Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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revendications du Manifeste CGAS pour la formation continue

jeudi 29 septembre 2011 par Claude REYMOND

Au fil de l’histoire qui a précédé et suivi la mise en place de la loi sur la formation continue des adultes (LFCA), les constats, prises de positions, analyses et évaluations font apparaître de manière assez évidente les revendications et propositions que les syndicats devraient avancer à l’occasion du dixième anniversaire de la loi pour en améliorer la mise en œuvre :

Pour promouvoir la participation à la formation continue

1. Droit à un congé formation annuel payé de 5 jours cumulable sur 3 ans

-  Toutes les études le constatent, le principal obstacle à la participation à la formation continue est la charge de travail. Donc, un congé formation payé sur les heures de travail constitue une condition indispensable pour la favoriser.
-  La proposition est d’ailleurs à l’ordre du jour à Genève depuis 1994 (initiative CGAS-SIT puis CES) et a été réactualisée par le CCI en 2001. Il est temps d’aboutir.
-  La LFCA elle-même (article 3e) « encourage les partenaires sociaux à en convenir ». Cette convention doit être interprofessionnelle pour éviter les distorsions entre entreprises et les inégalités entre salariés (la participation à la FC est actuellement très inégale selon la taille des entreprises et les secteurs).
Dans cet esprit, la CGAS demande la conclusion d’un accord interprofessionnel CGAS-UAPG établissant un congé formation de 5 jours cumulable sur 3 ans pour toute personne travaillant à Genève, quel que soit son statut. Cela correspond à la fois à la logique du chèque annuel de formation (droit à un CAF de 40 heures de formation cumulable sur 3 ans) et à la revendication de l’USS au niveau national.
Réflexions supplémentaires au sujet du financement de cette mesure :
-  Pour le droit à 5 jours de formation payés. D’une part, syndicalement, on l’affirme comme un droit, pas comme un « avantage social » : les salarié-e-s auxquel-le-s on demande sans cesse de s’adapter aux technologies nouvelles, d’être plus performants, mieux « employables », « d’appendre tout au long de la vie », etc., ont besoin de moyens pour faire tout ça et le premier, c’est le temps. Ces 5 jours payés ne sont pas des « vacances », mais une activité utile à l’entreprise. Donc, pour les employeurs le paiement de ces 5 jours ne représente pas un investissement supplémentaire (la masse salariale reste identique) et les 5 jours de travail perdus sont un investissement dans l’amélioration de la productivité et de la qualité des prestations du personnel, donc de l’entreprise.
Explication de la commission cgas : Nous suggérons donc que, dans un premier temps, les syndicats doivent revendiquer 5 jours de formation payés, point barre. Après, s’il faut négocier, il sera assez tôt d’en venir éventuellement au partage 50/50 du coût de ces 5 jours entre l’employeur (temps de travail) et l’employé (jour de congé dans solde), solution avancée par le CCI en 2008, puis la transmissibilité

-  C’est pour les frais de formation et la prise en charge des écolages que la discussion du financement se justifie. En relisant les discussions au niveau national sur la future loi fédérale sur la formation continue (entrée en vigueur prévue 2013) et les orientations du congrès USS 2010 sur le sujet, la Confédération devra participer à hauteur de 25% aux frais de formation continue et les cantons aussi (25% des frais de cours) ; selon l’USS, le reste des coûts devrait être financé par les fonds paritaires et par des « fonds de formation professionnelle cantonaux » (le FFPC genevois). C’est dans ce deuxième volet de financement qu’une priorité devrait être donnée aux moins qualifiés et aux faibles revenus (voir notre idée de se calquer sur les conditions CAF pour rendre acceptable ce système.
-  Bref, l’idée serait : le congé formation à la charge des employeurs ; les frais de cours et les écolages partagés entre Confédération, canton et fonds spéciaux (paritaires ou FFPC), « en prenant particulièrement en compte les bas revenus, les personnes travaillant à temps partiel et les salarié-e-s socialement les moins susceptibles de se former et sans formation professionnelle de base » (formulation congrès USS).
Par ailleurs, la CGAS demandera également à terme de reprendre les discussions sur la transmissibilité de ce droit d’une entreprise à l’autre, telle qu’elle a été développée par le Conseil central interprofessionnel de 2005 à 2008 dans son « Concept épargne-temps-formation ». La mobilité professionnelle qui caractérise le monde du travail actuel rend nécessaire à terme cette transmissibilité.
Il est indispensable que ce droit soit avéré ou vérifiable pour les personnes dont le salaire se situe aux tranches inférieures et moyennes jusqu’à concurrence des critères d’accès au CAF par exemple (qui concerne en 2010 95’120 personnes et un peu plus de 120’000 prévues en 2012), sans pour autant délaisser toute disposition plus favorable. Le financement peut s’effectuer de manière mixte : participation et budgets de l’entreprise, MMT, FFPC, fonds paritaires, etc.). Ce droit doit pouvoir s’étendre sous des formes à adapter aux personnes demandeuses d’emploi.

