Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Protégeons les salaires, pas les frontières !

Prise de position de la CGAS concernant l’avant-projet du Conseil fédéral de la loi d’application de l’art. 121a Cst

mardi 14 avril 2015

Genève, le 14 avril 2015

Avec l’acceptation, le 9 février 2014, de l’initiative « Contre l’immigration de masse » de l’UDC, que les syndicats avaient vigoureusement combattue, le gouvernement suisse se voit obligé de négocier avec l’Union européenne la sortie de la Suisse du régime de libre circulation des personnes. Ce régime, en vigueur depuis 2002, a eu un impact important sur les relations de travail, tant d’un point de vue de la mobilité du salariat que de l’évolution des conditions de travail. Sa fin redessine ainsi les contours non seulement du régime migratoire en vigueur depuis 2002, mais aussi des mécanismes de régulation du marché du travail.

Dans ce cadre, la Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) s’était opposée à l’initiative « Contre l’immigration de masse », parce que

  • Le contingentement prévu du nombre d’autorisations de séjour des étrangers par des plafonds annuels, dont la fixation devra s’orienter aux « intérêts économiques globaux de la Suisse » et au « principe de la préférence nationale », accentue la discrimination entre migrants et résidents et légitime les idéologies xénophobes ;
  • L’introduction prévisible de permis de très courte durée pour contourner les contingents équivaut à un retour au permis de saisonnier que les syndicats ont historiquement combattu car source d’une importante précarisation des salariés immigrés ;
  • La probable dénonciation de l’Accord de libre circulation des personnes (ALCP) comme conséquence de l’application de l’initiative, ainsi que l’accent mis sur des contrôles préalables à l’admission, engendrera la fin des mesures d’accompagnement et donc des droits et protections existants sur le marché du travail suisse pour les travailleurs étrangers.

Pour la CGAS, aucun avant-projet visant à entériner ces principes ne sera donc acceptable. Notre prise de position concernant l’avant-projet du Conseil fédéral, mis en consultation en février 2015, est détaillée ci-dessous.

1. La CGAS s’oppose à un avant-projet qui remet en place
un régime migratoire contingenté et discriminatoire

Avec « des nombres maximums et des contingents (…) pour les personnes admises à titre provisoire et les réfugiés reconnus possédant une autorisation de séjour » (18) , l’avant-projet du Conseil fédéral pose tout d’abord un problème de compatibilité avec les droits humain, car il est en contradiction avec le droit international, et notamment avec le principe de non-refoulement et les dispositions relatives au regroupement familial prévues par la Convention européenne des droits de l‘homme.

Mais l’avant-projet vise évidemment, conformément à l’article constitutionnel, en première ligne les étrangers exerçant une fonction lucrative. Ainsi, il s’oppose ouvertement à l’ALCP avec l’Union européenne. En effet, le Conseil fédéral précise que le « plan de mise en œuvre de pourra s’appliquer aux ressortissants des Etats de l’UE/AELE qu’à condition de pouvoir adapter l’ALCP » (7). En d’autres mots, soit l’UE accepte de renégocier l’ALCP en y intégrant « la détermination de nombres maximums et de contingents annuels pour tous les types d’autorisations (…) ainsi que la préférence nationale pour les ressortissants suisses sur le marché du travail », soit l’ALCP sera dénoncé et les dispositions relatives aux ressortissants de l’UE seront intégrées dans le projet de loi. L’UE a déjà fait savoir que les contingents et la préférence nationale étaient incompatibles avec l’ALCP, mais même un accord « dans le contexte général de la politique européenne » (27) impliquerait la fin du régime migratoire tel que nous le connaissions depuis 2002 pour les ressortissants de l’UE/AELE.

Il n’est pas inutile de rappeler ici que ce régime avait été le résultat d’un compromis négocié après le refus du peuple suisse en 1992 d’intégrer l’Espace économique européen (EEE) entre l’Etat et les partenaires sociaux, garantissant tant un flux continu de main-d’œuvre pour l’industrie suisse, l’accès aux marchés européens pour ses produits et l’instauration des mesures de protection des salaires jusque-là inédites (les « mesures d’accompagnement »). Il n’est pas inutile non plus de rappeler que cette « libre circulation protégée » a réussi à obtenir durant deux décennies des majorités populaires lors de votes concernant les rapports avec l’Union européenne et la Suisse.

