Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

iban CH69 0900 0000 8541 2318 9

Résolution CGAS du 14.02.2022

Politique cantonale en matière de climat : NON à un « green new deal » sans mesures sociales en faveur des salarié-e-s, de l’emploi, de la formation, de la protection de la santé au travail

mercredi 1er mars 2023 par Marlene Barbosa

Le comité de la CGAS réuni le 14 février 2023 est très critique à l’égard de la politique cantonale en matière de transition écologique telle qu’elle ressort de 4 projets de loi élaborés par le Conseil d’Etat et actuellement à l’étude de commissions du Grand conseil.

Ces projets visent à verser ces prochaines années presque 300 millions de francs de subventions publiques aux entreprises, aux propriétaires d’immeubles et aux entreprises agricoles, mais sans aucune contrepartie pour les salarié-e-s, les bas revenus, les locataires. Ils n’intègrent pas les dimensions de soutien à la création d’emplois éco-sociaux, de soutien aux personnes en formation et reconversion vers les emplois verts et durables, de contreparties en termes de conditions de travail, ni même de protection spécifique de la santé au travail contre les effets du réchauffement climatique.

Alors que les syndicats réclament une transition écologique socialement juste telle que prévue par les Accords de Paris, Genève s’inscrit en faux et prône un « Green New Deal » entre Etat et patronat, sans dimension sociale et sans contreparties de la part de ce dernier, pas même en matière de contribution au financement des mesures. Un « deal » unilatéral, tout à l’avantage des entreprises, inacceptable pour les syndicats.
La CGAS exige de fortes modifications de ces projets, pour y inclure les revendications syndicales.

Compléter le Plan cantonal climat par des lois est nécessaire
Pour la CGAS il est nécessaire de compléter le Plan cantonal climat qui est un instrument technique dont l’application est dévolue à l’administration par une loi cantonale en matière de climat et par des lois qui imposent des mesures concrètes visant à transformer l’économie et à accélérer la rénovation énergétique des bâtiments. Divers aspects des projets de loi sont à ce titre intéressants. Le PL Climat vise, outre à lutter contre le dérèglement climatique, à protéger les humains et la biodiversité et à protéger les ressources naturelles (eau, air, sol et sous-sol). Il fixe dans la loi des objectifs conformes aux Accords de Paris : neutralité carbone d’ici 2050 et d’ici à 2030 réduction des GES d’au moins 60% par rapport à 1990. Il fixe des objectifs louables et auxquels la CGAS peut souscrire dans toute une série de domaines : aménagement du territoire, ressources naturelles et biodiversité, mesures en matière d’énergie (interdiction de la production de chaleur à énergie fossile), mesure en matière de mobilité (promotion des modes de transports doux et collectifs), mesures en matière économique (encourager les circuits courts, promotion des produits agricoles locaux et de saison), mesures pour la rénovation énergétique des bâtiments.

Pour une transition écologique socialement juste
Une fois les aspects positifs des PL soulignés, la CGAS constate et dénonce que l’orientation générale des projets ne s’inscrit pas dans un modèle de transition écologique socialement juste.
L’art. 1 du PL sur le climat « Le canton veille à ce que les mesures pour lutter contre le dérèglement climatique soient économiquement efficientes et socialement équitables » mentionne que les mesures pour lutter contre le dérèglement climatique doivent être socialement équitables. Toutefois, d’une part la mention est en retrait par rapport à l’Accord de Paris (Accord de Paris : « Les plans pour lutter contre le dérèglement climatique doivent tenir compte des impératifs d’une transition juste pour la population active et la création d’emplois décents et de qualité »), d’autre part force est de constater que cette mention est purement cosmétique puisque aucune mesure précise en faveur des salarié-e-s n’apparait dans les projets de loi élaborés par le Conseil d’État.
Le dérèglement climatique et la dégradation de l’environnement sont majoritairement le fait des plus riches, à l’échelle mondiale, d’un pays, d’un canton. Par leur style de vie et par les investissements dans les entreprises polluantes, les riches et les possédant-e-s sont responsables de la majorité des émissions de carbone. En moyenne, les millionnaires ont une empreinte carbone de 189 tonnes de CO2, 66 fois supérieure à celle des 10% les plus pauvres de la population. Ce n’est pas à la population, aux salarié-e-s, aux bas revenus, aux locataires de payer la transition écologique. Il n’est ni approprié ni acceptable de verser des subventions et de l’argent public aux pollueurs pour les accompagner vers des modes de production plus responsables. Il n’est ni approprié ni acceptable de promouvoir des projets de lois dépourvus de mesures de transition éco-sociales en faveur des salarié-e-s, des bas revenus, des locataires, de la protection de la santé au travail.

