Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève
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Le SIT – et la CGAS (qui regroupe l’ensemble des syndicats du canton de Genève) – ont décidé de ne pas soutenir le référendum lancé par "A gauche toute" contre la nouvelle loi cantonale sur le chômage votée par le Grand Conseil le 28 juin 2007.
Pourquoi avoir pris une telle position et sur quels éléments d’appréciation ? C’est ce qu’expliquent les lignes qui suivent en abordant successivement :
Depuis plusieurs décennies, Genève connaît une loi spécifique pour les chômeuses et les chômeurs ayant épuisé le nombre d’indemnités prévues par la loi fédérale sur le chômage. Trois mesures existent :
Ce dispositif n’a jamais fonctionné tout à fait bien, puisque la mesure qui devait être prioritaire parce que plus efficace (l’ARE) est toujours restée très secondaire par rapport aux ETC, qui auraient dû être subsidiaires.
Les ETC ont fait l’objet de beaucoup d’attaques, de la droite et de la Confédération, qui leur reprochaient d’être la cause de la persistance d’un taux de chômage élevé à Genève (supérieur au reste de la Suisse), d’être une sorte de "triche" en recréant fictivement de nouveaux droits et de ne pas avoir de dimension formatrice. Ces accusations peuvent être contestées point par point. Il est facile de montrer que les ETC ont aussi des aspects très positifs, particulièrement de laisser les chômeurs-euses en fin de droit dans un emploi et sur le marché du travail, et ainsi de leur éviter d’être à l’assistance.
Le référendum lancé et gagné par la CGAS en 2004-2005 a montré que le peuple genevois était attaché – malgré les menaces fédérales (et malgré les campagnes contre des chômeurs-euses présenté-e-s comme des fainéant-e-s) – à un traitement cantonal du chômage de longue durée.
Cette victoire a cependant mené à une rétorsion de la Confédération, puisque celle-ci a, comme moyen de pression, réduit le nombre d’indemnités fédérales d’abord pour les chômeurs-euses genevois-e-s de moins de 50 ans, puis pour les plus âgé-e-s.
Les étapes suivantes auraient consisté pour la Confédération à décider que les ETC ne sont pas de véritables emplois et ne peuvent ainsi recréer de nouveau droit. Une telle décision pourrait évidemment être contestée juridiquement avec de bonnes chances de succès, mais cela signifierait que durant la procédure juridique (environ deux ans), les caisses chômage seraient tenues par cette décision et ne verseraient pas de nouvelles indemnités. Ensuite, seules les personnes ayant fait recours seraient concernées. Ainsi tout aspect de droit collectif aurait disparu.
Enfin, la loi fédérale est en révision, et il y a fort à parier qu’elle prévoira l’impossibilité de retrouver un nouveau droit grâce à une mesure cantonale (ce qui concerne d’ailleurs d’autres cantons que Genève).
C’est dans ce contexte qu’a été discutée une nouvelle loi cantonale. Il faut noter qu’en sus de la détermination de la droite de supprimer les ETC, le Parti socialiste et les Verts ont d’emblée fait le deuil de cette mesure, perdant ainsi tout moyen de s’opposer à l’essentiel de la nouvelle loi.
La CGAS a décidé de jouer un rôle dans cette révision afin que la loi sortant des débats parlementaires soit la meilleure possible, pour éviter qu’en cas de refus de cette loi par le peuple, nous nous retrouvions avec une loi pas entièrement satisfaisante et qui puisse être rendue caduque par la Confédération dans un bref délai.
Voici ce que propose la nouvelle loi.
L’OCE aura des obligations envers les chômeurs-euses en devant respecter quatre délais impératifs :
De plus l’OCE devra répondre à toute offre d’emploi annoncée dans un délai de 48 heures.
Les ARE seront améliorées en devenant plus attractives pour les entreprises : la subvention passera à 50% du salaire en moyenne au lieu de 40% aujourd’hui. Les plus de 55 ans auront droit à cette mesure durant 24 mois.
Par ailleurs, des ARE pourront être attribuées dans les services publics.
Cela signifie que les ARE, même à l’État, constitueront des contrats de travail normaux à durée indéterminée, qui devraient donc faire l’objet, le cas échéant, d’un licenciement. Il ne s’agit donc plus d’une mesure limitée dans le temps. Ainsi, les services de l’État contribueraient (dans leur enveloppe budgétaire) à la lutte contre le chômage, tout en pouvant garder les gens au terme de la mesure, ce que beaucoup de services regrettaient de ne pas pouvoir faire (et les chômeurs-euses aussi !)
L’OCE propose à un-e chômeur-se un programme d’emploi-formation durant l’indemnisation fédérale. Celui-ci consiste en une intégration dans les services publics ou le secteur associatif avec à la fois de la formation et une activité professionnelle (au minimum 50%). La durée est de six mois (12 mois dès 55 ans), sans prolongation possible et le-la chômeur-se continue à toucher les indemnités de chômage fédérales.
Le PEF est accompagné de mesures de formation (selon les lois fédérales et genevoise), comme les mesures actuelles prévues par la loi fédérale sur le chômage et les mesures cantonales de formation professionnelles (formation continue des adultes, orientation professionnelle, reconnaissance et validation des acquis).
Le PEF peut, de cas en cas, continuer au-delà de l’indemnisation fédérale. L’indemnité perçue sera égale à celle du chômage, mais au maximum à 4500.- ; elle sera soumise à cotisations sociales (et compterait alors comme période de cotisations pour le chômage).
A l’image des anciens ETC collectifs ou des actuels emplois temporaires fédéraux, des accords peuvent être passés avec des institutions privées et associatives. Il s’agit de subventionner des emplois d’utilité sociale, non concurrentiels au marché, créés avec des moyens propres. Il s’agira de contrats individuels de travail à durée indéterminée.
