9 novembre 1932 - plus jamais ça

à la mémoire du 9 novembre 1932, pour la démocratie et la liberté

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discours de Sandrine Salerno - 2006

jeudi 9 novembre 2006 par Claude REYMOND

Souvenons-nous, il y a 74 ans, le 9 novembre 1932, la population genevoise vit des heures difficiles. Genève compte 8’000 chômeurs et chômeuses. Les conditions de travail se détériorent. On assiste à une paupérisation de la population. Les services d’assistance publique sont saturés. La gauche organise une manifestation. 5’000 personnes répondent à cet appel. L’armée appelée en renfort tire sur les civils. Bilan : 13 morts et plus de 600 blessés. Sur cette Pierre commémorative, une inscription « plus jamais ça » !
Plus jamais d’intervention de l’armée face à des civils, certes ! Mais pas uniquement.

Ce soir, il s’agit pour nous de commémorer un événement vieux de 74 ans mais également de rappeler fortement que nous ne voulons pas que la réalité d’aujourd’hui se rapproche de celle d’hier, de la Genève de 32, marquée par une forte paupérisation de la population mais aussi par un climat de défiance vis-à-vis des étrangers et des représentants et représentantes de gauche.
La commémoration de ce soir, c’est bien entendu celle d’un moment dramatique mais également des conditions qui l’ont favorisé. Or, aujourd’hui, à Genève, comme ailleurs, le démantèlement social orchestré par la droite depuis plus de 15 ans déploie ses effets. Néfastes.

Depuis les années 90, la taille de l’Etat, ses missions, ses prestations, ses prestataires sont régulièrement remis en question. A-t-on les moyens d’un Etat redistributeur ? Celles et ceux qui profitent des prestations de l’Etat, n’en abusent-ils pas ?

De timide, ce discours s’est fait chaque jour plus puissant. Aujourd’hui, beaucoup pensent en termes de fatalité et adhérent aux arguments d’une droite organisée qui a réussi, en Suisse comme ailleurs, à imposer son modèle de société comme le seul et l’unique. Une droite qui parvient jour après jour à réduire les prestations de l’Etat et à jeter l’opprobre sur celles et ceux qui en bénéficient.

Le rassemblement de ce soir s’oppose à ce courant.

NON, il n’y a pas de fatalité en politique. Tout est affaire de choix. Le démantèlement social voulu par la droite n’est pas inéluctable.
NON, ce n’est pas normal que dans un des pays les plus riches au monde, les pauvres soient toujours plus pauvres et plus nombreux. Que l’on retire des droits aux plus vulnérables et parmi eux aux étrangers ; aux personnes à l’AI, en définitive à nous toutes et tous.
NON, nous ne sommes pas dupes. Les discours des bien-pensants de droite qui nous répètent, sur un ton placide, que l’on ne peut pas faire autrement et qu’il faut se serrer la ceinture en l’attente de jours meilleurs, nous n’y croyons pas.
A ce sujet, c’est intéressant de s’arrêter un instant sur l’annonce, début novembre, du ministre des finances Hans-Rudolf Merz qui, la mine réjouie, nous apprenait que le compte financier de la Confédération pour 2006 se solderait non pas par un déficit, comme le prévoyait le budget, mais par un excédent ordinaire de plus de 2,2 milliards. Cette excellente nouvelle était toutefois rapidement tempérée par la crainte du Ministre quant à « une détérioration notable des perspectives budgétaires ». En somme, une fausse bonne nouvelle.

Car, il faut se rendre à l’évidence, en matière budgétaire, le discours est souvent le même, toujours empreint d’inquiétudes et de réserves.
Au niveau de la Confédération, chaque fois que l’occasion est fournie, on nous rappelle que les finances fédérales sont dans un triste état, que la dette ascende à 130 milliards et qu’il faut contenir le budget. C’est d’ailleurs pour faire face à une situation jugée alarmante que des mesures drastiques ont été proposées.

Car pour le Ministre et la majorité parlementaire de droite, la situation est simple. L’Etat social coûte trop cher et les moyens financiers ne sont pas illimités. Il faut donc faire des choix, y compris si ces derniers s’apparentent à des sacrifices. On ne peut faire à moins. Il faut donc limiter les prestations y compris dans les domaines de la santé et du social, y compris pour les plus vulnérables et ce notamment par égard pour les générations futures.
Ces dernières années afin de réduire le fardeau de la dette et maîtriser le budget, la majorité bourgeoise du parlement fédéral a voté différentes mesures. Parmi celles-ci on trouve, deux programmes d’allégement budgétaire, 2003 (près de 3,3 milliards d’économie) et 2004 (près de 1,5 milliards d’économie), ainsi qu’un programme de réduction des tâches (près de 200 millions d’économie). Parallèlement, des propositions fiscales ont vu le jour. Elles sont actuellement à l’étude.

