Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

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soirée d’information* et fraternisation le 9 juin 2016

dès 18 h30, avec les syndicalistes représentant les Travailleurs palestiniens au sein de la 105e Conférence de l’OIT

samedi 4 juin 2016 par Claude REYMOND

salle L - 3e étage de la rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

* organisée conjointement par le CUP et la commission de solidarité internationale CGAS


PV de la rencontre entre Mahmoud Ziada et Kifaya Abed représentant la Fédération palestinienne des syndicats indépendants
et les syndicats genevois au siège de la CGAS le 9 juin 2016 18h30

Présents : Mahmoud Ziada /GFIU – Kifaya Abed /GFIU – Soha Bechara / CUP + traduction - Anne-Marie Barone /Femmes en noir - Jaqueline Bron /CUP /Femmes en noir – Blaise Crouzier / UNIA -/CUP - Gérald Fioretta / CUP – Pierre Huber / UNIA– Rania Madi / CUP/BDS - Serge.A-Munoz / SIT – Claude Reymond / CGAS – Alain Riesen / SIT– Tobia Schnebli / CUP / SolidaritéS - Brigitte Studer / CUP /Parrainages /SolidaritéS.

Mahmoud Ziada , secrétaire général et sa collègue Kifaya Abed, responsable de la branche pharmaceutique à Ramallah, sont membres de la GFIU (General Federation of Independant Unions / Fédération palestinienne des syndicats indépendants ) et représentent les travailleurs pour la première fois à la conférence annuelle de l’OIT (105ème conférence de l’Organisation Internationale du Travail ) en tant que membres de la délégation palestinienne. Seuls participants des syndicats palestiniens aux travaux de la conférence, Ils demandent que la GFIU soit reconnue comme (principale) organisation représentative des travailleurs en Cisjordanie et à Gaza et qu’elle soit admise au sein de la Confédération syndicale internationale (CSI). Cette dernière demande est bloquée par le syndicat israélien Histadrout par le biais du syndicat officiel PGFTU ( Palestinian General Federation of Trade Unions). La GFIU organise la plupart des luttes syndicales et compte plus de 20 000 membres dans une vingtaine de secteurs ou organisations.

Cette rencontre rappelle celle de trois syndicalistes palestiniens, Mahmoud Ziada, Ghadeer Alsheikh, Nabil Jinmawi, avec les syndicats genevois à Genève en 2006, rencontre relatée dans le film de Jean- Charles Pellaud : Paroles de syndicalistes palestiniens (2006).

Claude Reymond (CR)
La particularité de la situation à l’OIT est que la Palestine n’est pas reconnue comme un Etat mais comme un mouvement de libération. Cependant, en cas de refus de reconnaissance de la GFIU et de son admission au sein de la délégation des travailleurs par l’Autorité Palestinienne, la commission des crédits de l’OIT aurait sans doute statué à l’avantage de sa participation. Heureusement, vous êtes arrivés.
Question à Mahmoud Ziada : est-ce qu’il y a en ce moment d’autres représentants de la Palestine pour les travailleurs à cette conférence ?

Mahmoud Ziada (MZ)
De fait, à la conférence, nous sommes les seuls représentants des travailleurs palestiniens.

Rania Madi (RM)
Pourquoi le syndicat officiel ne s’est-il pas fait représenté ?

MZ
Je suppose qu’ils avaient peut-être d’autres occupations.

RM
Qu’en est-il des rapports entre les travailleurs palestiniens en Israël et le syndicat israélien Histadrout ?

