Communauté genevoise d’action syndicale

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Demande de prise de position contre la 5è révision faite à la Fédération des Eglises protestantes de Suisse

mercredi 30 mai 2007 par Joel

Mon révérend, chers membres du Conseil,

La valeur unique de chaque Homme, la défense de son inviolable Dignité a toujours été le souci de l’Église. Et les pauvres, les faibles, les handicapés, quel que soit le degré de dégoût et de rejet qu’ils inspiraient à la société, ont toujours trouvé en l’Eglise leur plus fervente avocate. N’est-ce pas la transmission de cet esprit qui est à l’origine de l’idée de sécurité sociale étatique ? Comme jadis, les disciples du Christ ont, devant leurs yeux, les images de la parabole du " Bon samaritain".

« Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, il tomba sur des bandits qui, l’ayant dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort. Il se trouva qu’un prêtre descendait par ce chemin ; il vit l’homme et passa à bonne distance. Un lévite de même arriva en ce lieu ; il vit l’homme et passa à bonne distance. Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de l’homme : il le vit et fut pris de pitié. Il s’approcha, banda ses plaies en y versant de l’huile et du vin, le chargea sur sa propre monture, le conduisit à une auberge et prit soin de lui. Le lendemain, tirant deux pièces d’argent, il les donna à l’aubergiste et lui dit : "Prends soin de lui, et si tu dépenses quelque chose de plus, c’est moi qui te le rembourserai quand je repasserai".

Aujourd’hui, l’homme laissé à moitié mort sur le bord de la route, cet homme à terre, ce sont peut-être les handicapés à qui l’on ne reconnaîtra peut-être même plus leur handicap dans le seul but d’assainir les dettes de l’assurance invalidité.

Or, si les handicapés sont bien ce blessé laissé au bord de la route, c’est ici et maintenant que nous, chrétiens, sommes mis en demeure de choisir. Nous pouvons comme le prêtre, un peu dégoûté, apeuré à l’idée de le toucher et d’en devenir impur, passer à bonne distance de cet homme, souffrant, peut-être difforme. Et nous l’avons vu aux réactions indignées de nos hauts responsables politiques. Lorsqu’ils ont été comparés à des handicapés sur des photomontages, ils se sont dits choqués. Pourtant, ces affiches avaient pour but de demander à nos dirigeants de se mettre à la place de ceux qu’ils dirigent et en particulier des handicapés qui n’ont déjà pas la vie facile.

Mais nous pouvons aussi suivre l’exemple du " bon samaritain" et aider ces femmes et ces hommes invalides de la société actuelle. Malgré cela, l’assurance invalidité, qui est un pilier de notre " filet social" subit des remises en question qui menacent jusqu’à son essence. En effet, les plus défavorisés de notre société, ceux qui sont déjà touchés soit dans leur chair soit dans leur psyché, risquent de ne plus être admis à recevoir une rente d’invalidité. Ceci aurait pour corollaire leur rejet dans les marges de la société ou du moins de les pousser tout près du seuil de pauvreté. Si la 5ème révision de l’assurance invalidité devait être acceptée, ceux qui obtiendraient tout de même une rente ne recevraient alors que des prestations dévalorisées. Sachant qu’une rente maximale de cette assurance est aux alentours de 2000 francs, vous mesurez l’injustice qui est faite à l’endroit des invalides. Mais n’est-ce pas le devoir de tous et de chacun que de faciliter la vie des handicapés plutôt que de la rendre encore plus difficile ? N’est-ce pas le rôle de tous et surtout des autorités que de permettre à ceux qui sont touchés plus durement que d’autres de pouvoir s’intégrer dans une société qui respecte leur dignité ? Promouvoir une vie digne, de nos jours, signifie, pour le handicapé, avoir la possibilité d’être bien formé, et, en adéquation avec ses possibilités, de trouver un travail adapté, justement rémunéré, d’avoir les mêmes chance de promotion que ses collègues bien-portants.

Malheureusement, c’est le chemin inverse que prend la 5ème révision de l’assurance invalidité. Déjà son objet est étonnant ; cette révision ayant pour but de réduire le nombre de futurs rentiers. Le but d’une assurance ne saurait être d’exclure le maximum d’ ayants droits. De plus, cette révision vise à supprimer les adaptations de rentes pour les plus jeunes handicapés. Ce complément voulait éviter que des personnes handicapées précoces n’obtiennent que des rentes minimales à cause du manque de revenu durant leurs années de formation ou des salaires plus bas que la moyenne au début de leur carrière professionnelle. A côté de cela, la 5ème révision se propose de ne plus allouer de rentes complémentaires pour les conjoints. Ainsi, les conjoints qui auront renoncé à une activité lucrative pour s’occuper de leurs conjoints handicapés se verront pénalisés. Durement touchées seront les familles dont un conjoint ou les deux sont handicapés, puisque la révision se propose de diminuer fortement la prestation pour enfant pour les bénéficiaires d’indemnités journalières. Cette réduction toucherait douloureusement des parents qui élèvent au mieux leurs enfants, et ce, tout en devant déjà investir de gros efforts pour intégrer leur handicap. À côté de ces mesures d’économie, la révision offre peu de moyens concrets en vue de réinsérer les personnes handicapées dans le monde du travail et dans la société. Et celles qui seraient mises en œuvre se heurteraient aux dures lois de l’efficacité économique. Le principe de la réinsertion avant la rente est mis en exergue. Mais ensuite, il n’y a pas de véritables incitations vis-à-vis des employeurs. Ces derniers ne sont pas vraiment aidés s’ils désirent embaucher un handicapé. En tout cas pas suffisamment. Pourtant, l’insertion est un élément vital dans la prise en compte des handicapés. Car ces derniers ne doivent pas seulement être assistés. Or, en révisant cette loi comme il l’a fait, notre parlement met trop l’accent sur la rentabilité économique des handicapés et oublie trop vite le message des Évangiles.

En légiférant ainsi, nos autorités étatiques ne se distancient pas seulement du message évangélique, mais ferment les yeux sur le préambule de notre Constitution qui nous dit : " (…) que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres". Réduire le montant de rentes déjà menues n’améliorera aucunement le bien-être des handicapés de notre pays.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes Révérends, de prendre position et d’enjoindre les disciples du Christ à refuser la 5è révision de l’assurance invalidité.