2. Mise en place d’un véritable système de formation modulaire débouchant sur des certifications reconnues

-  Avec un congé formation qui reste relativement limité (5 ou 10 jours par an), il n’est pas possible de réaliser d’un coup une formation certifiante. Il faut donc concevoir des formations par modules dont la reconnaissance et l’articulation permettent à terme d’aboutir à une certification (CFC notamment). La LFCA le prévoit (article 6), mais la mise en œuvre en reste aux expérimentations limitées (p.ex. projet Interreg IV).
La CGAS demande que cette modularisation de l’offre de formation soit généralisée et que la mise en place de tels modules devienne pour les institutions de formation une condition de subventionnement (il y a aussi parfois des modules qui sont examinés ou donnés dans les lieux de travail, par les partenaires…pas seulement les institutions de formation type DIP).

3. Etablissement d’un « catalogue raisonné » de la formation continue à l’intention des usagers

-  L’article 7 de la LFCA prévoit que « l’Etat assure une information systématique à la population sur les mesures d’encouragement à la formation des adultes. Il fournit la documentation, ainsi que des conseils et cordonne les actions d’information sur la formation continue ». A ce jour, cette mission n’est pas réalisée. Il existe certes des documents où les professionnels peuvent s’y retrouver, mais pas les usagers : ils devraient avoir accès non seulement à une liste de cours et d’institutions, mais aussi à un commentaire sur leurs offres, sur les parcours de formation dans lesquels ils peuvent s’inscrire, sur les conditions d’accès et financières, sur l’accompagnement disponible, bref, pouvoir se faire une vision d’ensemble du dispositif à la fois quantitative et qualitative. La CEPP recommande ainsi, déjà pour le seul CAF, d’améliorer l’information et d’ « étoffer la description des cours de manière à permettre aux usagers de faire un choix raisonné », sans oublier de traduire ces informations pour les personnes non francophones.
La CGAS demande que l’OFPC établisse un catalogue raisonné de toute l’offre et de tout le dispositif de formation continue à Genève accessible et compréhensible pour tous les usagers potentiels (revendication figurant déjà dans l’initiative CGAS-SIT et le PL 7474)

Pour corriger les inégalités d’accès à la formation continue

4. Mesures spécifiques et prioritaires pour la mise à niveau des personnes peu ou pas qualifiées

-  C’est un constat récurrent depuis qu’existent des statistiques sur la formation continue : ce sont les personnes les mois qualifiées qui la suivent le moins, alors qu’elles en ont le plus besoin. La raison en est simple : elles ne possèdent pas une formation de base leur permettant d’y accéder. Qu’on l’appelle préformation, remise à niveau ou rattrapage, l’organisation de cette formation de base, avec des contenus, des pédagogies et des conditions adaptées, doit être une priorité. Il existe certes de nombreuses offres dans le canton, mais insuffisamment connues, coordonnées et soutenues. Une véritable offensive en la matière doit être lancée et inscrite dans la loi, puisqu’on sait que la future loi fédérale sur la formation continue risque d’exclure le « rattrapage » de son champ d’application.
On pense également comme public cible bénéficiaire de ces mesures, les personnes faiblement qualifiées demandeuses d’emploi où ayant des emplois très précaires (temporaires, EdS….). De même pour être cohérent avec les objectifs de « rattrapage des connaissances » les possibilités de formation certifiées de base doivent être faire l’objet d’une promotion très active. On pense notamment aux AFO qui devraient être développés et encouragés, tout comme les possibilités d’engagement d’apprenti-e-s adultes avec des salaires adaptés pour adultes.
La CGAS demande que l’Etat lance une véritable offensive pour la formation des personnes peu ou pas qualifiées (formation de base, chèque formation spécifique pour migrants non francophones, lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme) et que cette priorité figure expressément dans la LFCA et/ou son règlement (par exemple par l’ajout d’un paragraphe à l’article 5, à l’instar de celui concernant le retour à l’emploi des femmes).
Cette offensive pour la formation des plus faiblement qualifiés doit être coordonnée avec les services (OCFP, OCE….) et les partenaires concernés et doit faire l’objet de moyens adéquats.

