Communauté genevoise d’action syndicale

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Vente de 022 Télégenève / Naxoo par la Ville de Genève

jeudi 26 avril 2012 par Claude REYMOND

Mesdames les Conseillères municipales,

Messieurs les Conseillers municipaux,

Je me permets de vous écrire pour faire suite à un article de ce jour paru sur le site de la Tribune de Genève évoquant la possible vente par la Ville de Genève de 022Télégenève/Naxoo à UPC-Cablecom. La technique est parfois un monde opaque et les réseaux câblés comme ceux de 022Télégenève/Naxoo n’échappent pas à la règle.

Ingénieur en télécommunications et spécialiste des réseaux câbles en Suisse, je souhaite vous mettre en garde contre les conséquences possibles d’un abandon total à UPC-Cablecom du réseau câble de Genève et dans le but de vous soumettre à votre attention différents éléments de ce dossier. Je précise que je n’ai aucun intérêt de quelque nature que ce soit avec les différents acteurs de Suisse romande en ce domaine.

Je rappellerai en premier lieu le caractère monopolistique naturel qui existe dans tous réseaux câblés. Un téléréseau agit de fait comme un monopole naturel, car sa construction est onéreuse et les clients sont généralement captifs, les frais de raccordement au téléréseau étant quasi systématiquement inclus dans les loyers des appartements.

Revenons à la vente de 022Télégenève/Naxoo par la Ville de Genève. Une question identique s’est posée il y a cinq ans à Lausanne : vendre à Cablecom ou conserver l’autonomie ? La ville de Lausanne a opté pour l’autonomie de la gestion de son réseau câble vis-à-vis de Cablecom, en créant son propre réseau nommé Citycable. Depuis lors, Citycable est très régulièrement cité en exemple des réseaux câbles à vocation de service public. Il s’avère bien plus attractif que Cablecom, en proposant un large choix de programmes (140 chaînes de base à Lausanne contre 38 actuellement à Genève) pour un prix de raccordement mensuel similaire à Genève. Lausanne a opposé une farouche résistance à Cablecom avec, au final, un incroyable succès pour sa population et sa région. Nombre de communes limitrophes de Lausanne ont d’ailleurs quitté Cablecom pour reprendre les signaux de Citycable : outre Lausanne (y compris Chalet-à-Gobet, Montblesson, Vers-chez-les-Blancs), on citera Prilly, Le Mont, Epalinges, Savigny, Jouxtens, Morrens, Cugy, Froideville, Bretigny, Bottens. Site internet : http://www.citycable.ch

UPC-Cablecom a à maintes reprises démontré son but : générer du profit et revendre ses réseaux une fois ceux-ci assainis et fortement bénéficiaires. Ce fut déjà le cas en France (vente de Numéricable en 2006), en Italie, en Espagne et tout récemment en Belgique (Vente à Telenet). Il n’y a pas de raison que la Suisse échappe à moyen terme à cette logique. UPC-Cablecom se déplace progressivement vers les pays de l’est de l’Europe à forte croissance et revend, souvent avec de fortes plus-values, son réseau de l’ouest de l’Europe. En Suisse, elle cherche à mettre la main sur tous les réseaux possibles, de façon à pouvoir vendre à terme un lot intéressant.

Pour augmenter son cash flow, UPC-Cablecom maintient comme offre de base (soit celle fournie avec le raccordement mensuel, 26 CHF, souvent liée au bail) une série de prestations bas de gamme (nombre de chaînes réduit et technologie de diffusion obsolète, soit la diffusion analogique). Elle condamne ses clients à débourser davantage pour obtenir un service digne des évolutions techniques que l’on peut attendre en 2012. En effet, pour fournir davantage de chaînes, la télévision numérique ou la haute définition HD, UPC-Cablecom fait systématiquement payer des suppléments. Or, les chaînes proposées dans ces offres sont souvent disponibles gratuitement par satellite ! Cette société profite donc de l’ignorance ou de l’absence d’alternative de sa clientèle en la matière : faire payer des suppléments pour accéder au numérique ou à la haute définition, c’est comme si l’arrivée de la couleur ou du télétexte avait été taxée en leur temps.

Il faut bien comprendre que les chaînes gratuites disponibles sur le satellite, et que UPC-Cablecom crypte à fin vénale, sont comprises dans de nombreuses offres de base - à Lausanne par exemple - et n’ont rien à voir avec des chaînes "premium" spécialisées. Il s’agit par exemple de chaînes nationales de différents pays. La technologie évolue très vite et il n’est pas nécessaire de confisquer cette évolution en la monnayant. Les offres des téléréseaux de Citycable (Lausanne) ou NetDream (Vaud, Valais) démontrent parfaitement qu’il est possible de respecter sa clientèle, d’agir comme un service public et de constituer un service commercial rentable. Ceci n’empêche nullement tout un chacun de s’abonner en outre à des chaînes payantes (comme CanalPlus, les chaînes sportives, etc.).

