Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Gazette du NON à la loi cantonale sur le chômage

vendredi 16 novembre 2007 par Claude REYMOND
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La loi genevoise sur le chômage actuellement en vigueur, voulue et inspirée largement il y a déjà vingt-quatre ans par les syndicats, est une loi intéressante dont il s’agit de défendre le contenu : un traitement du chômage qui permet aux chômeurs, à travers des emplois temporaires et les mesures cantonales qui les encadrent, de rester dans la sphère du travail au lieu perdre un revenu et de risquer d’être rejeté vers l’assistance publique. Ce traitement permet aussi aux chômeurs en fin de droit aux indemnités fédérales, de les retrouver une seconde fois grâce à des emplois temporaires de douze mois financés par l’Etat cantonal (ETC).

la loi en vigueur à Genève = une loi pilote pour la Suisse

Par contre, depuis son entrée en vigueur, l’application de cette loi - la comparaison avec les autres lois cantonales ne laisse aucun doute - peut être fortement critiquée. En effet, nous ne prétendons pas que les emplois temporaires cantonaux sont la panacée : ils sont trop souvent simplement occupationnels pour redonner un nouveau droit aux indemnités fédérales. Ils n’ont malheureusement pas un caractère formatif obligatoire et l’Office cantonal de l’emploi n’assure que le service administratif minimal pour le suivi des personnes en emploi temporaire. Certaines n’ont aucun entretien pendant un an avec leur conseiller pour faire le point sur leurs recherches d’emploi pendant cette période ! Et pourtant, avec tous ses défauts, cette mesure permet quand même 35% de retours en emploi fixe pendant ou à l’issue de l’emploi temporaire.

Malgré ces critiques, la loi actuelle a déjà résisté récemment, en avril 2005 lors d’un vote populaire, à une tentative de démantèlement proche de celle qui la menace aujourd’hui. Elle reste une manière socialement correcte de traiter du chômage. Elle est sans doute l’un des nombreux facteurs qui font que Genève est le canton qui a le plus fort taux de chômage de Suisse, mais aussi, et ceci explique cela, un des facteurs qui fait qu’il est un des cantons ayant le plus faible taux d’assistés sociaux de ce pays.

Les partisans de la nouvelle loi s’abritent derrière le taux de chômage enregistré à Genève, plus haut que partout ailleurs en Suisse, pour justifier une réduction des droits des chômeurs. Or, si le calcul de ce taux est sujet à caution – il ne prend pas en compte l’ensemble des sans-emploi ou du sous-emploi, ni l’ensemble de la population active – les statistiques officielles font tout de même apparaître une réalité crue, incontournable. En 2007, environ 2300 chômeurs – ce chiffre monte à 3000 durant les périodes de crise – arrivent en fin de droit chaque mois dans l’ensemble du pays et quittent l’assurance chômage pour recevoir, au mieux, une aide cantonale. Ainsi, chaque mois dans notre canton, quelque 300 chômeurs épuisent leurs droits fédéraux et peuvent aujourd’hui bénéficier d’un emploi temporaire. C’est cette aide concrète que la droite et le Conseil d’Etat veulent rogner en changeant la loi.

Le nombre élevé de demandeurs d’emplois à Genève, et en particulier de ceux qui le restent en raison d’une inadéquation entre leur formation et la demande sur le marché de l’emploi, est aussi dû en partie aussi à la situation territoriale du canton. Genève est enclavée dans la France et il en découle une grande disponibilité en main-d’œuvre, dont les entreprises font usage.
Les demandeurs d’emplois genevois sont donc aux prises avec une situation de concurrence sur le marché de l’emploi plus forte que dans la plupart des autres cantons suisses. A ce titre, les ETC doivent être considérés comme une mesure d’accompagnement cantonale à la libre circulation des personnes, indispensable, justifiée et à maintenir. Plutôt que de consentir aux efforts de formation professionnelle nécessaires, à destination des chômeurs, les entreprises recourent à de la main d’œuvre déjà formée en France.