MZ
C’est une des raisons de notre venue à la conférence de l’OIT. Ils sont environ 120 000 à travailler en Israël, la moitié obtiennent une autorisation, les autre sont clandestins. L’autorisation est donnée pour un lieu et un type de travail précis (construction- agriculture ou services). Pour obtenir une autorisation il faut remplir de nombreuses conditions, les engagements politiques y compris de la famille sont contrôlés. Il y a des accords entre Histadrout, l’Autorité Palestinienne (AP) et le PGFTU mais aucune clause sur les salaires ni indemnité de déplacement.
Les travailleurs palestiniens sont discriminés. Par exemple à l’Université hébraïque de Jérusalem, les travailleurs palestiniens doivent porter des habits marqués « Travailleur étranger ».
En général, il leur est interdit de prendre les bus réservés aux colons et d’emprunter les routes directes .
La chasse aux clandestins est brutale : arrestations, capture au filet par des hélicoptères, etc...
Un trafic s’est organisé pour les permis de travail : des permis sont vendus par des trafiquants israéliens qui perçoivent un pourcentage sur les salaires.
Récemment on a vu apparaître des embauches de femmes et d’enfants dans les fermes israéliennes.
Les conditions de travail en Cisjordanie ne sont pas beaucoup meilleures. Le taux de chômage est monté à 30% , 45% chez les jeunes. Dans le secteur privé il n’y a que peu de protection sociale, dans les entreprises moyennes, quelques acquis ; 3 semaines de vacances, 1 jour de congé par semaine, mais ceci ne concerne qu’environ 25% des travailleurs du privé.
La politique néolibérale mise en œuvre par l’AP a créé un vide énorme concernant la protection des travailleurs et leur liberté syndicale.
Dans un contexte où ni l’AP, ni les partis politiques, ni le secteur privé n’y sont favorables, nous avons quand-même réussi à obtenir des avancées et des acquis : nous avons fondé des syndicats dans tous les secteurs. Récemment les enseignants se sont mobilisés pour obtenir le statut de fonctionnaires, l’égalité et la progression des salaires ; des manifestations de plus de 3 000 personnes ont eu lieu.
Nous avons obtenu un salaire minimum et la nouvelle loi du travail présentée par l’AP est actuellement suspendue suite à notre opposition et aux actions que nous avons menées.

RM
Quelle a été la réaction des syndicats européens à votre exposé critique sur Hstadrout ?

MZ
Même l’OIT reconnait maintenant clairement la discrimination des travailleurs palestiniens. Certaines organisations appellent au boycott à divers degrés : produits des colonies, produits israéliens, en lien avec BDS.

CR
Nous savons que la chambre de commerce palestinienne se déclare très favorable au développement de zones franches ; son Président aspire à un développement en Cisjordanie qui fasse d’elle le Hong- Kong du Moyen-Orient . Il revendique une liberté totale d’entreprendre et est hostile à BDS et aux syndicats. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

MZ
C’est une réalité, tout le capital palestinien est en lien avec les israéliens. Munib Masri dont on sait le poids économique qu’il représente, organise des réunions régulières avec les israéliens.

Tobia Schnebli (TS)
Concernant les zones économiques spéciales dans les colonies, quelle est leur importance, quelle est l’action des syndicats dans ces zones ?

MZ
Dans ces zones, les travailleurs bénéficient de protections que les autres n’ont pas, mais en fait, les patrons qui y gèrent des entreprises sont autonomes et il est très difficile d’intervenir dans ces zones qui sont politiquement très libérales.
En général en Palestine il y a beaucoup de très petites entreprises où il est aussi difficile d’intervenir.
A Gaza le Hamas a décidé que c’était lui qui gérait les rapport de travail, à l’exclusion des syndicats En Cisjordanie, une loi est sortie récemment pour superviser le travail des syndicats : nous devons maintenant relever cet énorme défi pour défendre le droit de se syndiquer, nous espérons maintenir ce droit fondamental.

Blaise Crouzier (BC)
Quel degré d’organisation des travailleurs palestiniens en Israël ?

MZ
Sur ces environ 120 000 travailleurs, la moitié, c’est-à-dire 60 000 sont illégaux et doivent passer la frontière par toutes sortent de moyens, coffres de voitures, escalade de grues de chantier, par- dessus ou sous le mur, guet des passages des garde-frontière, etc...
Aucune organisation n’existe, sauf pour les prélèvements sur les salaires ! De ces prélèvements, 50% va à Histadrout, 50% va au PGFTU selon un accord passé entre eux.

Gérald Fioretta (GF)
Quelles sont les interventions de la GFIU concernant ces travailleurs palestiniens en Israël, avec permis ou clandestins ?

MZ
Comme il est très difficile d’obtenir une autorisation, qu’ils sont soumis à une enquêtes, ces travailleurs sont très prudents. Les clandestins eux sont méfiants et discrets, ils doivent se débrouiller souvent pour dormir sur place clandestinement. Pourtant ils ont aussi souvent besoin de conseils et ils s’adressent alors à nous, la GFIU.