Un nombre important de câblo-opérateurs romands indépendants ou publics se sont du reste récemment désolidarisés d’UPC-Cablecom. A Genève, la COGERIM qui gère la cité des Avanchets a décidé de rompre avec Cablecom, il y a de cela deux ans, pour créer son propre téléréseau. En outre, en Suisse Romande, a été fondé le réseau NetDream, principalement dans les cantons du Valais, de Vaud et de Fribourg. Site internet : http://www.netbox.ch

Liste des téléréseaux partenaires NetDream :
 
- SEIC TELEDIS Groupe, Vernayaz
- L’Energie de Sion-Région SA, Sion
- Sierre Energie SA, Sierre
- Sinergy Commerce SA, Martigny
- Sateldranse SA, Le Châble
- TRN Téléréseau de la Région Nyonnaise SA, Nyon
- SEIC Société Electrique Intercommunale de la Côte SA
- Société Electrique des Forces de l’Aubonne SA, Aubonne
- Gruyère Energie SA - VisionSud, Bulle

Il serait donc envisageable pour 022Télégenève/Naxoo, plutôt que de se vendre à UPC-Cablecom, de se rapprocher de NetDream ou de Citycable, deux acteurs indépendants de Suisse romande. Une collaboration étroite entre Naxoo et Citycable ou NetDream offrirait à la population genevoise une véritable offre de programmes diversifiée, flexible, et réactive. Ce choix préserverait l’autonomie du réseau genevois tout en réduisant une partie des coûts, de par la collaboration ou la reprise de signaux déjà mis en forme par NetDream ou Citycable.

Rappelons que la Ville de Genève possède 51% de 022 Télégenève/Naxoo ; il est donc grand temps qu’elle pèse sur l’avenir de 022-Télégenève/Naxoo, dont les orientations ont été largement déterminées par UPC-Cablecom, un actionnaire minoritaire. La Ville de Genève doit prendre conscience qu’elle a une carte à jouer en reprenant le leadership au sein de 022Télégenève/Naxoo. A notre époque, une ville, qui plus est à vocation internationale, doit défendre son attractivité avec un réseau de communication performant et moderne. Quelle que soit la qualité du service d’UPC-Cablecom, il paraît évident que cette structure pense avant toute chose à son profit, et non à l’image de notre cité, ni aux finances de ses abonnés (puisqu’ils débourseraient comparativement bien plus que leurs voisins romands s’ils voulaient obtenir un service comparable). Sans même parler de service public, il serait fort déraisonnable de ne pas encadrer un monopole naturel et de laisser toute latitude au détenteur du monopole en question pour faire son marché.

Depuis des années, UPC-Cablecom aurait eu largement le temps d’adapter son offre ; il s’agit donc d’une volonté délibérée de sa part de cloisonner ses clients à des signaux analogiques. Le reste de l’Europe a abandonné cette technologie et est passé au numérique (par exemple la TNT), qui offre une qualité d’image supérieure. La Suisse et la SSR ont elles aussi abandonné la diffusion analogique terrestre depuis 2007. Citycable et NetDream ont également fait le choix du numérique pour tous. Ces deux structures proposent par ailleurs toute la palette des services habituellement disponibles sur le câble (téléphonie, internet ou vidéo à la demande) ; il s’agit désormais du service minimum pour des câblo-opérateurs que de développer des prestations multimédias. On ne peut donc parler en ce domaine de point fort ou de prestation supplémentaire d’UPC-Cablecom par rapport à ses concurrents.

Enfin, il faut noter que la réception télévisée par la ligne téléphonique ADSL (soit la TV par Internet comme SwisscomTV, SunriseTV), qu’on entend beaucoup vanter, présente une capacité de transmission bien moindre qu’un réseau câble et sera à terme limitée par la capacité du réseau téléphonique. Il convient donc de ne pas renoncer aux services d’un câblo-opérateur.

Je vous enjoins donc de prendre exemple sur la Ville de Lausanne ou le réseau NetDream et d’éviter à notre canton une Genferei qui sera d’autant plus lourde de conséquences dans 10 ou 15 ans, lorsque les réseaux de communication auront encore gagné en importance dans notre vie quotidienne. Je reste bien sûr à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et vous remercie chaleureusement de l’attention que vous aurez portée à ce message.

Veuillez agréer, Mesdames les Conseillères municipales, Messieurs les Conseillers municipaux, l’expression de mon plus profond respect.
Dominique Tinguely

Dominique Tinguely