Communauté genevoise d’action syndicale

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Paysannes et paysans se mobilisent pour trouver des solutions contre l’accaparement des terres

mercredi 23 novembre 2011

communication de


Sélingué, Mali, le 17 novembre 2011 – Aujourd’hui, plus de 250 participants, principalement des représentants d’organisations paysannes originaires de 30 pays, se sont rassemblés au village de Nyéléni, un centre de formation en agroécologie construit en zone rurale près de Sélingué, au Mali, pour participer à la première Conférence internationale des paysannes et paysans pour stopper l’accaparement des terres. Le village de Nyéléni est un lieu symbolique, c’est ici que s’est tenue en 2007 la première conférence internationale sur la Souveraineté Alimentaire. Pendant 3 jours, du 17 au 20 novembre, les participants vont échanger leurs expériences et créer des alliances pour stopper le phénomène mondial d’accaparement des terres.

L’accaparement des terres se produit partout, rendant encore plus difficile la lutte quotidienne pour la survie des communautés rurales à travers le monde entier. Les droits des agriculteurs familiaux, de même que ceux des éleveurs pastoraux, des pêcheurs artisanaux et des communautés indigènes, sont constamment violés et leurs territoires sont de plus en plus militarisés. La production de nourriture à petite échelle est remplacée par de grandes plantations en monoculture destinées à l’exportation ; alors que les agricultrices et agriculteurs locaux sont dépossédés de leur terre, de leur travail, et de leur nourriture. C’est pourquoi les organisations paysannes ont décidé de se mobiliser ensemble contre ce problème, afin de créer un espace d’échange d’expériences et de recherche de solutions communes.

A l’ouverture de la cérémonie, Ibrahima Coulibaly, président du CNOP (Confédération Nationale des Organisations Paysannes) du Mali, a dit : « La terre appartient aux communautés locales et cela depuis des générations. Maintenant, les gouvernements expulsent les paysannes et paysans de leurs terres. Cela n’est pas acceptable. C’est un déni de droits historiques, des droits qui existent depuis des centaines d’années, alors que de nombreux Etats n’existent que depuis les années 60. Ceci montre à quel point les politiciens sont déconnectés des peuples. La situation est réellement grave, et c’est pourquoi nous sommes réunis ici. Nous avons la possibilité pendant ces trois jours de nous asseoir ensemble, de dresser un état des lieux commun et de trouver des solutions ».

Depuis que la crise alimentaire et financière mondiale a éclaté en 2008, les gouvernements et les entreprises privées n’ont eut cesse d’acheter de plus en plus d’immenses surfaces de terres fertiles à l’étranger partout dans le monde. Plus de 60 pays ont été la cible de centaines d’entreprises privées et de dizaines de gouvernements étrangers. Cette « ruée internationale sur la terre » affecte à elle seule plus de 30 millions d’hectares en Afrique.

Lors des premiers débats, les participants ont partagé leurs expériences et présenté une image multi-facettes de l’accaparement des terres. D’un côté, ils se sont accordés sur le fait que l’accaparement des terres n’est pas un phénomène nouveau, dans la mesure où la plupart des pays l’ont subit à travers la colonisation, et que dans certains endroits les structures légales coloniales sont toujours en place aujourd’hui. De l’autre côté, les participants ont acté que l’accaparement des terres prend différentes formes. Il y a d’une part l’accaparement des terres conduit par les Etats, et d’autre part celui mené par les entreprises multinationales. Il y a des accaparements de terres pour produire de la nourriture destinée à l’export, ceux pour produire des agro-carburants, des accaparements de terres pour des projets miniers ou d’autres grands projets d’infrastructures, l’accaparement des terres périurbaines, etc. Même au niveau local, des chefs et leaders communautaires accaparent des terres. Il existe également des mécanismes au sein des familles et des communautés qui entraînent un accaparement des terres, tel que le refus des hommes d’accorder l’accès des femmes à la terre, la discrimination généralisée contre les jeunes et les agricultrices, ou l’accaparement des terres par les élites locales.