Le Conseil de surveillance du marché de l’emploi (tripartite État-patrons-syndicats) préavisera à la fois sur le nombre de ces emplois, sur les institutions qui seront agrées et sur les salaires minimaux qui devront être versés.
Ces "ESS" seront un vrai travail (qui redonneront donc un droit éventuel au chômage, même si les salaires ne seront pas brillants et même si ce n’est pas le but) qui ne sont pas limités dans le temps.
Cette nouvelle loi comporte à la foi des aspects positifs et d’autres négatifs.
Positifs :
Négatifs :
Il s’agit donc d’une alternative entre garder une loi qui va devenir inapplicable (car la Confédération peut totalement bloquer à court terme le système des ETC), ou avoir une moins bonne loi, mais qui conserve des aspects positifs.
Le mouvement syndical devait alors faire le choix entre deux stratégies. La première consistait à lancer le référendum dans la mesure où cette loi ne reprend pas l’ensemble des revendications portées par les syndicats depuis des années en matière d’emploi et de chômage. Cette stratégie permettant de dire haut et fort tout le mal que l’on pense de la nouvelle loi aurait par contre l’inconvénient de nous placer dans une dynamique de défense d’un statu quo dont nous savons pertinemment qu’il est d’ores et déjà rendu impossible par la décision du Conseil fédéral d’interdire l’ouverture d’un 2e délai cadre suite à un ETC.
La deuxième possibilité est une stratégie d’offensive syndicale s’appuyant sur la nouvelle loi. Cette offensive doit nous amener à élargir les brèches ouvertes par la nouvelle loi, notamment en matière de formation professionnelle pouvant aller jusqu’à la reconversion professionnelle et par la création d’emplois dans l’ESS. Ces perspectives doivent être réellement appliquées et déboucher, pour les chômeurs-euses, sur des perspectives de réinsertion dans le monde du travail dans des conditions correctes et dignes.
Le SIT et la CGAS ont pris position en faveur de cette deuxième stratégie. Disons le clairement : nous n’avons confiance ni dans le Conseil d’Etat, ni dans les partis politiques, sur le dossier de l’économie et de l’emploi. La nouvelle loi ne correspond de loin pas à l’ensemble des revendications syndicales, mais elle ouvre quelques pistes intéressantes. La loi actuelle est certes meilleure du point de vue de la couverture sociale qu’elle offre (indemnisation pendant 4 ans), mais son bilan est particulièrement insatisfaisant en matière de retour à l’emploi dans de bonnes conditions.
Lancer le référendum et gagner la votation populaire signifierait spéculer sur le fait que le Grand Conseil – résolument à droite, en tout cas jusqu’en 2009 – pourrait se résoudre à voter une loi plus proche de nos revendications. Un tel processus, même s’il était appuyé par une initiative populaire, prendrait des années (la nouvelle loi actuelle est le "fruit" de notre référendum lancé en 2004 et gagné en 2005 !). Durant cette période, on assisterait à une dégradation du dispositif actuel en matière de chômage et donc à une précarisation des chômeuses et chômeurs de longue durée.
Lancer le référendum, signifierait également choisir un moyen d’action qui exclut nos membres immigré-e-s – qui sont en premier lieu concerné-e-s par le chômage – d’une prise de position sur ce sujet puisqu’ils-elles n’ont pas le droit de vote.
Lancer le référendum et perdre la votation populaire créerait un rapport de force durablement défavorable au mouvement syndical dans les questions du chômage et de l’emploi.
En choisissant de ne pas lancer le référendum, le SIT ne manifeste pas un soutien à la nouvelle loi, ni qu’il baisse les bras devant la problématique du chômage. Au contraire : plutôt que de mener un combat sans issue, il s’engage dans une offensive syndicale qui utilise la nouvelle loi pour améliorer la prise en charge et les réinsertion des personnes au chômage, en surveillant son application, en veillant à corriger ses défauts et à développer ses aspects positifs.
Le mouvement syndical genevois a, ces dernières années, souvent exprimé ses revendications face à la LACI et à la loi cantonale sur le chômage. Il a par contre été tenu à l’écart de l’application concrète de ces dispositions, ce qui doit changer aujourd’hui.
Dans cette perspective, le SIT utilisera le dispositif de la nouvelle loi cantonale sur le chômage pour mettre en place les principes suivants :
Une offensive syndicale en matière de chômage et d’emploi ne peut être assurée de succès que si elle est réellement portée par l’ensemble du mouvement syndical. Les syndicats doivent redevenir des acteurs clé dans ce domaine, en profitant non seulement de leur présence au sein du CSME et des structures de la formation professionnelle, mais surtout de leur connaissance de terrain, des expériences de leurs membres au chômage, des informations dont ils disposent par le biais de leurs caisses de chômage. Il s’agit également, dans les secteurs professionnels, de continuer à dénoncer les entreprises qui licencient même quand leurs bénéfices explosent. Nous devons continuer à affirmerr rque le chômage n’est pas de la responsabilité des chômeuses et chômeurs.
Une offensive syndicale doit être liée à une évaluation sérieuse des effets de la mise en place de la nouvelle loi cantonale sur le chômage. Si les mesures de formation, d’insertion et de création d’emplois devaient s’avérer insuffisantes ou même contreproductives, les syndicats dénonceront cette situation et seront à l’initiative d’une alliance large permettant, d’une part, d’améliorer concrètement, par exemple par le biais d’une initiative populaire, les dispositifs de lutte contre le chômage et, d’autre part, de mettre en place une véritable politique de l’emploi plus contraignante pour les employeurs.