Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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dans la paix, les pêcheurs sahraouis se mettent en marche

mardi 5 mars 2002 par Claude REYMOND

Invité par le Front Polisario pour une mission d’évaluation de ses coopératives, le secrétaire de la CGAS a rédigé trois documents pendant ses déplacements au Sahra occidental du 3 au 17 novembre 2001.

Celui ci-dessous est la résultante d’échanges entre plus de trente responsables syndicaux sahraouis entrepris pendant 8 jours en 5 endroits différents. But : unifié sur une action pragmatique.

Dans la phase de ratification des instances de l’UT-Sario, je fus amené en mars 2002 à préciser notamment que « C’est à l’UGT de fixer les montants de souscription : ça peut être trois paliers de 1 dinnard, 100 pesetas ou 1 dollar donnant droit à 1/3, 1/2, 2/3 de part-souscription. Le procédé est d’autant plus nécessaire que le fruit de la pêche devra être distribué aux souscripteurs proportionnellement à leur apport – ce qui éteindra leur créance après l’opération dans le cas où elle devrait s’interrompre après les 28 premiers jours prévus. Ca peut sembler compliqué, mais l’expérience doit être menée avec cette contigence pour montrer qu’il est possible - même avec des petites sommes et des petits revenus d’être juste et équitable. »

Mais depuis lors, plus de nouvelles...


Nos enfants seront debouts lorsqu’ils verront celles et ceux
qui s’en iront saluer d’autres au bout de la route,
pour, avec eux, trouver la nourriture de leur meilleur devenir

Au milieu de l’an 2001, le gouvernement du Maroc a unilatéralement passé contrat avec des compagnies privées américaine et française pour procéder à des explorations des sols du Sahara Occidental - dont la souveraineté n’est pas établie et à laquelle postule également la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD).

Dès lors, l’Union générale des travailleuses et travailleurs sahraouis

  • vu l’intérêt universel de connaître les ressources de la planète ;
  • vu le constat de blocage total du processus d’autodétermination à travers un référendum juste, libre et régulier qui permettrait au peuple sahraoui de choisir son devenir ;
  • considérant que l’attribut essentiel de la personne humaine est sa capacité à transformer le monde par son travail ;
  • considérant que la capacité de production des hommes et des femmes ne doit subir aucune restriction dans l’espace et le temps ;
  • après la voie des armes et le statu quo des guerriers ;

A. décide

  1. d’impulser des conditions favorables à la paix entre le peuple sahraoui et le peuple marocain et d’aménager un terrain propice à des négociations bilatérales et directes entre leurs représentantes et représentants ;
  2. de demander aux compagnies soucieuses d’explorer les terres du Sahara Occidental de s’abstenir de signer des contrats d’exploration ou d’exploitation sans le consentement du Front Polisario et celui du gouvernement de la RASD, unique et légitime représentant du peuple sahraoui ;
  3. de répondre à l’exigence du peuple sahraoui qui souhaite, après 10 ans d’attente, se procurer par lui-même les moyens de sa subsistance - et ce faisant d’alléger l’obligeance de la communauté internationale à l’entretien des réfugiés ;
  4. d’organiser une section syndicale de l’UGT Sario des pêcheurs ;
  5. de constituer une Coopérative de pêche dont la première tâche sera d’explorer les eaux limitrophes et internationales jouxtant les côtes du Sahara Occidental ;
  6. d’affréter quatre navires de pêche en concluant une location pour 28 jours avec des capitaines ou armateurs établis aux Iles Canaries et de solliciter les organisations syndicales étrangères disposées à soutenir financièrement ce projet.

B. ordonne

aux Bureaux de l’UGT Sario des quatre wilayas - instituées par la République arabe sahraouie démocratique - de réunir les travailleuses et les travailleurs de la région dont ils sont responsables afin

a) de les informer de la présente déclaration et d’obtenir leur adhésion tant à ses objectifs qu’aux moyens de les atteindre ;

b) de procéder à l’examen des candidatures et d’organiser l’élection de douze pêcheurs au sein de chacun des girons soumis à leur administration et de communiquer à la Centrale leur fiche signalétique ;

c) de récolter les biens en nature nécessaires au ravitaillement et à l’équipement de leur équipe de pêcheurs pendant 30 jours et de communiquer à la Centrale leur inventaire ;

