Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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allocution de la présidente CGAS aux Assises des stages 2017

vendredi 13 octobre 2017 par Claude REYMOND

La Communauté genevoise d’action syndicale a une position très critique à l’égard des stages de réinsertion professionnelle prévus par les dispositions légales en matière de chômage et d’aide sociale.

Développés en Suisse à partir de la moitié des années 90 dans le cadre de la Loi fédérale sur le chômage, puis dans des lois cantonales en matière d’aide sociale, les stages de réinsertion professionnelle se sont diversifiés et leur nombre s’accroît.

À Genève des efforts sont faits, et ils sont à louer, pour les combiner avec des formations.

Ces stages concernent de nombreux acteurs : les travailleurs et travailleuses -stagiaires en premier lieu, des collectivités publiques, entreprises privées, associations subventionnées, bien représentées lors de ces premières Assises des stages de réinsertion professionnelle,

Je souhaite partir de 2 témoignages récoltés auprès de nos membres et étayer ensuite les critiques syndicales au dispositif.

Témoignage 1
Ana Paula a 43 ans. Après la naissance du dernier enfant, et surtout après le divorce, ses horaires de sommelière dans un restaurant de la place ont commencé à peser lourd.
Elle se retrouve au chômage après avoir travaillé 6 ans auprès du même employeur. L’ORP la place en stage à plein temps comme serveuse et employée de buffet dans un EMS durant 6 mois. Elle remplace une employée partie à la retraite.
Elle s’y plait, les horaires conviennent à sa situation.
Sa rémunération pour 40h de travail ce sont les 2’900 francs bruts qu’elle perçoit comme indemnités de chômage de l’Assurance fédérale sur le chômage.
Elle est au courant que pour le même travail, sa collègue employée de l’EMS, compte tenu des longues années de service, est rémunéré environ 5.000 francs mensuels.
Mais elle se plaît, le contact avec les personnes âgées l’intéresse.
À la fin du stage elle demande à poursuivre.
L’ORP l’informe que ce n’est pas possible : ces postes sont gardés comme place de stages pour les chômeurs, si on le donne en fixe à quelqu’un, après il n’y plus de places pour le turnus des stagiaires.

Situation identique pour Marie, placée en stage dans un autre EMS comme nettoyeuse, métier qu’elle connaît puisqu’elle a travaillé 4 ans dans une entreprise de nettoyage.
Elle travaille à 80% comme employée de maison et aide de ménage en échange de ses indemnités de chômage de 2.500 francs bruts mensuels.

Témoignage 2
Marc a 56 ans, il a travaillé plus de 20 ans comme informaticien dans la même entreprise. En fin de droit puis à l’aide sociale, l’Hospice général l’a placé dans une association. Il gère toute l’informatique des antennes de l’association disséminées sur le territoire genevois. Seul informaticien, il a de grandes responsabilités pour ce poste unique essentiel au fonctionnement de l’association. Sa rémunération aussi est également unique : le montant de l’aide sociale plus 150 francs en guise d’incitation au travail. Et dans ce cas le stage dure depuis 3 ans. Alors à son entourage, il dit qu’il travaille, mais il tait ou reste vague sur sa rémunération.

Même cas de figure pour Isabelle, placée aux mêmes conditions par l’Hospice général à trier du courrier dans une collectivité publique. Elle voit bien que si son travail n’est pas fait, les services ne reçoivent et ne peuvent envoyer les courriers. Des postes ont été supprimés dans le service. Pour pallier, des chômeurs et des bénéficiaires de l’aide sociale, l’effectuent à coup de stages de 6 mois.

1.500 emplois pérennes déclassés en stages

La CGAS évalue à partir de statistiques partielles et incomplètes, et pas faciles à obtenir, que le nombre de postes dévolus aux stages de réinsertion professionnelles à travers l’assurance chômage et l’aide sociale dans les collectivités publiques, entités subventionnées, associations et dans une moindre mesure entreprises privées recouvre au moins un volume de 1.500 postes.

1.500 postes qui étaient fixes, pérennes et correctement rémunérés déclassé en sous-emplois sous prétexte de réinsertion. Et ce alors que les sans emploi recherchent non pas des stages mais des postes fxes.

Pour la CGAS, le développement des stages de réinsertion et le déclassement des emplois va de pair avec deux phénomènes : les politiques patronales de précarisation de l’emploi et de pression sur les salaires et les politiques d’austérité des collectivités publiques.

  • Les mutations du marché de l’emploi et la tendance lourde qui s’accentue avec une plus grande digitalisation de l’emploi, visent un maximum de flexibilité. Les emplois atypiques, à durée déterminée, à l’appel, de faux indépendant au service de plateforme numérique, de primo emploi déguisé en stage se développent.
    La sous-rémunération des stages de réinsertion professionnelle, participe de cette tendance à la pression sur les salaires.
  • Pour la CGAS rémunérer le travail à hauteur des indemnités de chômage ou de l’aide sociale, bien que légal, est clairement une forme de sous-enchère salariale abusive à combattre. De plus cette rémunération moindre du travail sous prétexte de réinsertion, constitue une inégalité de traitement inacceptable ntre travailleurs-euses qui effectuent le même travail
  • Les politiques d’austérité des services publics : elles ont détruit de l’emploi stable et fixe ou elles empêchent la création de postes nécessaires aux besoins de la population. Pour maintenir un certain degré de prestations à la population, les collectivités publiques ont transformé ces emplois fixes en postes de stages de réinsertion ou mesures d’activation à faire occuper à tour de rôle par des sans emploi, avec comme résultat d’accentuer la précarisation de l’emploi et la pression sur les salaires.

Vrai travail et faux emplois

Les sans emploi placés en stage se retrouvent ainsi dans une situation sociale paradoxale : ils-elles réalisent un vrai travail, mais sont arrimés à de faux emplois.

Vrai travail, on le voit par les activités exercées : collaboratrice administrative, réceptionnistes-téléphonistes, employé-e de bureau, agent-e d’entretien, employée de maison, informaticien et même juriste.

Vrai employeur car le travail est exercé à l’Etat, dans des communes, dans des établissements subventionnés, dans des associations à but non lucratif, dans une moindre mesure des entreprise privées, mais faux emplois car l’employeur se soustrait à ses responsabilités d’employeur, ne fournit ni un contrat de travail, ni un salaire en relation avec l’échelle des traitements de l’entité.

Il ne fournit qu’un stage. Et par là, croit ou tente de faire croire qu’il rend service aux sans emploi, alors qu’il ne rend service qu’à soi-même en réussissant à dispenser des services et des prestations au moindre coût salarial.

Pour la CGAS, dans ce contexte de vrai-travail/ faux salaire/ employeur déguisé/faux emploi. Il apparait difficile de se situer sur une dimension de stage gagnant-gagnant au niveau des pratiques de terrain, pour citer le thème d’un des ateliers des Assises.

Plutôt que d’alimenter la machine à réinsertion, plutôt que de faire tourner des sans emploi, chômeurs et chômeuses et bénéficiaires de l’aide sociale, sur des postes de stage, la CGAS préconise le retour de ces postes de stages à des postes pérennes et l’engagement en fixe par les entités des sans-emplois qui les occupent.

Merci de votre écoute.

Manuela Cattani