Communauté genevoise d’action syndicale

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de la révision partielle de la loi sur l’asile et du droit des étrangers

Large coalition contre des durcissements inacceptables

jeudi 26 mars 2009 par Claude REYMOND

Objections concernant le droit d’asile

En ce qui concerne le droit d’asile, la coalition se prononce avec détermination en particulier contre les dispositions suivantes comprises dans le projet de révision :

Exclusion de la qualité de réfugié en cas de refus de servir ou de désertion

en proposant cette restriction superflue, mais aussi dangereuse, de la définition de réfugié, le Conseil fédéral et l’administration se rallient à la fausse interprétation donnée consciemment à une décision de principe de la Commission de recours en manière d’asile (CRA) par le chef déchu du DFJP Christoph Blocher. Les déserteurs érythréens devront continuer pour le moins d’être admis provisoirement en raison des sanctions pénales particulièrement sévères auxquelles ils s’exposeraient en cas de retour dans leur pays. La règle proposée est ainsi uniquement de la poudre aux yeux populiste.

Criminalisation de l’activité politique publique

sous prétexte qu’il faut mettre un terme à la création de motifs postérieurs à la fuite, le Conseil fédéral lance une attaque monstrueuse à la liberté d’opinion et de réunion aussi bien des requérants et requérantes d’asile que des Suisses et des Suissesses qui les aident « en particulier dans la planification et l’organisation » et qui peuvent être des membres d’Eglises, des personnes engagées au sein d’organisations de défense de l’asile et d’œuvres d’entraide, voire même des journalistes qui relatent les actions publiques de requérants et requérantes d’asile.

Suppression de la possibilité de déposer une demande d’asile à l’étranger dans une ambassade suisse

en dépit du fait qu’en 2007, 8% des demandes d’asile déposées dans les ambassades suisses ont été déclarées bien fondées, le Conseil fédéral veut supprimer ces procédures avant tout pour des motifs d’économies. Cette proposition a cependant pour effet néfaste d’empêcher précisément les personnes directement et gravement en danger dans leur pays de provenance de bénéficier d’une protection immédiate contre la persécution.

Obligation de prouver et non plus de rendre seulement vraisemblable que le renvoi ne peut être raisonnablement exigé

en voulant introduire ce durcissement, le Conseil fédéral ignore tout simplement qu’il est très souvent absolument impossible, pour les intéressés, de se procurer, depuis la Suisse, des documents écrits qui pourraient par exemple prouver qu’ils ne disposent pas d’un réseau de relations dans leur pays d’origine. La règle prévue aurait des conséquences catastrophiques en particulier pour les femmes. Les motifs de fuite spécifiques aux femmes (par exemple, danger de bannissement et de restriction de liberté de la part du mari ou de la famille, d’un mariage forcé ou d’une excision) sont en règle générale impossibles à prouver, raison pour laquelle on ne les prend en compte actuellement qu’en tant qu’obstacles au renvoi. Or, la règle proposée ôterait même cette protection aux femmes concernées.

En outre, la coalition critique l’extension du régime indigne de l’aide d’urgence aux personnes ayant présenté plusieurs demandes d’asile, la réduction du délai de recours (à 5 jours) contre le rejet des demandes de réexamen et la limitation du choix du domicile pour les personnes admises provisoirement, respectivement de leur liberté d’établissement garantie par la constitution en tant que droit fondamental.

Objections concernant le droit des étrangers / le contre-projet opposé à l’initiative de l’UDC sur le renvoi

Pour ce qui est des propositions de modification dans le droit des étrangers, la coalition constate que le Conseil fédéral présente non seulement une contre-proposition inadéquate à l’initiative de l’UDC mais encore d’autres réglementations qui rendraient considérablement plus difficile l’accès des immigrant-e-s à un droit de résidence stable (établissement) par rapport aux ressortissants des pays de l’UE, ceux de pays tiers ne devraient pouvoir recevoir un permis d’établissement qu’en cas d’intégration « particulièrement réussie ». A la lecture de son rapport explicatif, qui laisse la question ouverte, on peut se demander si le Conseil fédéral n’est pas moins intéressé à une intégration rapide et bonne des immigrant-e-s qu’à un rapide rejet également des étranger-ère-s présents en Suisse depuis de longues années. Cette optique d’hostilité à l’intégration se révèle également dans le fait que les conjoints étrangers de personnes suisses ou d’étrangers établis ne devraient désormais recevoir un permis d’établissement après cinq ans de résidence et de mariage qu’à la condition d’avoir de bonnes connaissances linguistiques. Cette disposition indigne et discriminatoire toucherait en premier lieu les femmes, mais aussi les personnes ayant un niveau de formation peu élevé et de faibles possibilités de se perfectionner en raison du dur labeur accompli au quotidien.

Pour la coalition, le contre-projet indirect à l’initiative de l’UDC sur les renvois est également inacceptable : au lieu de rejeter catégoriquement l’initiative, le Conseil fédéral présente, dans certaines dispositions, des propositions qui ne sont même pas demandées par l’UDC : ainsi les permis d’établissement devraient pouvoir être révoqués

  • lorsque que l’étranger lui-même ou l’étrangère elle-même ou une personne dont il ou elle a la
    charge dépend de l’aide sociale,
  • en cas de violation des « décisions d’autorités », ou
  • lorsque le séjour en Suisse de la personne concernée « conduit très vraisemblablement à une atteinte à la sécurité et à l’ordre publics ».

Le fait que l’autorisation devrait être impérativement révoquée également en cas de condamnation à une peine privative de liberté avec sursis (par exemple pour fraude fiscale, gestion déloyale, ou manipulation des cours) montre plus que clairement que le législateur a totalement perdu le sens de la mesure et que les mesures du droit des étrangers joueraient le rôle nouveau de peines complémentaires. Selon le projet soumis à consultation, les ressortissant-e-s de pays tiers seraient une fois encore fortement discriminés par rapport à celles et ceux des pays de l’UE, car pour ces dernier-ère-s, en raison de l’accord sur la libre circulation des personnes, la révocation d’une autorisation ne peut d’emblée pas être rattachée à une certaine quotité de la peine mais au critère d’une mise danger de l’ordre public, actuelle et suffisamment grave, touchant l’intérêt fondamental de la société. Le contre-projet indirect que le Conseil fédéral oppose à l’initiative sur le renvoi se révèle inadéquat et inutile, mais surtout objectivement inopportun.