d) de lancer une souscription publique pour réunir une partie de l’argent nécessaire à la location d’un bateau pendant 28 jours et de communiquer à la Centrale la liste et les montants versés par les souscripteurs ;

e) de préparer le départ des membres de la Coopérative des pêcheurs sahraouis au 1er mai 2002 - journée internationale revendicative des travailleurs et travailleuses - et d’organiser leur regroupement à la Centrale de Rabouni à cette date ;

f) d’inviter les personnes de plus de 25 ans qualifiées pour les travaux de gros oeuvre de s’annoncer à la Centrale, qui entend prendre toutes les mesures utiles pour garantir la meilleure praticabilité de l’axe routier reliant Rabouni au bord de mer - voie de communication naturelle pour acheminer le poisson s’il se trouve que les missions d’exploration des pêcheurs sahraouis peuvent permettre de conclure à un ravitaillement probant de nos quatre wilayas.

C. demande à l’UGT marocaine

  1. de se solidariser avec l’initiative des travailleuses et travailleurs sahraouis dans leur initiative de prendre des poissons en mer et de reconnaître à ces derniers les mêmes droits - dans une zone dont la souveraineté n’est pas encore établie – qu’aux travailleuses et travailleurs marocains ou mauritaniens d’y plonger leurs filets ;
  2. d’entreprendre toutes les démarches utiles pour expliquer à la population marocaine l’action citoyenne volontaire des pêcheurs sahraouis et leur détermination à agir dans un esprit de paix ;
  3. de constituer une délégation pour rencontrer la section des pêcheurs sahraouis et les membres de la Coopérative de pêche fondée par l’UGT Sario, et la lui annoncer de façon à que cette dernière organise son déplacement et hébergement dans les camps. Si, malgré l’ouverture et la transparence désintéressée de la présente déclaration, les autorités de l’UGT marocaine hésiteraient à établir un contact bilatéral avec celles de l’UGT sahraouie, cette dernière admet d’ores et déjà que l’organisation sœur marocaine requiert l’entremise d’une tierce organisation syndicale pour traiter du suivi à donner aux points 1, 2 et 3 mentionnés plus haut.

D. invite le gouvernement de la RASD à

  1. exprimer leur soutien aux décisions de l’UGT Sario et à en informer les autorités algériennes ;
  2. informer la NINURSO et l’ONU par la présente déclaration et leur demander de favoriser sans retard un contact direct avec les autorités marocaines administrant le Sahara occidental afin de faciliter la mise en application de la présente déclaration ;
  3. convenir avec les représentants des habitants - résidant le long de cet axe ou installés à ses deux extrémités - des modalités d’hébergement des voyageurs ;
  4. faciliter la circulation des personnes qui emprunteront l’axe qui joint le bord de mer d’un côté et Rabouni de l’autre ;
  5. poursuivre leurs initiatives humanitaires visant la libération des prisonniers de guerre marocains encore détenus sur le territoire qu’il administre - et dont la plupart y travaillent présentement. A cet égard, il faut relever que le Front Polisario a libéré jusqu’à maintenant plus de 900 prisonniers, dont 115 à l’occasion de la nouvelle année 2002 ;
  6. étudier avec bienveillance et conformément à la loi, les demandes d’obtention de la nationalité sahraouie qui pourraient être formulées par les libérés. A tout le moins de souscrire aux recommandations formulées par l’UGT Sario en ce qui concerne les futurs marocains libérés (jointes en annexe).