Mais surtout, l’ALCP signifie pour les syndicats l’abolition du système inique de contingentement, et en particulier le statut de saisonnier. Celui-ci était un puissant vecteur de précarisation des travailleurs immigrés, car il ne permettait pas à son détenteur de changer d’emploi, et le regroupement familial n’était permis qu’après plusieurs saisons travaillées sans interruption. Ce système invitait les employeurs à utiliser surtout les nouveaux arrivés, prêts à tout pour obtenir le droit au regroupement et était ainsi à l’origine d’une sous-enchère massive. Les travailleurs immigrés étaient ainsi payés en moyenne 15 % en dessous des salaires de leurs collègues suisses. De ce point de vue, l’instauration de la libre circulation des personnes a constitué une réelle amélioration de la situation sociale et économique d’environ 1,3 million de salariés ressortissants de l’UE/AELE.

Le nouveau régime proposé par le Conseil fédéral réintroduit quant à lui les contingents basés sur les « intérêts économiques globaux de la Suisse » et le « principe de préférence nationale ». En réalité, il introduit une différenciation dans la gestion de l’immigration relative aux besoins différenciés selon les secteurs économiques. En effet, en renonçant à fixer des quotas dans la loi, les futurs contingents visent visiblement à entraver le moins possible les flux d’immigrés hautement qualifiés pour l’économie d’exportation et les services à haute valeur ajoutée. Le fait que l’avant-projet maintient de fait tous les droits en matière d’assurances et de regroupement familial (« la réglementation du regroupement familial (…) ne doit en principe pas subir de modifications » (12)), sans quoi « il ne serait guère possible de recruter des travailleurs qualifiés issus d’Etats tiers, qui sont recherchés tant par l’économie suisse et que par la concurrence étrangère » (18), ouvre une discrimination importante par rapport aux catégories « hors contingent » (moins de quatre mois), prévues essentiellement pour les branches de l’économie interne à faible productivité (agriculture, construction, hôtellerie-restauration, etc.).

L’avant-projet du Conseil fédéral, en réinstaurant un système de contingentement, se trouve ainsi aux antipodes des principes de politique migratoire défendue par les syndicats, basée sur la non-discrimination et l’égalité de droits entre salariés immigrés et résidents.

2. La CGAS s’oppose à un avant-projet qui renforce la précarisation des conditions de travail

Il n’est pas abusif de considérer que l’acceptation de l’initiative UDC s’explique notamment par des taux d’acceptation particulièrement élevés auprès des personnes à basse qualification et bas salaires, mais également parmi celles qui ont un diplôme d’études techniques. La comparaison avec les précédents votes sur l’immigration et l’intégration européenne montre que c’est surtout cette « classe moyenne », particulièrement soumise à la concurrence des nouveaux immigrés, qui a basculé dans le camp des opposants à la libre circulation.

Ainsi, on peut mettre en relation ce vote avec la pression accrue, subie ou ressentie sur le marché du travail suisse, depuis l’entrée en vigueur de l’ALCP. Cette pression ne se traduit d’ailleurs pas réellement par une substitution massive de la nouvelle immigration à la main-d’œuvre locale. En effet, le taux de chômage traditionnellement très bas en Suisse en comparaison européenne n’a subi que des variations mineures depuis 2002, et les phénomènes de remplacement ont été constatés dans un nombre limité de branches (bâtiment, restauration, nettoyage) ou zones frontalières, et ce, surtout entre anciens et nouveaux immigrés à basse qualification.

