9 novembre 1932 - plus jamais ça

à la mémoire du 9 novembre 1932, pour la démocratie et la liberté

p.a. CGAS - Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

Discours du président du comité d’organisation

lundi 9 novembre 2009 par Claude REYMOND

9 novembre 2009

Mes camarades,

13 morts, plus jamais ça !

Une fois n’est pas coutume, nous ferons aujourd’hui un petit détour dans la commémoration – comme nous y incitait dans le Courrier notre camarade Charles Heimberg. Nous allons remonter il y a 100 ans, à 500 mètres. Il y a 100 ans, l’Usine à gaz de la Jonction explosait, faisant, quelle coïncidence, également 13 morts et de nombreux blessés. Leurs noms sont tombés dans l’oubli, ce n’était peut-être pas tous des militants, mais nous rendons aujourd’hui aussi hommage à ces victimes du travail.

Nous sommes réunis ici pour commémorer ce qui s’est passé à cet endroit le 9 novembre 1932, sur un fonds de crise économique, l’intervention de l’armée contre des ouvriers, contre des militants qui combattaient le fascisme, cette doctrine de xénophobie et d’exclusion, ce système qui voulait mettre à genoux le mouvement ouvrier.

Ce qu’on oublie souvent, c’est que la mise en accusation de Léon Nicole et Jacques Dicker n’était pas seulement un soi disant procès contre des dirigeants de gauche, mais aussi une attaque xénophobe et raciste.
Jacques Dicker était juif, et le fasciste et futur collaborationniste avec le nazisme, Géo Oltramare, disait de lui :

"C’est une honte qu’un juif russe, tout juste bon à servir de conseiller national à des chimpanzés et à des ouistitis, représente Genève à Berne"
Mais l’attaque allait ailleurs encore. Dans le Pilori, journal fasciste, on lit :
"Notre ville connaît l’odieux régime de l’occupation étrangère. Un juif russe et un Vaudois bolchevisant commandent une armée de Confédérés que le marxisme a dénationalisés. Les vrais Genevois ne constituent qu’une minorité qu’on brime et qu’on bafoue."

"D’’où viennent les chefs du parti ? Léon Nicole, de Montcherand (Vaud), Albert Naine, de Lausanne (Vaud), Charles Rosselet, de Neuchâtel, J.B. Pons, d’Annemasse (Savoie), Jacques Moïsovitch Dicker , de Chotim (Podolie). Ce sont donc deux Vaudois, un Neuchâtelois, un Savoyard et un Juif Russe qui veulent faire la loi à Genève !"

Il n’y a pas le mot "racaille", mais on l’entend. Et la racaille, c’est tout ce qui n’est pas genevois, c’est même les frontaliers vaudois ou neuchâtelois !
Ah oui, vous avez de bien beaux ancêtres idéologiques, vous qui dites aujourd’hui qu’il y a trop d’étrangers, trop de frontaliers à Genève, et qu’il faut établir des préférences de type nationaliste !

Devant le désarroi né des difficultés économiques, du chômage, de l’exclusion, la responsabilité du mouvement ouvrier est de montrer que le salarié ou la salariée n’a pas de possibilité de solution individuelle face aux atteintes à ses conditions de vie, de travail et de revenu. Au contraire, le repli sur soi engendre des divisions dont profite le patronat ; le repli sur soi mène tout droit à l’intolérance, à la xénophobie et au racisme.

L’extrémisme de droite naît sur les peurs, sur le désarroi et la détresse de la population.

La première priorité syndicale consiste à ne pas abandonner à la droite populiste les chômeurs‑euses, les exclus, les marginalisés, les victimes de la crise. C’est au mouvement syndical de réfléchir sur ces situations et de définir une ligne de résistance qui assure une prise en charge réelle de ces catégories de travailleurs‑euses.

Nous avons aujourd’hui à nous battre avec résolution pour le réapprentissage de la solidarité, contre toutes les formes d’exclusion, pour le droit à la différence, le droit des minorités, les droits humains et les droits syndicaux en Suisse et dans le monde, pour la suppression de toute discrimination, et en premier lieu la discrimination entre femmes et hommes et celle entre suisses et étrangers.

Si la situation d’aujourd’hui n’est pas celle de 1932, c’est que nous avons connu une profonde mutation de la société et du système économique. Mais, contrairement à ce que veulent nous faire croire les tenants du libéralisme, ce n’est pas grâce aux mérites du système économique ni grâce à la générosité des patrons que les conditions de travail et de vie sont meilleures aujourd’hui, malgré les difficultés que connaissent un nombre croissant de personnes. Si les heures de travail ont diminué, si les salaires ont augmenté, si une certaine protection sociale a été mise sur pied, ce n’est le fait ni du patronat, ni de l’État.

C’est le résultat des luttes du mouvement ouvrier. C’est le mouvement ouvrier qui a créé les caisses maladie, les caisses de chômage, qui a forcé la création de l’AVS. C’est cela, mes camarades, le sens de l’hommage que nous rendons aujourd’hui aux anciens, c’est en cela qu’ils nous ont préparé la voie.

La lutte syndicale ne peut pas se permettre des divisions, de voir les travailleuses et les travailleurs se dresser les uns contre les autres sous prétexte de différence d’origine ou de couleur d’yeux ou de peau. Toute division entre nous fait la force de ceux que nous combattons.
Nous ne pouvons pas accepter les discours populistes, ces discours qui prétendent qu’il faut se protéger les uns contre les autres. Il n’y a qu’une seule condition à notre lutte, une seule solution pour réussir, c’est la solidarité et l’unité sans faille, sans hésitation, sans restriction de pensée.
Non, il n’y a pas trop d’étrangers à Genève, parce que nous sommes tous des enfants ou des petits-enfants d’étrangers.

Non, il n’y a pas trop de réfugiés, ni de sans papiers.

Non, il n’y a pas trop de frontaliers.

Car nous sommes toutes et tous concitoyennes et concitoyens dans le mouvement ouvrier.

Georges Tissot, Président du comité d’organisation