En Afrique, les petits agriculteurs familiaux constituent 80% de la population, et même si leurs moyens de production sont rudimentaires - beaucoup d’entre eux n’ont pas même de charrue – ils arrivent tout de même à nourrir la majorité des habitants. Comme les accaparements de terres expulsent les petits paysans et les pastoralistes hors de leurs terres, ils menacent directement la souveraineté alimentaire.

« Lorsque nous perdons la terre nous perdons notre culture, nos communautés et nos savoirs. La terre est tout pour nous » a exprimé un agriculteur sénégalais. D’autres paysans ont rapporté des témoignages de luttes locales et d’expropriation de communautés à travers l’Afrique et ailleurs. « Les agriculteurs sont criminalisés. Beaucoup d’entre nous sont jetés en prison, seulement parce que nous essayons de sauver nos terres et notre mode de vie » a ajouté un paysan indonésien. « Plus de cinquante compañeros et compañeras sont morts l’année dernière alors qu’ils défendaient leurs terres. Aujourd’hui nos territoires sont complètement militarisés » a rapporté un agriculteur du Honduras, à propos de la lutte des communautés locales à Bajo Aguán.

Ici au Mali, près de 800 000 hectares de terres ont été loués ou sont en négociation à cette fin. Un fermier de Kolongo, dans la région de Ségou où deux investisseurs on accaparé les terres communes, Malibya et Tomota, a expliqué son expérience : « Nous avons vécu dans nos villages pendant des centaines d’années, et pourtant personne n’est venu nous parler de ces projets. Puis un jour, une machine est venue et a commencé à creuser. Ils nous ont donné un papier que nous n’étions pas capables de lire. Donc nous l’avons montré à quelqu’un qui pourrait nous lire ce dont il s’agissait. Le papier disait que nous devions quitter nos fermes et nos terres. Ils ont commencé à construire un canal. Ils ont retourné un cimetière, nous ont volé nos récoltes et ont ruiné nos terres. Nous avons organisé un forum à Kolongo il y a un an et nous continuons à lutter pour nos droits, mais notre souffrance est réelle ».

Une agricultrice originaire de l’Office du Niger, où de nombreux investisseurs étrangers ont accaparé des terres, s’est levée et a dit : « Nous sommes vraiment contents d’être ici aujourd’hui. Dans nos villages nous sommes confrontés à de vraies difficultés. Les projets ont pris nos terres donc nous ne pouvons plus produire de nourriture. En raison des luttes, certains d’entre nous sont en prison, et j’ai moi-même fait une fausse-couche après avoir été battue. Nous avons même du envoyer nos enfants au loin, parce qu’il n’y a plus rien à manger. Maintenant, nous n’avons plus aucune joie, mais nous nous battons pour notre avenir et celui des générations futures. Nous sommes venus à cette conférence parce que nous avons l’espoir de lutter ensemble ».

Chaque jour, des communautés agricoles et pastorales sont expulsées de leurs terres. Au même moment, partout, la résistance et des solutions nouvelles se développent pour arrêter cet accaparement massif des terres. Au Sénégal, depuis le récent conflit à Fanaye qui a fait de nombreux morts, les organisations paysannes, les mouvements sociaux, les ONGs et les groupes de défense des droits humains ont mis en place un comité de suivi et d’alerte pour avertir tous les acteurs de la société civile, les journalistes et les personnes influentes à chaque fois que de nouveaux cas d’accaparement des terres surviennent sur le terrain.

Les participants se sont mis d’accord sur le fait que cette lutte contre l’accaparement des terres est également un combat contre l’actuelle marchandisation des semences, de l’eau et des connaissances, et pour le soutien à l’agriculture familiale à petite échelle. Paul Nicholson, un des leaders de La Via Campesina a dit : « Certains clament que l’accaparement des terres constitue une modernisation de l’agriculture, et que c’est la seule solution pour réduire la faim. Ceci n’est pas vrai, ce dont nous avons besoin c’est la souveraineté alimentaire. Nous devons nous battre en faveur de notre modèle agroécologique, et nous avons besoin de politiques qui soutiennent les agricultrices et agriculteurs familiaux dans tous les pays. Il est urgent de réaliser une réforme agraire partout dans le monde ».

Via Campesina News

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