E. invite le gouvernement marocain à

  1. confirmer son attachement aux libertés fondamentales, et notamment à celle de la libre circulation des personnes qui souhaitent travailler et qui peuvent attester de leurs racines sur un territoire donné ;
  2. convenir avec les autorités de la RASD des modalités de transit des pêcheurs sahraouis qui rejoindront la mer dès le 1er mai 2002 pour s’embarquer sur quatre bateaux de pêche battant pavillons espagnol et sahraoui sur les côtes du Sahara Occidental ;
  3. transmettre au Croissant-Rouge, ou à d’autres associations spécialisées, l’identité et le lieu de détention - au Maroc ou dans les régions qu’il administre - de toutes personnes se réclamant librement du peuple sahraoui en exil ou exprimant le désir de se soumettre à la constitution de la RASD ;
  4. et plus particulièrement, à dire ce qu’il est advenu des 189 sahraouis, tous travailleurs potentiels, mais dont les familles sont sans nouvelles depuis plusieurs années ;
  5. admettre que les ressortissants marocains capturés par le Front Polisario sont actuellement détenus en qualité de prisonniers de guerre, et ne pas les considérer comme des déserteurs sous prétexte qu’ils travaillent à côté de citoyennes et citoyens sahraouis et partagent le même pain qu’eux ;
  6. communiquer à la République arabe sahraouie démocratique l’entier des rapports élaborés par les deux compagnies étrangères mandatées pour explorer le sous-sol du Sahara-Occidental.


F. invite la Communauté européenne et l’Union des Etats africains, ou tout Gouvernement membre des Nations Unies, à

  1. rappeler que le droit au travail est inscrit dans plusieurs chartes à caractère universel, recommandations ou conventions internationales ;
  2. remarquer que l’on devrait toujours favoriser la volonté et la capacité d’entreprendre plutôt que de contraindre la personne humaine à l’attentisme et à vivre de l’assistance ou de la charité ;
  3. déléguer des observateurs qui accompagneront les pêcheurs de l’UGT Sario dans leurs déplacements vers et sur la mer pour attester du caractère pacifiste de leur initiative, et à annoncer leurs délégués aux gouvernements sahraoui, marocain et algérien ;
  4. vérifier auprès du gouvernement marocain qu’il facilitera le transit et permettra le travail en mer des pêcheurs sahraouis ;
  5. soutenir les gouvernements sahraoui et marocain dans leurs contacts bilatéraux pour garantir la sécurité routière, dans les deux sens, des personnes qui emprunteront l’axe Rabouni - bord de mer ;
  6. à défaut, constituer des forces policières aérienne, terrestre et maritime aptes à prévenir tout acte de violence à l’encontre des citoyennes et citoyens sahraouis qui exerceront leur droit inaliénable à prélever sur la Terre Mère, là ou elle est généreuse, ce qui est nécessaire à la vie.

Annexe en faveur des futurs libérés

L’UGT Sario souhaite que le peuple sahraoui et ses représentants attestent encore une fois qu’ils tiennent pour principe premier la garantie des libertés et de la dignité de chacun, et pour second d’agir dans le respect des hommes et des femmes du Grand Maghreb pour contribuer à la réalisation de la paix dans cette région du monde.
C’est pourquoi

l’UGT Sario recommande aux autorités du Front Polisario et celles de la RASD de prendre les mesures législatives nécessaires et exceptionnelles pour

  1. faciliter l’accès à la citoyenneté sahraouie aux prisonniers de guerre marocains libérés, lorsqu’ils souhaiteront l’obtenir en rédigeant leur demande motivée ;
  2. ne pas exiger d’eux - ni de toutes celles et ceux qui ont vécu sur la terre du Sahara Occidental - à ce qu’ils renoncent à leur citoyenneté marocaine ;
  3. garantir l’exportation de tous les biens que les libérés auront façonné de leurs mains pendant leur période détention ;
  4. favoriser l’installation, sur le territoire dont elles ont la responsabilité, de la mère, du père, de la femme et des enfants du libéré qui aura obtenu la citoyenneté sahraouie ;
  5. parce que les libérés rentrant au pays pourraient éprouver des difficultés à retrouver les moyens de leur indépendance économique, offrir une fois par semaine des mains du consulat de la RASD à Mekhnès (ou tout autre ville de prédilection de l’Etat marocain), une quote-part de subsistance, d’habits et d’instruments domestiques égale à celle distribuée par les autorités du Front Polisario aux citoyennes et citoyens de la RASD ;
  6. aussi longtemps que nécessaire et aussi souvent que l’exigera l’état de santé des libérés, à assurer l’obtention de soins au même titre que les sahraouis et dans les mêmes établissements.

Avec les corrections formulées par Mohamed CHEIKH (secrétaire général de l’UGT Sario) le 27-01-2002 sur la proposition rédigée par Claude REYMOND (secrétaire de la Communauté genevoise d’action syndicale) le 26 novembre 2001.