9 novembre 1932 - plus jamais ça

à la mémoire du 9 novembre 1932, pour la démocratie et la liberté

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Fusillade du 9 novembre : un devoir de mémoire

lundi 11 novembre 2013

GENÈVE • Samedi, une centaine de personnes se sont mobilisées à Plainpalais autour de la pierre afin de rendre hommage aux victimes des tirs de l’armée – treize morts et soixante blessés –, le 9 novembre 1932.

Publié dans Le Courrier du lundi 11 novembre 2013

SYLVIA REVELLO

Samedi 17h30, sur la plaine de Plainpalais, à Genève. L’après- midi s’achève dans un va-et-vient continu. Syndicats, partis de gauche et citoyens sont réunis autour de la pierre emblématique, située à la pointe sud de la plaine, pour la traditionnelle commémoration du 9 novembre 1932. Un hommage aux treize morts et à la soixantaine de blessés, victimes des tirs de l’armée, alors qu’ils manifestaient, à l’initiative du Parti communiste, contre une réunion du parti fasciste, l’Union nationale. Chargée par le gouvernement d’encadrer la manifestation pacifique, l’armée constituée de jeunes recrues inexpérimentées avait fait feu sur la foule.

Une période de tensions sociales
Année après année, la commémoration de l’événement se renouvelle et continue de faire sens aux yeux du public rassemblé autour des stands montés pour l’occasion. Entre un verre de vin chaud et quelques cuillérées de soupe, les discussions vont bon train. Carole Anne-Kast, conseillère administrative socialiste à Onex, insiste sur l’importance du travail de mémoire. « Il faut rappeler les événements pour éviter qu’ils ne se répètent. Même s’ils paraissent improbables aujourd’hui. » Un sentiment partagé par Pancho Gonzales, membre et trésorier du Parti socialiste genevois, pour qui ce rassemblement est plus que jamais ancré dans l’actualité. « Genève connaît une montée en puissance de partis populistes porteurs d’un message de haine et d’exclusion qui jouent sur la stigmatisation de populations, érigées en boucs émissaires. »

Pour certains, le contexte de crises politiques et sociales de 1932, n’est pas si éloigné d’aujourd’hui. « Sans faire de comparaisons hâtives, il est vrai que Genève traverse une période de tensions sociales exacerbées.

La grande différence avec l’avant-guerre, c’est la perte de vitesse de la gauche », déplore Mme Emery-Torracinta, future conseillère d’Etat socialiste. « L’accroissement des inégalités peut favoriser les débordements mal gérés », renchérit son colistier Thierry Apotheloz, candidat malheureux au gouvernement. A ses yeux, la perte de confiance en l’Etat et ses institutions, décrédibilisées par la droite, aggrave la situation.

Egalement présent, le futur conseiller d’Etat vert Antonio Hodgers. Il refuse l’amalgame, mais constate une détérioration du climat social. « Actuellement, pas moins de quatre entités professionnelles sont en grève. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg. Les travailleurs silencieux, ceux qui n’ont pas les moyens financiers d’entamer une grève, sont encore plus nombreux. »

A 18h30 précises, Joël Mugny, vice-président de la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), entame l’hommage aux victimes tombées sous le feu de l’armée nationale. Lentement, il égrène leurs noms, à la lueur de treize lanternes symboliques. La foule rassemblée écoute, solennelle. Mécanicien, boulanger ou encore employé de commerce : ils étaient membres du Parti communiste ou passaient par là par hasard. Brutal et inconsidéré, l’usage de la violence armée contre ses propres citoyens semble à présent surréaliste. « Et pourtant, la proximité historique est là pour rappeler que tout peut arriver », déclare Mme Emery-Torracinta.

Accroître la vigilance

Multiples, les interventions qui suivent se rejoignent sur la nécessité de perpétuer la mémoire, mais également d’accroître la vigilance. « Aujourd’hui plus que jamais, il faut résister à l’appel du tout sécuritaire », insiste Amanda Gavilanes secrétaire romande du Groupe pour une Suisse sans armée (GSSA). « L’histoire peut se répéter, mais de manière différente, déguisée. » Pour M. Mugny, les signes d’un renforcement de l’extrême droite en Suisse et ailleurs en Europe ne manquent pas. Face à ce constat, Xavier Magnin, membre et trésorier du Parti du travail (PdT), accuse l’Etat qui « ne fait rien » ou, pire, « laisse faire », mais pas seulement. « Le manque de participation des citoyens et en particulier des jeunes est préoccupant. Beaucoup semblent avoir baissé les bras. »

Et Claude Reymond, secrétaire administratif à la CGAS et membre du comité d’organisation de conclure : « Face à l’histoire qui parfois bégaye, le rassemblement d’aujourd’hui prouve que quatre-vingt-un ans après le drame, le souvenir perdure. » I