Compléter les PL par des mesures de transition socialement juste

La CGAS revendique de compléter ces projets de loi par des droits et mesures en faveur des salarié-e-s. Le PL climat, en tant que loi générale fixant les objectifs à atteindre, doit ajouter à ces derniers :

  • La création d’emplois écologiques et sociaux tels que demandés par l’initiative « 1000 emplois », destinée à accélérer la transition éco-sociale en garantissant le plein emploi.
  • La réduction générale de la durée du travail à 32 heures hebdomadaire (semaine de 4 jours) sans perte de salaire, en tant que mesure de répartition de l’emploi et des gains de productivité.
  • L’accès à la formation continue et à la reconversion professionnelle, pour les travailleuses et travailleurs avec ou sans emploi, sans perte de revenu et au minimum avec un revenu équivalant au salaire minimum légal cantonal ;
  • La mise en place, par l’Etat et les entreprises, de mesures et dispositifs de protection de la santé des travailleuses et travailleurs contre les effets du réchauffement climatique.

Les entreprises concernées par les PL 13221 et 13223, en contrepartie des subventions prévues par ces projets de loi, doivent s’engager, outre à respecter les usages,

  • A préserver l’emploi de leur personnel au sein de leur entreprise ou sur le marché du travail par des mesures de formation ou reconversion professionnelle,
  • A créer des places d’apprentissage,
  • A mettre en place un plan de réduction de la durée du travail hebdomadaire à 32 heures hebdomadaires sans perte de salaire,
  • En cas de réduction inévitable des effectifs, à négocier un plan social,
  • A adopter un plan de mesures de protection de la santé du personnel.
  • A consulter le personnel sur l’ensemble de ces mesures.
  • Pour les entreprises employant des ouvriers-ères agricoles, à porter la rémunération des ces derniers-ères à hauteur du salaire minimum légal cantonal ordinaire (non dérogatoire).
    Quant au PL 13222, celui-ci doit impérativement prévoir des mesures de protection des locataires contre le risque de répercussion des travaux d’assainissement sur les loyers.

Compléter le PL par des mesures de protection de la santé au travail
Les épisodes extrêmes de température s’accentuent. Les canicules à des températures très élevées se répètent à plusieurs reprises chaque été. Les dangers des vagues de chaleur pour la santé au travail sont encore sous-estimés. Le nombre d’accidents augmente lorsque la température dépasse 30 degrés. Le travail à l’extérieur est le plus concerné (construction, livraison à vélo, agriculture, horticulture, etc) mais les lieux de travail à l’intérieur exposés à des machines industrielles le sont également (cuisines, industries, blanchisseries, etc). Et ce sont souvent les travailleuses et travailleurs les moins rémunéré-e-s ou les moins protégé-e-s qui exercent les métiers les plus physiques et pénibles, qui subissent des conditions de travail précaires, qui sont les moins susceptibles de disposer de moyens de protection, qui sont les plus soumis-es au stress thermique. La crise climatique augmente ainsi les inégalités sociales. La protection des salarié-e-s les plus exposé-e-s à la chaleur est un élément incontournable d’une transition socialement juste.
Il est ainsi incompréhensible pour la CGAS que ces nouvelles lois ne fixent pas des articles spécifiques sur la protection de la santé au travail en cas de vague de chaleur ou de vague de grand froid.
La Loi fédérale sur le Travail et ses ordonnances 3 et 4 prévoient des recommandations qui se révèlent insuffisantes et difficiles à contrôler au vu des nouvelles réalités.
La CGAS revendique que les lois genevoises prennent en compte de manière spécifique la protection de la santé au travail et incluent :

  1. Comme le réclame la CES (Confédération européenne des syndicats) et l’USS, le travail à l’extérieur (construction, agriculture, horticulture, livraison à vélo, terrasses des restaurants, etc) est interdit à partir d’une certaine température.
  2. Le Canton prend des mesures permettant de limiter les effets des conditions climatiques extrêmes sur la santé au travail à l’extérieur et à l’intérieur.