CR
Les passages de frontière devraient être réglés entre Israël et l’AP tandis que les droits des travailleurs palestiniens en Israël sont (ou devraient être) défendus par Histadrout, et en Cisjordanie par la GFIU notamment . Dès lors, seule une unité des syndicats palestiniens peut mettre en demeure Histadrout d’agir vraiment en faveur des travailleurs palestiniens en Israël.
Concernant le blocage à l’adhésion de la GFIU à la CSI, les syndicats suisses ont interpellé la Confédération européenne des syndicats (CES) qui a saisi la CSI : celle-ci a décidé d’interroger une nouvelle fois sa subdivision territoriale, ACTU, comprenant les syndicats indépendants d’Algérie, d’Egypte, de Jordanie, du Maroc, ainsi que la PGFTU. Bien que cette dernière ne dispose pas d’un droit de veto dans la CSI, elle peut faire trainer les choses en s’abstenant d’émettre sa position ou de motiver son refus. La CGAS a insisté pour que la GFIU assiste à la conférence, convaincue que c’est le meilleur moyen pour elle d’être identifiée comme fédération syndicale représentative, que c’est là qu’elle peut énoncer des principes et créer des alliances.
Cependant le signal que quelque chose va changer ne peut venir que de Cisjordanie, c’est pourquoi je préconise d’entamer rapidement une négociation avec la PGFTU pour parvenir au moins à une unité formelle (protocolaire) des syndicats palestiniens, seul moyen de contraindre Histadrout à agir pour l’amélioration de la situation des travailleurs palestiniens en Israël.
Concernant les prélèvements d’une contribution professionnelle effectués par les employeurs israéliens sur salaires des travailleurs palestiniens, je suis d’avis qu’au moins la moitié de ceux-ci soient reversés aux syndicats palestiniens selon leurs effectifs respectifs.

BC
Et pour la suite, quel appui des syndicats suisses à la reconnaissance de la GFIU ?

CR
La CGAS a déjà convaincu l’USS (Union Syndicale Suisse) d’intervenir en faveur de la GFIU dans tous les organes syndicaux internationaux auxquels elle participe. Nous pourrions relancer la machine, et tenter de mettre en demeure la CES (Confédération européenne des Syndicats) et la CSI de reconnaitre la GFIU sur la base d’un événement nouveau dans la région : soit une invitation de la GFIU aux autres syndicats de créer une confédération des syndicats palestiniens. Si ces derniers et notamment la PGFTU refusent, les syndicats suisses et sans doute ceux d’ACTU pourront intervenir auprès de la CSI pour faire cesser cette discrimination.

Kifaya Abed (KA)
Nous étions les seuls représentants des travailleurs palestiniens cette année à la conférence de l’OIT, nous y avons été très actifs, pourquoi les syndicats suisses ne peuvent-ils pas dès à présent nous appuyer sur cette base auprès de la CSI ?

CR
Nous pouvons appuyer toute organisation favorisant le pluralisme syndical et nous n’appuierons pas celle qui exclut les autres.

Un débat très animé s’en suit entre tous les participants à propos de l’opportunité ou la possibilité de cette négociation entre syndicats palestiniens.

MZ
Certains syndicats ont réussis à entrer dans la CSI sans aucun label officiel !

CR
L’influence des lobbies et des passe-droits sans doute explique cela, c’est un vrai problème que nous subissons tous et partout. Mais demeurent l’internationalisme et les voies statutaires qu’il faut emprunter résolument. J’entends bien que des approches ont déjà été tentées sur d’autres dossiers avec l’AP et que certains partenaires syndicaux ont refusé les propositions de la GFIU.
Alors, si l’idée d’une Confédération intersyndicale ne vous semble pas réaliste, prenons-en une autre : par exemple, à votre retour, vous annoncer une conférence de presse publique au cours de laquelle la GFIU restituera sa participation à la 105ème conférence de l’OIT ; vous invitez les autres syndicats palestiniens à y participer et à s’y exprimer ; ainsi en cas d’acceptation ou de refus, vous aurez démontré que la GFIU offre la concertation, pratique la démocratie et restitue à ses membres mais aussi à tous les travailleurs ce que sa délégation a partagé avec les syndicalistes du monde entier réunis à Genève ce mois de juin 2016.

Kifaya Abed et Mahmoud Ziada concluent chacun la réunion, remercient les participants pour cette rencontre, en espèrent des suites positives et rappellent qu’ils sont très satisfaits de leur participation à la conférence, notamment des contacts qu’ils ont pu établir avec de nombreuses délégations de divers pays.