5. Prise en charge des écolages

-  Un autre constat récurrent des études sur la fréquentation des cours de formation continue, dont la majorité est payée par les participant-e-s, est que les plus faibles revenus y ont beaucoup moins accès et sont beaucoup moins soutenus par leurs entreprises (13%) que les hauts revenus (45%).
La CGAS demande que les personnes à faibles revenus (soit montant sous le revenu médian genevois, soit prendre la référence du montant CAF 88000 en 2010 revu en 2011 pour une personne seule ou selon la révision du RCAF 2011, 132520 pour un couple), y compris celles dépendant de l’aide sociale bénéficient d’un paiement de leur écolages

6. Mesures de comblement

-  Les moyens pour les mesures de formation, au niveau cantonal, se réduisent fortement ( 11,7 million depuis 2005 à 2011). Ce constat de baisse de l’enveloppe de moyens inquiète. Le développement de mesures visant à acquérir les connaissances de base en vue de pouvoir obtenir une formation initiale (AFP, CFC) est indispensable et nécessite des moyens importants.
La CGAS propose que le canton étudie la possibilité d’une loi qui permette de combler les pertes liées aux MMT et qui favorise le développement de mesures adaptées aux programmes visant à cibler les personnes peu qualifiées.

7. Offensive politique et cantonale pour demander des moyens fédéraux supplémentaires

-  Les montants alloués par le SECO au chômage au canton de Genève diminuent, étant devenus inversement proportionnels au taux de chômage (plus il y a un taux de chômage élevé, plus le montant alloué par individu est faible). Vu les spécificités cantonale de populations peu qualifiées (migrants, un taux d’illettrisme et d’analphabétisme très élevé, etc.), il est judicieux d’avoir des moyens pour une politique de rattrapage des connaissances cohérente dont l’objectif est d’offrir à tout adulte la possibilité d’accéder à une formation initiale.
La CGAS pense que le canton doit faire un lobbying particulier et visible auprès des autorités et services fédéraux pour obtenir des moyens et budgets complémentaires vu les particularités cantonale.

Pour disposer d’une vision d’ensemble du dispositif de formation continue

8. Mise à disposition des partenaires sociaux et des acteurs de la formation d’un panorama complet et transparent des financements de la formation continue

-  La complexité du dispositif de formation continue à Genève et les multiples sources de son financement font qu’il n’existe ni « bilan consolidé » des sommes investies ni suivi complet de leur utilisation. La seule vison d’ensemble disponible à ce jour date de 2000 (Le paysage de la formation continue à Genève) et demeure une estimation lacunaire. Cette information est indispensable pour pouvoir piloter intelligemment la politique cantonale de formation continue et mieux l’évaluer (recommandation No 10 du rapport 2010 de la CEPP sur le chèque annuel de formation).
Par souci de transparence et de saine gestion de ces fonds, la CGAS demande à l’Etat de produire un panorama complet des financements de la formation continue à Genève et de leurs bénéficiaires.

9. Information précise sur le budget et l’utilisation des mesures du marché du travail (MMT) à Genève

-  La source de financement de la formation continue probablement la plus importante à Genève (47,6 millions en 2011) est celle que la Confédération attribue au canton pour les mesures du marché du travail (MMT) à l’intention des personnes au chômage. Or, selon une étude récente de l’OFS (2010), il n’existe pas d’information précise et détaillée sur ces sommes et leur utilisation. Il en est de même à Genève. Il est pourtant important de disposer de ces informations pour pouvoir apprécier et orienter la pertinence et la qualité des prestations offertes aux personnes à la recherche d’un emploi.

La CGAS demande donc que l’OCE fournisse des informations précises et détaillées sur le budget et l’utilisation des MMT à Genève. Elle demande de plus qu’une instance tripartite (commission ad’hoc, rattachée au CSME ?) considère le détail des MMT et soit associée aux décisions budgétaires.
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