Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

iban CH69 0900 0000 8541 2318 9

Prise de position de la CGAS concernant le PL 11804 modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20) (Allocation de retour en emploi)

lundi 6 juin 2016
Commission de l’économie
du Grand Conseil
de la République et Canton de Genève
Rue de l’Hôtel-de-Ville 2
case postale 3964
1211 Genève 3

Genève, le 6 juin 2016

Pour une vraie prise en charge des chômeur-se-s en fin de droits !


Prise de position de la CGAS concernant le PL 11804 modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20) (Allocation de retour en emploi)

Le 13 janvier 2016, le Conseil d’Etat a déposé un projet de loi modifiant la Loi en matière de chômage (LMC) du canton de Genève en ce qui concerne la mesure appelée "Allocations de retour en emploi" (ARE).

La CGAS soutient en principe cette mesure même si elle déplore qu’elle aide parfois plus les employeurs que les chômeur-se-s en fin de droit, soutien qui trouve son fondement dans le fait que cette mesure présente un taux de réinsertion – plus ou moins – durable sur le marché du travail à plus de 60% des bénéficiaires de cette mesure.

Nous prenons acte de l’intention de simplifier la mesure en passant d’un taux dégressif de salaire subventionné (allant de 80% à 20%) à un taux fixe de 50% durant toute la durée du versement de l’allocation.

Cependant, un certain nombre de points doivent être relevés et critiqués concernant la modification de ce dispositif proposée par le Conseil d’Etat :