NON à la stigmatisation du chômeur

« Genève le mauvais élève de la Suisse en matière de chômage » argumente-t-on dans les rangs de la droite voire d’une gauche réclamant un alignement fédéral ! Une affirmation toute relative si l’on considère ce qui précède !
Les thuriféraires et les flatteurs de la nouvelle loi insistent lourdement, en cas de refus de celle-ci le dimanche 16 décembre, sur une intervention de la Confédération déclarant la loi actuelle anticonstitutionnelle ; mais cette insistance n’est qu’une menace, car rien n’indique dans la loi fédérale sur l’assurance chômage et insolvabilité (LACI), actuellement en vigueur, qu’il soit possible aux autorités fédérales de la mettre à exécution.
Parallèlement, et là encore, ceci explique cela, les tenants de la nouvelle loi insistent tout aussi lourdement sur le fait que la nouvelle loi promeut l’économie sociale et solidaire (ESS), le troisième secteur. Une économie qui selon eux pourrait remplacer les emplois temporaires cantonaux menacés par l’intervention de la Berne fédérale.

l’économie sociale et solidaire n’est pas la Croix-Rouge du capital financier

Mais ils feignent d’ignorer que le volet de l’économie sociale et solidaire est le plus faible et le plus fragile de la nouvelle loi. Aucun droit à en bénéficier. Rien sur le nombre d’emplois prévus. Il faudrait selon la situation actuelle créer quasi immédiatement dans ce troisième secteur 1400 emplois avec des contrats à durée indéterminée (CDI) et en garantir chaque année la création de nouveaux afin de répondre régulièrement à la demande. Aujourd’hui un tiers des ayants droit qui arrivent à la fin de l’indemnisation fédérale utilise les ETC. Rien non plus sur la pérennité des subventions de l’Etat aux futures entreprises de l’économie sociale et solidaire. Peu de précisions sur les conditions de travail dans ce secteur : genres d’activités, horaires, rémunérations, … conventions collectives, etc. si ce n’est un renvoi au Conseil de surveillance du marché de l’emploi (CSME). Rien sur l’essentiel, mais une mobilisation suspecte en faveur de la loi d’un certain nombre d’associations existantes, ou en voie de formation, afin de participer à la répartition d’une présumée manne cantonale.

Plus fondamentalement, le gouvernement cantonal demande aux entreprises de l’économie sociale et solidaire de faire un effort pour résoudre la question du chômage de longue durée, alors qu’il ne demande rien de semblable aux entreprises du secteur privé, lesquelles sont pourtant dominantes sur le marché de l’emploi.

Demande assortie de deux conditions : que les activités de l’ESS ne fassent pas concurrence à celles du secteur privé, et que les salaires servis se placent dans une fourchette située entre l’aide sociale et les salaires minimaux conventionnés. Est-ce comme cela que le Dépar­tement de la solidarité et de l’emploi (DSE) espère donner envie aux chômeurs de devenir salariés de l’économie sociale et solidaire, ou inciter les travailleurs de ce secteur de normaliser leurs situations ?

Comment ne pas voir dans ces contraintes - et la fixation d’un plancher aussi bas - un risque patent de sous enchère salariale et sociale ? ou une tentative de détournement des emplois dans l’ESS pour l’exercer ?

Par là, le gouvernement cantonal reconnaît certes l’existence de l’ESS, mais seulement comme un secteur économique subsidiaire voué à panser les excès du capital financier et non comme un secteur à part entière de l’économie du pays, promouvant des activités selon une logique non marchande. En fait, dans ce projet de loi, le gouvernement instrumentalise le troisième secteur pour résoudre le problème du chômage de longue durée duquel il ne sait comment sortir.

Mais la mesure phare, celle que met en avant la nouvelle loi ce ne sont ni les emplois de l’économie sociale et solidaire, ni les allocations de retour en emploi, ce sont les emplois formations d’une durée de six mois à l’exemple des programmes d’emplois temporaires fédéraux (PETF). Ce sont eux qui vont remplacer les emplois temporaires cantonaux : ni emplois, ni formations, ni chèvre - ni chou ; trop courts pour produire, trop courts pour apprendre.

