Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Discours à la manifestation « Ouvrons les frontières, protégeons les migrants », 12.9.15

l’asile est un droit et l’accueil des réfugiés est notre devoir !

dimanche 13 septembre 2015

par Alessandro PELIZZARI, Unia, vice-président CGAS

Je suis extrêmement touché de voir autant de monde ici aujourd’hui, parce qu’il y a quelques semaines encore, on ne pouvait que s’étonner du silence qui entourait une des plus grandes catastrophes humanitaires depuis la Deuxième guerre mondiale et se rappeler un poème remarquable écrit par l’écrivain allemand Bertolt Brecht dans les années 30, adressé « à ceux qui naîtront plus tard » qui s’ouvrait avec la célèbre question : « Que sont donc ces temps, où parler des arbres est presque un crime puisque c’est faire silence sur tant d’atrocités ! »

Nous sommes « ceux qui sont né plus tard », et le silence s’est enfin arrêté depuis quelques semaines. Nous sommes ici aujourd’hui pour parler des centaines de milliers de migrants qui fuient la misère et la terreur des guerres civiles et des attaques barbares dans le Moyen Orient et le Nord d’Afrique, largement provoqués par les interventions militaires et soutenus par l’industrie de l’armement occidentales. Nous sommes ici pour parler de ceux qui tous les jours essayent de traverser la Méditerranée ou la Manche, tombent dans les prises des passeurs criminels et meurent à centaines sans jamais arriver en Europe, ou se font gazer par les forces de police aux frontières de l’Europe de l’Est, bloqués dans des campements ou à la gare de Budapest.

 Carlos Serra (c)

Nous sommes ici, pour parler de ces pays européens ont dépensé des dizaines de millions d’Euros pour construire des murs et bloquer les voies d’accès et qui sont, avec une politique migratoire meurtrière, co-responsables d’avoir transformé la Méditerranée en un immense cimetière. Nous sommes aussi ici parce que, comme ces populations des pays d’accueil qu’on a pu voir à la télé, nous pensons que l’Europe est autre chose que cela, et que l’accueil de migrants venus de la mer doit être un acte d’évidente humanité et solidarité. Et nous sommes ici aussi pour parler de ces réfugiés qui, partout où ils ont été bloqués ont décidé de prendre leur destin en main, de commencer à marcher et à revendiquer leur droit, parce qu’il faut le rappeler : l’asile est un droit et l’accueil des réfugiés est notre devoir !

C’est pourquoi aujourd’hui, il est important de passer de l’indignation à l’action, rappeler les droits des réfugiés et les devoirs de la Suisse et demander :

  • que la Suisse ouvre ses frontières et accueille les réfugiés ; il n’y a aucune raison pourquoi on n’accueille pas au moins le même chiffre de réfugiés que l’Autriche ;
  • que la Suisse change les procédures de demande d’asile aux frontières de l’Europe, évitant que les réfugiés doivent entreprendre des voyages dangereux ;
  • que la Suisse stoppe toute de suite les renvois Dublin.


Une chose est toutefois claire : tout le monde ne voit pas les choses exactement comme ça. Nous avons vu, ces dernières semaines, non seulement se développer un sens de l’humanité et de la solidarité, mais aussi des discours haineux sur le « chaos de l’asile », qui est devenu le thème principal de l’été préélectoral en Suisse. Nous avons tous lu les centaines de commentaires sur les réseaux sociaux souhaitant la noyade aux familles en fuite et la mort à ce qui survivent. Et attention, face à la banalisation du discours raciste et fasciste qui commence à se concrétiser dans plusieurs pays d’Europe les attaques violents contre des centres d’accueil de requérants d’asile ne tarderons pas. Les pyromanes sont parmi nous, et il suffit de voir les trams qui circulent avec l’affiche qui dit « la place des réfugiés n’est pas dans nos bunker mais dans les avions ».

Alors oui, face à ces discours, il faut rappeler que les avions sont malheureusement inaccessibles pour les milliers de réfugiés noyés dans la mer, mais aussi rappeler, comme le disait un militant italien tué à Gaza, qu’il y a « un niveau d’humanité en dessous duquel on ne peut pas descendre sans devenir un animal ».

Je veux, pour finir, m’adresser aux travailleurs genevois, suisses ou migrants, qui ont subi ces derniers années une mise en concurrence effrénée, une baisse de leur pouvoir d’achat, un crainte accrue de perdre leur emploi et qui ne sont pas peu à se demander, pourquoi les syndicats s’occupent de réfugiés au lieu de s’occuper de salaires, d’emploi, de retraites. La réponse est simple : d’un côté ces réfugiés, compte tenu de la situation dans leur pays d’origine, resteront longtemps en Suisse. Nous avons intérêt à revendiquer que la Suisse leur garantisse des conditions d’accueil dignes, le droit à travailler et des mesures de protection de leurs conditions de travail, faute de quoi les réfugiés d’aujourd’hui seront les exploités de demain.

Mais surtout, et les dizaines de milliers de personnes, en grande partie des salariés locaux d’Europe entière, qui ont recueilli ces derniers jours des quantités d’aide sur les lieux de travail, sont allé à la rescousse des réfugiés en Grèce, en Hongrie ou en Serbie sont là pour le prouver : des simples actes qui reconnaissent à ces hommes, ces femmes et ces enfants leurs droits élémentaires d’être humains. Ne pas louper ce moment historique, c’est se donner les moyens pour pouvoir, en toute sérénité, recommencer un jour à parler d’arbres.

Et en attendant : « Say it loud, say it clear : refugees are welcome here ! »