Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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à Son Excellence Mme Micheline Calmy-Rey

mardi 6 septembre 2011 par Claude REYMOND
Son Excellence Mme Micheline Calmy-Rey
Présidente de la Confédération
Cheffe du Département fédéral des affaires étrangères
Conseil fédéral, Bundeshaus Ost
3003 Bern
 
Genève, le 6 juin 2011
 

Objet : Respect et application des principes et droits fondamentaux au travail dans les Organisations internationales du système des Nations Unies

Madame la Présidente,

La création de l’Organisation internationale du travail en 1919 procédait de la conviction que la justice sociale est essentielle pour assurer une paix universelle et durable. L’universalité des principes de la Déclaration de Philadelphie, adoptée en 1944 par cette Organisation, a été renforcée à plusieurs reprises ; il convient à cet égard de rappeler notamment la Résolution 128 (II) adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies à sa deuxième session le 17 novembre 1947 qui a fait siens les principes énoncés par la Conférence internationale du travail, principes qui concernent, selon les termes même des décisions adoptées à la trentième session de cette Conférence, le 11 juillet 1947, « a) Tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe… ». En 1993, la Conférence mondiale sur les droits de l’homme, organisée à Vienne, a reconnu que les normes fondamentales de l’OIT font partie intégrante des droits de l’homme, ce qui a été également reconnu lors de l’adoption en 1998 de la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi.

Mais on peut se poser la question de savoir s’il convient vraiment d’accorder foi à cette reconnaissance des droits de l’homme et des normes du travail quand on sait que jusqu’à présent les droits du travail ainsi que les droits de l’homme ne s’appliquent pas dans les organisations internationales du système des Nations Unies aux fonctionnaires de ces organisations et qu’en conséquence, si on se réfère aux droits en question, on pourrait même se demander, en poussant le raisonnement jusqu’à son extrême limite, si les fonctionnaires de ces organisations sont des êtres humains puisque les droits reconnus, bien que concernant tous les êtres humains, ne s’appliquent pas à eux.

Les organisations du système des Nations Unies devraient au contraire fonctionner en tant que centres d’excellence et jouer un rôle de pionniers pour ce qui est du respect et de la mise en application de ces normes.

Un des buts de l’Organisation Internationale du Travail, agence spécialisée des Nations Unies dans le domaine du travail et des normes internationales du travail, est de promouvoir les opportunités pour les femmes et les hommes d’obtenir un travail décent et productif, dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité humaine. L’objectif visant à éliminer toutes les formes de discrimination en matière d’emploi et de profession, constitue une obligation pour les Etats membres de l’OIT, y compris pour ceux qui n’ont pas ratifié les conventions y relatives. La Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, adoptée en 1998, reconnaît l’obligation qui incombe à l’OIT d’aider ses membres à atteindre cet objectif.

De même, l’Organisation des Nations Unies stricto sensu est également liée par lesdites conventions, y compris pour ses fonctionnaires, puisqu’elle a fait siens, comme mentionné précédemment les principes énoncés par la Conférence internationale du travail déjà en 1947.

Dans les organisations du système des Nations Unies, à cause de l’absence en leur sein même des droits de l’homme et des droits du travail, cette situation a pour conséquence un accroissement inouï de la précarité pour des milliers de fonctionnaires qui travaillent dans toutes ces organisations. Cette précarité est la cause de grandes souffrances morales et physiques, de problèmes de santé, de problèmes pécuniaires, familiaux et autres pour de nombreux fonctionnaires de ces organisations.

En résumé, il s’agit d’un système discriminatoire, caractérisé par une précarité inouïe et difficile à imaginer au regard des normes internationales du travail et des qualifications des personnes concernées. Il existe plus d’une dizaine de contrats de travail différents, dont la plupart ne respectent pas les principes de base du droit international du travail. Ces contrats de travail, qui règlent les relations de travail de milliers de fonctionnaires – plus de 10000 rien qu’à Genève – donnent lieu à toutes sortes de manipulations, empêchant le plus souvent celles et ceux qui y sont soumis d’acquérir une couverture sociale normale et d’entrevoir sérieusement toute perspective de carrière, voire un avenir familial étant donné qu’il faut avec chaque nouveau contrat repartir à zéro. Certaines personnes cumulent jusqu’à 25 contrats en cinq ans d’activité et d’autres ont des contrats de courte durée durant plus de 15 ans ! Il y a une trentaine d’années le contrat précaire était l’exception dans les organisations internationales du système des Nations Unies : il est devenu aujourd’hui la règle.

