Comité d’organisation du 1er Mai

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discours d’Ariane Baillat (SSP - CGAS)

jeudi 1er mai 2003 par Claude Reymond

Thème : Syndicats et mouvements sociaux

A quelques semaines des immenses manifestations contre la guerre que nous avons connues partout à travers le monde, il n’est pas inutile d’insister encore une fois sur le fait que le système qui a conduit à cette sauvage agression contre le peuple irakien est le même qui laisse sur le carreau des millions de travailleuses. Il n’est pas inutile de redire que ce système n’est pas seulement injuste : il institue la terreur et l’asservissement comme moyen de contenir la révolte et de maintenir l’ordre, il fait de l’oppression un but en soi.

Or, dans un monde à ce point violent et cynique, qui vise à détruire tous les liens sociaux, notre rôle de syndicat est considérable.

Il s’agit bien évidemment, de défendre, d’organiser et d’armer les salariées pour faire face aux attaques du patronat et des milieux économiques contre nos conditions de travail et nos droits fondamentaux, car l’action et la construction sur les lieux de travail sont les raisons d’être des organisations syndicales. Et la tâche n’est pas simple : si une identité syndicale forte n’a jamais été le propre des salariées suisses, elle l’est encore moins à l’heure où la solidarité entre travailleuse est constamment mise à mal à travers l’individualisation à outrance des rapports de travail.
Le salaire au mérite, la flexibilité des horaires, la disparition des statuts de fonctionnaires, l’externalisation de secteurs entiers d’entreprises, le travail sur appel, le travail intérimaire ou la mise en concurrence des salariées sur le marché de l’emploi, sont autant d’éléments, parmi d’autres, qui contribuent à vider de leur sens toutes revendications collectives. Il est donc plus que jamais essentiel d’être présentes sur les lieux de travail pour y défendre et y développer nos droits, en favorisant les conditions d’une mobilisation indispensable à l’inversion de ces tendances, en n’hésitant pas à recourir à la grève à chaque fois que la situation l’exige.

Mais notre rôle ne s’arrête pas là : il s’agit aussi de participer à la transformation de cette société et d’imaginer un autre avenir possible. Car nous ne pouvons pas dénoncer et combattre les conditions dégradées et dégradantes dont sont victimes les salariées, sans nous attaquer, en même temps, au système qui produit ces conditions. En d’autres termes, chers à mes collègues soignantes, nous ne pouvons pas nous contenter de soins palliatifs et d’un accompagnement au mourant, dont le seul but serait de soulager nos souffrances sans aucun espoir de guérison. Nous devons être curatives, c’est-à-dire offensives et ambitieuses quant à l’issue de nos luttes. Et c’est aussi la fonction d’un syndicat que d’être capable de proposer une alternative, ou, du moins, un débat et une ouverture sur un autre modèle de société. Nous devons aussi être des instruments de contestation sociale.

Et dans cet esprit, nous devons, pour certaines d’entre nous, renouer, et pour beaucoup d’autres découvrir, des formes d’action plus directes. La concertation, la recherche du consensus et du moindre mal, la collaboration aux instances de gestion et donc de promotion de ce système, ont depuis des décennies fait la preuve de leur inefficacité, quand elles n’ont pas fait le lit des décisions les plus dramatiques. Je crois sincèrement que l’heure est venue de rompre avec la prédominance de ces pratiques pour remettre au goût du jour des actions plus démonstratives et plus tranchantes mais aussi plus festives et plus stimulantes, qui inciteront peut-être certaines à rejoindre des syndicats qu’elles pouvaient considérer jusqu’ici comme poussiéreux et endormis, ou par trop collaborant.

Sur les lieux de travail, nos interventions auraient tout à gagner à être un peu plus audacieuses. De toute façon, pour beaucoup de salariées, on ne voit pas comment les choses pourraient être pire : baisse des salaires, augmentation des cadences et de la charge de travail, harcèlement et manque de respect, diminution des prestations sociales, licenciements abusifs : les actions « coup de poing » des patrons ne manquent pas, elles, de produire, jour après jour, leurs effets dévastateurs. A nous de promouvoir nos propres actions « coup de poing » : ne permettraient-elles aux salariées que de retrouver leur dignité, qu’elles auraient déjà atteint un but !

Dans cette perspective, j’estime que l’engagement des syndicats dans les mouvements sociaux est nécessaire : pour y puiser l’énergie nécessaire à nos luttes quotidiennes qui ne sont pas toujours gratifiantes ; pour sortir de nos pratiques souvent routinières ou trop consensuelles ; pour rencontrer et confronter nos idées avec d’autres militantes ; pour élargir notre front d’action et de contestation ; pour lier les intérêts de chacune d’entre nous, qu’elle se situe comme salariée, usagère ou citoyenne ; enfin, pour être au cœur des débats et des mouvements qui animent la société d’aujourd’hui.

Je suis en effet convaincue que, seule la collaboration active de toutes les actrices de la société civile, dont nous sommes, peut être à même de créer les conditions d’un changement social et sociétal indispensable.

C’est pourquoi, en ce premier mai 2003, je me permets de militer pour un syndicalisme d’actions et d’idées, de rencontres et d’échanges, de mouvement, d’audace et d’agitation. En résumé, pour un syndicalisme coloré et vivant, debout devant les profiteurs et les fauteurs de guerre militaire, économique et sociale.

A. Bailat



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