Communauté genevoise d’action syndicale

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L’avenir de l’école passe par la capacité de dire : "Non"

mardi 12 septembre 2006 par Claude REYMOND

Quarante ans ! Exactement quarante ans que le peuple genevois a accepté la première loi sur la démocratisation des études. Genève était alors pétrie de certitudes, le sort de tous ne pouvait que s’améliorer, particulièrement celui des plus modestes, au rythme du développement de l’Etat social. A ces années de construction, auxquelles beaucoup d’enfants d’ouvriers et d’immigrés doivent tant, a succédé la remise en cause de tous les acquis. Les années de doute. La crise de représentation de l’avenir frappe aussi l’éducation.

Genève a changé. Profondément. En quinze ans, une métropole est née. L’un des principaux pôles de croissance en Europe, le canton a connu une augmentation de sa population de plus de 15%. Ces quinze ans marquent aussi l’entrée dans les déficits publics, l’émergence des caprices d’une croissance qui ne rime plus avec développement, si ce n’est celui des inégalités. Les frontières disparaissent. L’organisation politique du territoire n’est plus en phase avec les comportements sociaux, avec la nouvelle réalité urbaine. D’autres frontières apparaissent, la Genève "globale" qui gagne ne côtoie guère plus la Genève" locale".

Les vieilles recettes ne fonctionnent plus, l’intégration est en crise, l’ascenseur social comme celui de la démocratisation des études est en panne.

Mêmes chiffres, mêmes réalités pour l’école ! Augmentation des effectifs, stagnation des moyens, apparition d’une nouvelle misère, complexification des missions forment le quotidien de nos écoles. Surtout de certaines d’entre elles.

C’est dans cette période difficile que notre système scolaire a connu un cortège de réformes touchant tous ses ordres d’enseignement. Est-ce trop ? Probablement.

Pour l’école primaire il s’agit alors de donner un nouveau souffle à la démocratisation des études en intégrant le rythme des enfants, en enseignant différemment, en revoyant le système d’évaluation. Malheureusement le pilotage fait défaut, le débat parlementaire est ignoré, les écoles s’autonomisent, le service public devient porteur de logiques contradictoires. La réforme s’enlise.

Ébranlées et menacées par la crise sociale et des repères, les classes moyennes d’aujourd’hui, composées des celles et ceux qui ont bénéficié de la démocratisation des études hier, doutent. Elles doutent aussi de notre capacité d’intégrer les nouveaux immigrés.

C’est dans ce contexte qu’une nouvelle guerre scolaire émerge. Très idéologique, très "française". Les modernistes qui pensent que l’école doit s’adapter affrontent les défenseurs de la tradition qui voient dans la perpétuation du système la garantie de son efficacité. La note en devient le symbole. Une initiative demandant leur rétablissement est lancée.

Depuis 2003, tentant de gommer les excès de la rénovation, d’en expliquer les enjeux, à l’ensemble de la population, le Département de l’Instruction publique et le Conseil d’État agissent. Les notes sont rétablies pour chaque trimestre, de 1 à 6, pour toutes les disciplines. Les initiants y voient des fausses notes. Et pour cause ! Ignorant l’évolution pédagogique partout en Suisse, en Europe et dans le monde, toute leur énergie est utilisée à passer une alliance avec la droite du Grand Conseil pour éviter tout contre-projet.

Tout contre-projet ? Non ! Le contre-projet est trouvé, il n’en porte que le nom, il scelle un pacte d’abord politique. En réalité les tenants populistes d’un ordre disparu ont choisi de faire alliance avec une droite dont le principal objectif devient le retour de la sélection partout, de l’école primaire au collège en passant le cycle d’orientation.

L’enjeu du 24 septembre prochain s’est déplacé. L’École de Chavanne de 1966, celle de la démocratisation des études est à nouveau dans le collimateur de ses adversaires d’hier ! Exclure ou former ? La réponse prendra du temps à trouver sa forme. Elle passe par une nouvelle approche de la politique urbaine, de la solidarité, de l’intégration et de la démocratisation des études.

Garantir les repères, unifier un système scolaire performant compris par tous au service de tous, Genève en possède les moyens. Son avenir et sa prospérité en dépendent directement. Préparer un avenir positif passe parfois par la capacité de dire non.

Charles Beer
Conseiller d’Etat en charge du Département de l’instruction publique