  1. Le Conseil d’Etat ne semble pas vraiment prendre en compte les conclusions du rapport no. 87 de la Cour des Comptes d’avril 2015 qui pourtant n’est pas avare en critiques du dispositif actuel et en recommandations pour l’améliorer. Ainsi, ce rapport met l’accent entre autres sur l’absence relative de promotion des ARE auprès des employeurs par l’OCE ainsi qu’une proposition plus active auprès des chômeur-se-s en fin de droit ainsi que sur un contrôle insuffisant des employeurs bénéficiant d’ARE.
  2. La CGAS salue le fait que le Conseil d’Etat ait prévu que l’entreprise bénéficiaire d’ARE se conforme aux usages en vigueur dans la branche. Cependant, elle regrette que le Conseil d’Etat n’ait pas pris l’occasion de formaliser ce contrôle, en précisant le cadre de ces contrôles pouvant par exemple être effectués avant octroi d’une ARE et à la fin de la mesure, et par quelles autorités les contrôles doivent être effectués, par exemple par l’Office cantonal de l’inspection et des relations de travail (OCIRT), par les commissions paritaires en cas de Conventions collectives de travail (CCT) de secteur ou d’entreprise prévoyant une commission de contrôle ou encore par l’Inspection paritaire des entreprises (IPE).
  3. L’inscription dans le projet de loi du fait que l’ARE ne doit pas forcément être versée durant la durée maximale prévue, si elle ne change pas les choses matériellement, est néanmoins indicatrice de l’inscription de toutes les réformes de la législation sur le chômage de ces dernières années tant au niveau cantonal que fédéral dans un contexte de réductions budgétaires et donc de prestations. S’il nous semble a priori justifié de faire dépendre la durée de l’ARE de la situation de la personne qui en bénéficiera (quel besoin de formation, quelle distance à l’âge ordinaire de la retraite ?), il convient quand même de mettre en garde l’Office cantonal de l’emploi contre un excès d’économies qui risquerait de péricliter les chances des chômeur-se-s en fin de droit à se réinsérer durablement dans le marché de l’emploi avec des prestations insuffisantes de la part du canton. A ce sujet, il convient aussi de mentionner la pratique annoncée de l’OCE de privilégier l’attribution d’Allocations d’initiation au travail (AIT), pendant des ARE dépendant de la Loi fédérale sur l’assurance-chômage (LACI). Pis, dans la mesure ou l’OCE a augmenté le nombre d’AIT attribuées de 18 en avril 2015 à 32 en avril 2016, le nombre d’ARE consenties a chuté de 512 à 473 durant le même laps de temps. L’OCE n’a donc pas compensé la baisse du nombre d’ARE par un nombre équivalent d’AIT attribuées en plus mais bien raté la réinsertion de 25 personnes.
  4. Le rapport de la Cour des Comptes montre bien qu’il y a une inégalité d’accès à des contrats de travail assortis d’ARE pour les femmes par rapport aux hommes. Or, le Conseil d’Etat n’a pas prévu de remédier à cette inégalité de traitement.
  5. De même, nous critiquons que rien n’ait été entrepris pour augmenter le nombre d’ARE attribuées alors que le public éligible pour cette mesure a été considérablement augmenté avec l’ouverture sans restrictions aux anciens indépendants et aux bénéficiaires de l’Hospice général introduite par les dernières révisions de la LMC et mises en pratique progressivement durant les années 2010-2012. Si ce point relève plus du budget que de la LMC, un mécanisme aurait pu être imaginé pour lier les montants à budgéter au nombre potentiel de bénéficiaires. A ce propos, il nous semble plus qu’étrange de prévoir que les engagements pris par l’Etat en matière de versements d’ARE pourraient ne pas être honorés pour des raisons budgétaires.
  6. Le Conseil d’Etat aurait pu prendre l’occasion de la révision projetée de supprimer l’art. 31, al. d LMC fixant une exclusion des personnes ayant subi un total de 31 jours de suspension du droit à l’indemnité durant le délai-cadre d’indemnisation fédérale. En effet, les sanctions – déjà contestables en soi tant elles influent négativement sur le but de réinsertion rapide et durable fixé par le législateur – sont souvent subies en raison d’une mauvaise compréhension, et les voies légales pour s’opposer à une sanction injustement prononcée ne sont que trop peu souvent saisies. Par conséquent, cet alinéa ne consiste qu’en un élément de plus permettant à l’Etat de baisser son investissement en faveur de la réinsertion durable des personnes sans emploi.
  7. Par ailleurs, nous nous opposons au fait que la compétence de fixer un délai d’attente soit transmise au Conseil d’Etat. En effet, les personnes au chômage dont la LACI estimait qu’un délai d’attente était supportable financièrement ont déjà dû le subir au début de leur indemnisation. Pour les personnes n’ayant pas subi de délai d’attente selon la LACI, le législateur fédéral estimait qu’un délai d’attente n’était financièrement pas supportable pour ces personnes-là. Il est dès lors superflu de fixer un nouveau délai d’attente lors du début d’indemnisation par les prestations cantonales en cas d’incapacité de travail pour les personnes l’ayant déjà subi selon la LACI et inopportun à le faire subir aux personnes n’ayant pas eu à le subir selon la loi fédérale.

Revendications de la CGAS

Par rapport aux critiques formulées ci-dessus, la CGAS revendique que :

  1. un contrôle formalisé des entreprises bénéficiaires d’ARE soit prévu par la loi, effectué par les organes paritaires pour autant qu’ils existent, ou alors par l’Office cantonal de l’inspection et des relations de travail (OCIRT) ou par l’Inspection paritaire des entreprises (IPE) ;
  2. le budget dévolu au soutien des personnes en fin de droits de chômage soit considérablement augmenté afin de pouvoir augmenter le taux jusqu’à présent très faible de personnes en fin de droit ayant accès à l’ARE pour démontrer que le canton a pris la mesure du chômage structurel de longue durée à Genève et soutenir plus fortement les personnes touchées ;
  3. un mécanisme veillant à l’égalité des droits et de l’accès aux ARE pour les femmes et pour les hommes soit introduit ;
  4. de biffer l’art. 31, al. c ;
  5. l’annulation pure et simple des alinéas 2 et 3 de l’art. 14 LMC ;

Manuela CATTANI, président CGAS
Thomas GRAF, secrétaire syndical SIT



titre documents joints