et solidaires n’ont pas besoin de
se soumettre à plusieurs conventions collectives de travail différentes si elles engagent un
menuisier, un jardinier, un vendeur et un employé de commerce.) » (pièce 13), démontrent
qu’en édictant cet article 43 du règlement le Conseil d’Etat a voulu éviter l’application des
conventions collectives.

Etant donné toutefois que les conditions d’application des conventions collectives sont
impérativement définies par le droit fédéral, le Conseil d’Etat ne pouvait pas édicter une
disposition réglementaire pour rendre inopérantes ces dispositions légales de droit fédéral.
62. Pour ces motifs, l’article 43 du règlement devra donc être annulé pour violation du principe de
la primauté du droit fédéral.

63. Au vu de l’ensemble des explications qui précèdent, les recourants persistent donc dans les
conclusions prises en tête du présent recours.

Pour les recourants :

Christian BRUCHEZ, avocat

Annexes : bordereau de pièces
procurations