Des subventions à l’économie privée ? Comptabilisées comme des investissements ? Sérieux ?
La CGAS est très critique à propos des subventions aux entreprises et aux propriétaires d’immeubles. Ce alors que le Conseil d’état n’a fait aucune preuve de créativité législative et d’audace politique pour insérer des mesures de protection de l’emploi, de la formation, des salarié-e-s, des bas revenus, des locataires, de la protection de la santé au travail, il est constaté que les subventions cantonales aux privés seront comptabilisées sous forme d’investissements ! Un investissement, lorsque amorti, est un bien de l’Etat. En revanche les pompes à chaleurs subventionnées en vert du PL 13222 pour la rénovation énergétique appartiendront au propriétaire d’immeuble. Et les machines à laver la vaisselle de manière plus écologique subventionnées par le PL 13221 pour le remplacement d’équipements polluants ou autre appareils techniques pour une entreprise de la construction, appartiendront au grand hôtel ou à l‘entreprise de construction qui a reçu la subvention. La CGAS est plus que dubitative sur ce mode de faire. Si par hypothèse l’objectif de ce montage vise à contourner le mécanisme de frein au déficit pour le reporter sur celui, moins contraignant, du frein à l’endettement, alors il conviendrait plutôt d’aborder sans détour la question d’une levée de ces mécanismes néolibéraux destinés à imposer un régime d’austérité aux services publics.
De plus la CGAS reste convaincue qu’il incombe aux grands pollueurs qui ont tiré des immenses profits sans considération pour la dégradation de l’environnement (et souvent sans considération pour les conditions de travail) de se mettre aux normes de production plus écologiques avec leur propres moyens, par exemple en réduisant la part des actionnaires sans recourir au financement public. En outre, la CGAS n’admet pas de financement public sans mesures et contreparties spécifiques pour les salarié-e-s et les locataires.
La CGAS constate que les projets de loi qui visent à subventionner les entreprises et les propriétaires immobiliers ne sont pas accompagnés par un projet de loi qui porterait sur le financement de ces mesures, par exemple en augmentant la taxation des entreprises et des grandes fortunes de manière à créer un fonds de 300 millions pour la transition écologique des entreprises destiné à financer les mesures proposées.
Sans financement propre, la CGAS craint que ces mesures seront prétexte à de nouvelles politiques d’austérité dans d’autres politiques publiques (éducation, santé, social, etc) et sur les conditions de travail du personnel des services publics, ce à quoi elle s’oppose.

Autres critiques
Pour la CGAS la transition éco-sociale est une urgence, au même titre que l’a été par exemple la lutte contre le Covid ou pour faire face à la crise énergétique.
Elle constate que la gouvernance de la Loi climat repose sur un modèle classique, confiée à un comité interdépartemental et accompagnée par un Conseil consultatif du climat et de la durabilité. La concertation et la participation citoyenne sont mentionnées, toutefois les syndicats et les mouvements climatiques n’y sont pas clairement conviés alors que la participation des entreprises est expressément mentionnée.
Le modèle de gouvernance est ainsi faible et insuffisant. La CGAS propose de prioriser plus clairement les mesure climatiques, de créer une cellule de crise pour piloter l’entrée en mode urgence climatique, en s’inspirant de ce qui a été mis en œuvre pour la crise énergétique et pour certains aspects pour la lutte contre le Covid, en y associant explicitement syndicats et mouvements climatiques.


Conclusions et suites

À ce stade les divers PL sont inacceptables pour la CGAS. Elle fait ainsi connaître au public et aux commissions du Grand Conseil ses revendications pour une transition éco-sociale et propose d’améliorer ces projets de loi par des mesures en faveur de l’emploi, de la formation, des salarié-e-s, des bas revenus et des locataires, de la protection de la santé au travail.
La CGAS s’allie à la Grève Climat qui exprime des revendications similaires pour mener campagne dans ce sens.
Pour une transition éco-sociale fondée sur un véritable nouveau contrat social, où patrons et entreprises ne font pas qu’encaisser des aides publiques sans contreparties en termes de protection de l’emploi, du revenu et de la santé des travailleuses et travailleurs, et où le financement de la transition passe par une meilleure répartition des richesses