NON à des emplois-formation de 6 mois = ni emploi ni formation

Pour plusieurs catégories de chômeurs, l’expérience montre que ce dispositif est inopérant notamment pour ceux qui, entre autres pour des raisons de santé, ne peuvent plus exercer leurs métiers, pour les chômeurs dont le métier a disparu ou est en voie de disparition et pour ceux qui n’ont pas de formation et n’ont exercé jusque-là que des tâches de manœuvres. De plus, ces emplois-formation à l’image des PETF ne donnent aucun droit à un second délai-cadre. Ils sont d’une durée de six mois, se déroulent pendant le seul délai-cadre et peuvent être éventuellement prolongés de six mois. Lors de la présentation de la nouvelle loi en septembre 2006, les Conseillers d’État présents, avaient promis des mesures en matière de formation que devait élaborer le Département de l’instruction publique, afin de pallier aux manques qui apparaissaient déjà. Depuis, rien !

Par contre, la nouvelle loi prévoit une extension des allocations de retour à l’emploi et leur ouverture à l’Etat qui profitera surtout aux prestations de ses services dont plusieurs seraient fortement handicapés par la suppression sans recours des ETC. Les emplois-formations pourraient aussi être mis à contribution pour pallier ce handicap avec une rotation plus rapide, tous les six mois, du personnel chômeur/temporaire.

Enfin un dernier argument contre cette nouvelle loi : milieu octobre, deux mois avant la votation et son résultat, le Département de la solidarité et de l’emploi (DSE), ne faisant aucun cas de la loi actuelle toujours en vigueur, menace de supprimer le second délai-cadre à celles et ceux qui sont actuellement en emplois temporaires cantonaux. On peut ajouter in fine, sans entrer dans les détails, mais de nombreux exemples sont à disposition, que pour rendre plus efficace la lutte contre le chômage, outre la création d’emplois, il serait sans doute nécessaire, urgent et prioritaire de reprendre en mains et réorganiser l’Office cantonal de l’emploi (OCE) afin qu’il soit vraiment au service des chômeurs.

Cette nouvelle loi est un pas de plus dans une gestion des questions sociales qui rétrograde à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle. Elle sanctionne une perte de droits : avec l’argument malhonnête qu’à Genève on donne trop aux chômeurs et que ceux-ci ne se considèrent pas responsables de leur situation. Rappelons que les chômeurs ne sont pas responsables du chômage.

La nouvelle loi ne traite ni du chômage, ni de l’emploi, mais elle veut agir uniquement sur l’« employabilité » des chômeurs, laissant chacun d’entre eux comme responsable de son manque de conformité au marché du travail.
Faire croire qu’il suffit de (re)former en emploi, en six mois, Pierre, Paule ou Jacques pour qu’il (elle) trouve un travail c’est oublier, voire dissimuler, que le modèle économique et social dominant est placé sous la direction de la valorisation du capital financier. Si des entreprises ferment, ce n’est pas nécessairement parce qu’elles sont devenues inutiles ou que leurs salariés sont dépassés, mais presque toujours parce qu’elles ne rapportent plus assez aux investisseurs.

NON à l’absolution des patrons

En résumé, la nouvelle loi genevoise sur le chômage doit être refusée parce que :

  1. Elle représente pour les chômeurs en fin d’indemnités fédérales une perte de droits.
  2. Elle consacre une pression accrue sur les chômeurs qui les culpabilise.
  3. Elle confine l’entreprise de l’économie sociale et solidaire dans
    le rôle de la Croix-Rouge du capital financier.
  4. Elle déclare implicitement que le chômage n’est pas une responsabilité de la société toute entière mais l’affaire de chaque individu pris isolément.
  5. Elle consacre la non-responsabilité des employeurs privés dans
    la question du chômage.

Votez et faites voter NON !

PS:

Distribué par le Comité unitaire « Luttons contre le chômage et pas contre les chômeurs ! », dont sont membres les Socialistes et solidaritéS, les Indépendants de Gauche, les Communistes, Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), Comedia, Syndicat suisse des services publics (SSP), Syndicat interprofessionnel de travailleuses et de travailleurs (SIT), UN1A

pour adresse : CGAS, rue des Terreaux-du-Templie 6, 1201 Genève 022 731 84 30 // info@cgas.ch




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