Pour en savoir plus, il suffit de consulter certaines rubriques des bulletins des organisations de fonctionnaires internationaux et également, afin de connaître toutes les sortes possibles de violations des droits de l’homme au sein des organisations internationales du système des Nations Unies, le livre intitulé « ONU, violations humaines » dont Jean-Loup Izambert est l’auteur. La prolifération de zones de non droit dans les organisations internationales du système des Nations Unies est inacceptable. En cas de litiges, même ceux portant sur les problèmes d’égalité et de discrimination, seul le règlement intérieur de l’organisation qui emploie le fonctionnaire et son contrat de travail font foi, à l’exclusion de toutes les normes internationales du travail qui n’y sont pas applicables ! Nous rencontrons des situations identiques à l’intérieur même de l’OIT, qui a été pourtant à l’origine des normes en question ! Ces organisations ne sont pas capables de respecter et de mettre en vigueur en leur sein ce qu’elles ont proclamé et exigé universellement.

Les organisations du système des Nations Unies ne doivent pas être une zone de « Non-Droit » pour les fonctionnaires internationaux victimes d’inégalités de traitements flagrantes sans aucun recours valable et efficace. Il y a péril en la demeure car cette situation perdurera tant que des dispositions n’auront pas été adoptées par les Etats membres pour mettre fin à cette absence totale des droits les plus élémentaires de la personne humaine au sein des organisations internationales du système des Nations Unies !

Divers syndicats et organisations de fonctionnaires internationaux ont présenté des propositions pour que soit mis fin à l’hérésie et à l’absolutisme de cette situation : Pourquoi n’y donne-t-on pas suite ? Concernant cette situation, on peut faire référence à la phrase : « Ô toi qui entre ici, ôte toute espérance » comme le disait Dante dans son œuvre la « Divine Comédie ». Cette phrase ne devrait pas avoir sa place au sein des organisations internationales du système des
Nations Unies.

L’heure est venue de mettre les organisations internationales du système des Nations Unies au diapason des droits de l’homme et des normes internationales du travail comme le
demande le projet de résolution en annexe.

Pour réaliser cet objectif, IL FAUT que les Etats membres de l’Organisation des Nations Unies adoptent une résolution demandant le respect et l’application des principes et droits fondamentaux au travail dans les organisations internationales du système des Nations Unies.

Avec cette réforme fondamentale, les organisations internationales du système des Nations Unies gagneront en prestige et surtout en crédibilité, et ceci en ayant un fonctionnement en harmonie avec leurs principes et leurs valeurs fondamentales universellement reconnus ; ces organisations deviendront enfin un lieu de droit et de respect et, par ailleurs, leurs fonctionnaires deviendront des êtres humains jouissant de droits qu’ils ne seront plus obligés de laisser au « vestiaire » lorsqu’ils entrent dans ces organisations.

Pour la cohérence et la crédibilité des organisations du système des Nations Unies et pour le futur de leurs fonctionnaires comme êtres humains, cette réforme doit être adoptée comme question de principe. Après le prix Nobel, il faut à présent avoir les droits de l’homme dans le travail pour que les organisations du système des Nations Unies respectent enfin leurs propres principes.

Madame la Présidente,

Afin d’atteindre les objectifs décrits ci-dessus, seule une résolution adoptée par les Etats membres de l’Organisation des Nations Unies permettra enfin à l’Organisation de se mettre au diapason de ses principes et nous considérons, compte tenu que la situation de « non droit » dans l’Organisation dure depuis plus de soixante ans, qu’une telle résolution devrait être adoptée dans les plus brefs délais, résolution qui pourrait prendre la forme du projet que nous nous permettons de joindre à ces lignes.

En espérant que ce projet pourra rencontrer l’assentiment de vous-même et de votre pays, et que vous pourrez en être un des initiateurs, nous vous remercions vivement de votre aide et nous vous prions d’agréer, Madame la Présidente, les assurances de notre très haute considération.

Jacques Vigne
Secrétaire Général,
Syndicat New Wood/Bois Neuf des Nations Unies

Annexe : Projet de résolution


Note : Le Syndicat New Wood/Bois Neuf des Nations Unies, fondé en 1998 par un groupe de fonctionnaires de l’Organisation des Nations Unies, est constitué par ses membres sous la forme d’une association au sens des articles 60 et suivants du Code civil suisse. Il est régi par ses Statuts et par les dispositions du droit suisse applicables en la matière. Il est membre associé de l’Union Syndicale Suisse (USS) ainsi que de la Communauté Genevoise d’Action Syndicale (CGAS). Le Syndicat New Wood/Bois Neuf des Nations Unies a pour objectif principal la mise en application des droits du travail et des droits de l’homme dans l’ensemble des organisations internationales du système des Nations Unies et ce afin que les fonctionnaires de ces organisations bénéficient des droits qu’ils sont chargés de faire appliquer dans tous les Etats-membres et également pour que lesdites organisations deviennent des lieux de droit et ce en conformité avec leurs propres principes en gagnant ainsi en prestige et surtout en crédibilité. Il participe par ses représentants à des réunions internationales dans les domaines des droits de l’homme et des droits du travail soit directement soit au sein de la représentation de délégations syndicales internationales ou d’organisations internationales non gouvernementales ayant statut consultatif auprès de l’ECOSOC ou de l’OIT. Le siège du syndicat est à Genève (Suisse).