BC et CR 28 juin 2016

PS:

* En prélude des échanges, il faut savoir que - le 2 mars 2016 - GFIU et PNGO (l’organisation faîtière des ONG palestiniennes) ont fait une proposition pour résoudre la grève des enseignants.

Éléments de la proposition :

1) Les enseignants et les administrateurs devraient être payés. Le gouvernement devrait payer les salaires dus dans les 3 mois et augmenter le salaire de 2,5% pour compenser le coût de la vie. Ils ont demandé une augmentation en raison de la nature du travail. Les administrateurs devant être payés en avril.

2) Augmenter les salaires des enseignants de 70% en deux ans.

3) L’échelle salariale des enseignants et les postes du ministère devraient être ouverts. Les enseignants devraient avoir la possibilité d’avoir des augmentations échelonnées. Selon la loi actuelle, ils ne sont pas autorisés à avoir une augmentation à l’échelle, à la différence des travailleurs dans d’autres ministères.

4) Développer et unifier les règles de la retraite parce que, à présent, il y a de multiples systèmes.

5) Reconnaître le droit des enseignants à organiser un syndicat et de maintenir leur indépendance. Ils rejettent l’ingérence de sécurité de l’AP.

En date du 5 mars 2016, le gouvernement n’avait pas répondu.


GFIU s’est impliquée dans la campagne nationale contre la loi sur la sécurité sociale Insaf, ou la Campagne nationale pour la dignité et la justice sociale (Insaf signifie équité ou de justice). La campagne visait essentiellement à empêcher la signature de la loi sur la sécurité sociale par le Président Abbas. Cependant, le 9 mars, 2016, la loi a été ratifiée par décret présidentiel.

La campagne a commencé au cours de 2015, mais fut officiellement organisée comme Insaf autour de janvier 2016. La campagne en 2016 a eu lieu à deux niveaux :

  • Au cours des mois de Février et Mars, des réunions ont eu lieu entre les travailleurs de la finance et les secteurs des produits pharmaceutiques, les municipalités, le comité des femmes et des ONG, des groupes de jeunes. Des rencontres ont également eu lieu entre les syndicats indépendants, ainsi que des partis politiques de gauche. Ces réunions ont eu lieu dans différentes villes, incl. Ramallah, Naplouse et Hébron. Dans les manifestations pendant 2016 Semaine contre l’apartheid par BDS (Mars 1-10), les manifestants ont soulevé les questions de sécurité sociale et les documents distribués du Insaf.
  • Les médias et interviews télévisées

La position unifiée de Insaf (Document est disponible en arabe, en cours de traduction en anglais ) portait les éléments clé :

1 ) Exiger un système de sécurité nationale globale pour les gens partout dans le monde.

2) La ratification de la loi de la retraite ( n ° 5 ) : Signature de la nouvelle loi sur la sécurité sociale signifie que les lois de retraite précédents seront supprimées. Le nouveau projet de loi permettra de diminuer la retraite de 30%.

3 ) Pour avoir un plan national : pour convenir d’ une limite supérieure sur les salaires et autres avantages pour réduire les dépenses au niveau national.

4 ) La réforme fiscale : cherche seulement les politiques fiscales.

5 ) Re-compte tenu de toutes les politiques économiques néolibérales du gouvernement.

6 ) Adresse privation de réfugiés palestiniens à Gaza.

7 ) Répondre aux besoins des pauvres en Cisjordanie et à Gaza.

8) Appui aux BDS avec boycott international et national d’Israël.


Quelles ont été les positions des principaux syndicats ?

1 ) Fédération générale palestinienne des syndicats : la tête de la PGFTU, Shaher Saed, a signé l’accord pour soutenir le droit de la sécurité sociale. Cependant , les blocs de gauche dans la fédération nationale du PGFTU ont appelé à la reprise du dialogue sur le droit de la sécurité sociale sous la menace du retrait. Ils ont appelé Shaher Saed d’annuler sa signature. Il a présenté une lettre au MdT affirmant que tous les syndicats de la PGFTU soutenaient sa signature.

2 ) Palestine Fédération syndicale : PTUF ( tête : Haider Ibrahim ) a accepté de la loi.

3 ) Fédération générale des syndicats indépendants : GFIU ( tête : Mahmoud Ziadeh ) a contesté la loi et avait co-dirigé la campagne Insaf.