Attardons-nous sur deux d’entre-elles. La réforme sur les entreprises, tout d’abord. Si elle est adoptée, cette proposition privera la Confédération mais principalement les cantons et les communes de près d’un milliard de francs. Mais aussi, la proposition d’imposition des participations des collaborateurs. Mesure qui propose des abattements fiscaux importants sur les actions et les options. Messieurs Vasella (3 millions de salaire annuel et 18 à 27 millions en actions et options) et Brabeck (3,3 millions de salaire et 10,6 millions en actions et options) apprécieront certainement.

On le voit, dans cette courte démonstration, si d’un côté, on est prêt à tous les sacrifices afin de réduire les dépenses ; de l’autre, on est prompt à faire des cadeaux fiscaux à ceux qui n’en n’ont pas besoin.

Car ne nous y trompons pas, le discours de l’austérité budgétaire, la remise en question des prestations, la culpabilisation des ayants-droit servent avant tout des visées politiques. Les sacrifices ne sont pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire, portés collectivement et les mesures d’austérité, que l’on nous décrit comme incontournables, sont les expédients d’une liquidation étatique programmée. Une longue asphyxie de l’Etat fédéral, mais également cantonal et communal. La logique est implacable, moins de transferts financiers de la part de la Confédération vers les cantons et les communes et plus de charges. A ce jeu, l’écrasante majorité des habitants et des habitantes de ce pays sont les grands perdants. Les chiffres de la pauvreté, récemment annoncés, 1 millions de pauvres en Suisse, tendent d’ailleurs à le montrer.
Au niveau genevois, la situation mérite également que l’on y prête grande attention.

Plusieurs événements nous montrent que la volonté du Grand Conseil, majoritairement à droite, est bien de limiter les prestations sociales, soit en les supprimant tout ou en partie, soit en réduisant les subventions aux associations qui fournissent des prestations à la population.

Voici le mépris, clair, affiché, de la majorité parlementaire genevoise qui veut restreindre au maximum les compétences et les prestations accordées par l’Etat. Qui avance la désuétude de l’Etat social et qui, en somme, se verrait bien revenir au temps, pas si lointain, de la charité bourgeoise.

Cette manière de voir, je la refuse. Je lui oppose un Etat social fort, renforcé par de nouvelles sources de financement. Pour n’en citer que deux : les flux financiers et les taxes liées à la pollution.

Pour conclure, mon intervention je voudrais également souligner que le démantèlement social qui a lieu tant aux niveaux fédéral que cantonal se répercute immanquablement là où les gens vivent, à savoir les communes et principalement les Villes.

Ces dernières années, Genève a redécouvert ses pauvres et ses exclus. Au moins 6000 personnes (dont la moitié en ville) ont recours à l’assistance publique pour couvrir leurs besoins essentiels. Beaucoup de personnes qui auraient besoin d’une aide sociale n’y ont pas droit ; d’autres, qui y auraient droit, ne le savent pas, ou ne l’obtiennent pas. De plus en plus nombreuses sont les personnes qui, ne correspondent pas aux normes traditionnelles de l’insertion et de l’activité sociale et qui se voient privées d’accès aux droits théoriquement garantis à tous.

Cette situation est honteuse. Elle doit nous inciter à poursuivre, là, où nous militons, notre combat pour une société juste et solidaire. Une société qui garantisse un bien vivre à toutes et tous. Une société ouverte et respectueuse des hommes et des femmes qui la composent. Une société d’innovation mais également de protection des plus faibles et des plus vulnérables.

Arrivée au terme de ce discours, j’ai une pensée émue et reconnaissante pour toutes celles et ceux qui avant nous, ici ou ailleurs, se sont battus pour la défense d’une humanité éclairée reposant sur le principe d’une équitable répartition des ressources. Ce combat est celui des forces progressistes de gauche. C’est également depuis toujours celui des socialistes.

Aujourd’hui comme hier, en luttant contre le démantèlement social, nous montrons concrètement notre attachement aux valeurs humanistes et de solidarité. Valeurs qui sont constitutives de nos mouvements et que nous allons continuer à défendre avec force et conviction face aux attaques de la droite et de l’extrême droite.

Sandrine Salerno, Présidente des Socialistes de la Ville de Genève

MP3 - 3.8 Mo
discours de Sandrine Salerno