9 novembre 1932 - plus jamais ça

à la mémoire du 9 novembre 1932, pour la démocratie et la liberté

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dans le Courrier du 10-11

9 novembre 1932 : raison de la comparaison

samedi 10 novembre 2012

SAMEDI 10 NOVEMBRE 2012

Philippe Bach

Il y a très exactement quatre-vingts ans, à Genève, l’armée suisse tirait sur une foule de manifestants qui protestaient contre la tenue d’un meeting d’extrême droite à la salle communale de Plainpalais, faisant 13 morts et une centaine de blessés. Hier, cette date pleine a donné lieu à une commémoration plus importante que la traditionnelle cérémonie du souvenir qui se tient chaque année à la pierre installée sur la plaine de Plainpalais.

Mais, au-delà du rappel salutaire des dates qui rythment l’histoire du mouvement ouvrier, la cérémonie de cette année s’inscrit de surcroît dans un contexte particulier. Le système capitaliste est entré en crise systémique depuis quatre ans. Dans plusieurs pays proches comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal, voire la Grande-Bretagne, le climat social s’est tendu dans des proportions nouvelles.
La tentation de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur est donc grande. Si les périodes sont évidemment fort différentes, certaines constantes demeurent. Les crises ont un rôle central dans le système capitaliste : elles permettent de concentrer l’outil de production et de déclencher ensuite des cycles de croissance nouveaux.

Celle des années 1939 a vu un déplacement du centre organique du système du Vieux-Continent vers les Etats-Unis. Cela s’était fait dans un effondrement totalitaire qui a mis le monde à feu et à sang. Certains tablent sur une nouvelle recomposition de ce type, qui verrait le nouveau monde perdre de son emprise, peut-être au profit de la Chine, promue nouveau centre impérial. Il est bien sûr légitime de craindre que cela ne se fasse pas dans un cadre politique pacifié.

Dans ce contexte d’incertitudes, il est toujours à redouter la réaction d’un fauve blessé. Les dominants veillent sur leurs taux de profits. La logique systémique profonde voudra préserver les privilèges de quelques-uns plutôt que de penser au bien-être de tous. La Suisse est elle aussi ébranlée dans ses certitudes, y compris le sacro-saint secret bancaire qui part en lambeaux sous nos yeux.

Entendre alors le ministre de la Défense suisse, l’udéciste Ueli Maurer, se prononcer comme il l’a fait pour le recours à l’armée pour des tâches de maintien de la sécurité intérieure1 a de quoi inquiéter. Tout comme la mise sur pied d’un exercice militaire comme le récent « Stabilo due » fondé sur l’hypothèse d’un effondrement de l’euro et l’arrivée de hordes de gueux aux frontières helvétiques.

L’armée ne va pas de nouveau donner de la mitraille comme en 1932. Mais ce genre d’aveux est lourd de dérives autoritaires potentielles de nos sociétés. La Grèce est ruinée et elle jette sa population dans la pauvreté. En revanche, les dépenses d’armement sont, elles, restées constantes, comme le rappelle le chercheur allemand Tobias Pflüger dans un article paru dans la WOZ2.

C’est bien à la construction d’une Europe forteresse que nous assistons. De la défense d’intérêts économiques où la canonnière est simplement remplacée par un drone. Et où la mission civilisatrice de l’homme blanc cède le pas à l’ingérence dite humanitaire.

1. Work du 18 octobre.

2. WochenZeitung du 25 octobre.