Communauté genevoise d’action syndicale

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Tribune de Genève du 18 avril 2007

Vers la fin d’une assurance invalidité pour tous ?

mercredi 18 avril 2007 par Claude REYMOND

• L’INVITÉ
ERIC MAUGUÉ, PRÉSIDENT DU COMITÉ DE RÉALISE, ENTREPRISE DE RÉINSERTION

Il faut casser un mythe : la Suisse n’a pas de véritable système de sécurité sociale mais diverses assurances sociales mal coordonnées entre elles accordant une protection lacunaire. C’est dans ce contexte, que l’on assiste à un démantèlement en règle de nos quelques acquis.

La 5e révision de l’AI, c’est la fin d’une assurance invalidité pour tous. En cas d’acceptation, de nombreuses personnes incapables de travailler pour des raisons médicales seront exclues de cette assurance. Elles n’auront plus d’autre choix que de recourir à l’assistance publique. Les prétendues économies réalisées sont un leurre. Comme dans d’autres domaines, la 5e révision consacre un désengagement de la Confédération et un transfert de charges sur les cantons.

On est très loin des abus qui ont existé par le passé lorsque certaines rentes ont pu être accordées trop facilement. Le contexte est aujourd’hui totalement différent. Le nombre de rentes a déjà été drastiquement réduit. La 5e révision a pour objectif de diminuer encore ce nombre de 30% sans aucune réflexion sérieuse sur les causes de l’invalidité et sur les possibilités effectives de réinsertion. Le projet de loi vise à mettre en place un système alibi de détection précoce pour « maintenir à leur poste de travail les assurés en incapacité de travail » (sic !). Un demi-milliard sera consacré à cette tâche ubuesque. L’effort de réinsertion repose exclusivement sur les assurés. Les employeurs ne bénéficient d’aucune mesure incitative sérieuse et demeurent libres de licencier. Les promoteurs de cette loi font preuve d’une sacrée hypocrisie. L’accroissement du nombre d’invalides est directement lié au durcissement des conditions de travail. Dans un contexte de concurrence accrue, les employeurs ne vont pas, par pur civisme, conserver à leur service du personnel atteint dans sa santé.

L’expérience des entreprises de réinsertion le démontre : le retour à l’emploi est largement tributaire des perspectives effectives qu’offre le marché du travail. La réinsertion, c’est retrouver du travail et non pas, comme dans les statistiques de l’OFAS, ne pas toucher de rente.
Cette imposture s’accompagne d’un démantèlement des droits des assurés. Un premier train de mesures restreignant l’accès à la justice est entré en vigueur l’été dernier. La 5e révision va bien plus loin en accordant aux assurés moins de protection qu’un inculpé dans une procédure pénale.

Le système proposé fonctionne sur la dénonciation par des tiers tels que l’employeur, un proche ou encore un créancier. A votre insu, des procédures AI pourront être déclenchées. Des sanctions pourront être prises (réduction ou suppression des prestations) sans même que l’intéressé puisse s’expliquer. Des informations sensibles pourront circuler entre assurances privées, autorités de l’AI et employeur. Le secret médical du médecin traitant est abrogé.

Parallèlement, le projet consacre la toute puissance des médecins de l’AI. Leurs appréciations ne pourront pratiquement plus être contestées. Ces médecins seront tenus par des objectifs exclusivement quantitatifs. (...) La portée de la 5e révision est considérable. Elle ne se limite pas à l’AI mais aura un effet réflexe en matière de prévoyance professionnelle et sur les autres prestations d’assurances privées en lien avec l’invalidité.

On le voit, il n’est pas sérieusement question de réinsertion mais bien plutôt de mauvaise économie. En réalité, c’est un tournant en matière de modèle de société qui nous est proposé : le retour à la charité publique.