Observatoire de l’Aide Sociale et de l’Insertion

p.a. CGAS, rue des Terreaux-du-Temple 6, 1201 Genève

observatoire.oasi@gmail.com

compte postal 14-499363-8

Témoignages sur la diminution de l’aide sociale

lundi 1er septembre 2014

Les témoignages anonymes ci-dessous illustrent ce que cela signifie de vivre avec l’aide sociale et comment cette baisse du CASI est perçue par une famille, un jeune et des personnes qui effectuent une ADR (activité de réinsertion non-rémunérée).

-* Une famille

« Au départ chômeur au RMCAS, ma santé s’est ensuite détériorée au point qu’une demande de rente AI est en cours et que je suis passé à l’aide sociale en 2012. Mon épouse qui vient de l’étranger fait tout pour s’insérer dans la vie active et elle suit activement des cours de français. J’étais vraiment heureux de fonder une famille et j’ai pensé pouvoir obtenir l’AI rapidement mais c’est très long et en attendant nous devons dépendre de l’aide sociale. Comme les allocations familiales sont déduites de l’aide sociale, dans les faits, nous ne les touchons pas, contrairement aux salariés qui ne dépendent pas de l’Hospice général. Avec ma femme, nous touchions donc chacun le CASI, soit 600 francs, ce qui permettait d’acheter plus aisément les couches et d’autres nécessités dont ont besoin les enfants en bas âge et c’était donc, à nos yeux, l’équivalent des allocations familiales. En diminuant le CASI de 150 francs, cela fait baisser nos revenus de 300 francs, ce qui va avoir de grosses conséquences sur notre budget qui est déjà très restreint. Cela nous choque, car on se demande, ma femme et moi, ce que nous pouvons faire de plus comme efforts et ce que nous avons fait pour mériter une telle baisse. On a vraiment l’impression avec cette baisse du CASI que nos efforts ne sont pas reconnus et qu’on se fiche complètement de savoir si on a assez pour vivre ou non. »

-* Un jeune :

« J’ai 24 ans et je suis à l’aide sociale depuis trois ans. Après avoir fait une formation de magasinier, j’ai eu des problèmes de santé qui m’ont obligé à tout arrêter pour subir une grosse opération qui a demandé une préparation tant physique que psychologique sur deux ans. J’ai donc été suivi par l’Hospice général au barème jeune, soit un entretien de base à 491 francs par mois. Autant dire que les 300 francs du CASI étaient les bienvenus ! Car comment se nourrir, s’habiller, payer son téléphone et électricité etc…avec une telle somme ? Depuis mon opération qui a eu lieu l’année passée, je suis en rémission et je commence à être prêt à retrouver un emploi mais mon assistante sociale m’a avoué dernièrement qu’elle ne savait pas comment m’aider. Elle dit qu’elle n’est pas vraiment formée pour ça et qu’on leur en demande toujours plus. Elle est pourtant très contente de tous les efforts que je fais pour m’en sortir, mais je ne me sens pas vraiment soutenu pour trouver un emploi. Avec 150 francs de moins par mois, j’ai vraiment l’impression qu’on porte atteinte à ma dignité. Je trouvais déjà cela injuste avant, que les jeunes reçoivent moins que ceux qui ont plus de 25 ans, car on ne dépend plus de nos parents, on est aussi des adultes. »

-* Quatre personnes qui effectuent une « activité de réinsertion » (ADR)

Il s’agit d’une activité non-rémunérée dans le service public ou le secteur non-lucratif. En 2013, plus de 1’100 personnes à l’aide sociale ont travaillé en ADR.

« Je suis aide-soignant diplômé, j’ai 51 ans et j’ai épuisé mes indemnités de chômage depuis deux ans. J’effectue une ADR depuis 10 mois dans un EMS. J’y travaille comme aide-soignant 20 heures par semaine. J’effectue tout le travail d’aide en soins et d’accompagnement des résidents ; j’en ai la responsabilité, je ne suis pas là en surnuméraire. A ma connaissance, nous sommes en tout cas 4 personnes en ADR à travailler dans la même unité de l’EMS. J’ai compris qu’il n’y aura pas de possibilité d’engagement fixe dans cet EMS, car il y a un flux continu de personnes comme moi qui y travaillent de manière gratuite. »

« Je suis assistante administrative diplômée, j’ai 46 ans et je suis à l’Hospice général depuis début 2012. J’effectue une ADR dans un office cantonal. J’y travaille depuis 18 mois à mi-temps, tous les matins.
Je suis chargée de la gestion des dossiers : dossiers physiques et électroniques, de l’ouverture, du suivi et de l’épuration des dossiers. Je dois aussi répondre aux demandes internes et à celles qui viennent d’autres services de l’Etat concernant les dossiers. Chaque matin, je traite entre 40 et 50 dossiers. Nous sommes au moins 5 personnes à travailler en ADR dans ce service. Lorsque j’ai postulé pour un poste vacant dans ce service, on m’a fait comprendre que je me trouve dans le soupirail et que ce n’était pas la bonne porte d’entrée pour être engagée ici. »

« Je suis employée de commerce, j’ai 50 ans et je suis en fin de droit d’indemnités de chômage depuis début 2012. J’ai travaillé en ADR durant 12 mois dans un service cantonal. Je travaillais dans le secteur du recouvrement des créances du service, je devais établir une analyse comptable des créances exigibles par le service, effectuer la constitution du dossier et le suivi des contentieux. A ma connaissance nous étions 6 personnes en ADR dans l’ensemble du service. J’ai tout de même remarqué que le côté « sale boulot » du recouvrement était réservé aux personnes en ADR, le personnel fixe effectuait la partie « noble » du travail administratif. »

« Je suis titulaire d’un diplôme universitaire et d’un brevet fédéral, j’ai 54 ans et je suis en fin de droit d’indemnités de chômage depuis un peu plus de 2 ans. J’ai travaillé en ADR comme enseignant dans une structure parapublique, je donnais 12 périodes de cours par semaine. Ceci constituait mon « CASI » et me permettait d’avoir 1’277 francs à la fin du mois. Si on considère ce montant comme contrepartie de mon travail, ça fait un revenu bien en dessous des tarifs même les plus minimaux de l’Association genevoise des écoles privées. »