L’impact a été par contre important sur la structure salariale. Certes, en remplaçant l’ancien système avec le droit de s’établir librement en Suisse, l’ALCP a contribué à stabiliser plusieurs centaines de milliers de ressortissants de l’UE établis en Suisse. Mais en recourant en même temps au recrutement massif de travailleurs avec des permis de courte durée issus de l’UE, dont le nombre total dépasse même celui des travailleurs saisonniers à l’époque, les employeurs ont réussi à mettre sous pression les salaires d’embauche à tous les niveaux. En effet, en rajoutant à ces chiffres les « permis de courte durée » jusqu’à un an (permis L), dont le nombre s’élevait en 2013 à 49 000, on dépasse les 250 000 ; un chiffre que les saisonniers n’avaient jamais atteint.

Plusieurs études ont constaté des baisses de salaire pour certaines catégories de travailleurs, notamment les jeunes professionnels à formation tertiaire et les travailleurs étrangers âgés sans qualification, certaines branches comme l’hôtellerie-restauration, le bâtiment, les transports ou le commerce de détail ou certaines régions. En particulier, le canton frontalier de Genève a vu des salaires d’embauche s’effondrer. Dans certaines branches, les employeurs genevois ont pu jouer sur le différentiel salarial existant des deux côtés de la frontière en baissant les salaires des frontaliers (notamment dans le commerce, la chimie, l’informatique et la construction) ou en entraînant toutes les catégories vers le bas (enseignement privé).

Bien sûr, les phénomènes de sous-enchère salariale ne sont pas entièrement imputables à l’ALCP. Il n’empêche que le vote a servi de fanal pour désavouer dans les urnes un modèle de développement économique basé sur le maintien de la compétitivité de l’industrie d’exportation, gourmande de main-d’œuvre à bas prix. L’analogie avec l’Allemagne est ici permise : là où l’industrie allemande a réussi à maintenir sa bonne conjoncture en baissant les coûts de production à travers des réformes de l’État social et une modération salariale soutenue par les syndicats, les employeurs suisses y sont parvenus en augmentant la concurrence sur le marché du travail.

Dès lors, on ne peut que rester perplexe devant le choix du Conseil fédéral de proposer un projet de loi qui renforce encore davantage la précarisation des conditions de travail, en introduisant un permis de très courte durée jusqu’à 4 mois, qui remplace de facto les saisonniers d’hier. On comprend d’ailleurs mal l’argumentation du Conseil fédéral qui considère qu’une « dérogation générale aux mesures de limitation pour les séjours jusqu’à un an (…) ouvrirait la porte aux abus » (32), mais pas une rotation encore plus rapide de la main d’œuvre, limitée à 4 mois.
S’ajoute à cela que le besoin en main-d’œuvre immigrée du marché du travail suisse oscille depuis les années 1950 entre 20 % et 25 % de la population active, et à l’abri de crises financières et économiques majeures, le nombre d’étrangers professionnellement actifs s’est accru de 30 % durant les sept dernières années. Comme le montre l’histoire, l’introduction de contingents ne peut dès lors que renforcer le recours massif à de la main-d’œuvre au noir après épuisement des contingents prévus.

La CGAS s’oppose à tous les abus qui vont avec ce statut précaire de courte durée et à toute précarisation de l’emploi qui s’accentue encore lorsque les salariés sont jetés dans la clandestinité après épuisement des contingents, sans aucun droit et exposés à l’exploitation la plus sauvage.

3. La CGAS s’oppose à un avant-projet qui entérine
la gestion ultra-libérale du marché du travail sous couvert de « préférence nationale »

Dans un récent rapport, le gouvernement suisse a livré une analyse sobre de la mise en place d’une « libre circulation protégée » qui devaient répondre aux craintes selon lesquelles l’élargissement du bassin de recrutement de main-d’œuvre engendrerait une pression importante sur les salaires : « Les analyses du scrutin de 1992 sur l’Espace économique européen indiquaient que le scepticisme largement répandu à l’égard de la liberté de circulation des personnes avait joué un rôle dans le “non” de la population. En conséquence, le milieu politique a de mieux en mieux accepté l’idée de mesures en vue d’éviter toute pression sur les salaires – le Parlement avait encore refusé les mesures d’accompagnement demandées par les syndicats avant le vote EEE. Il n’était pas certain que les accords bilatéraux I (qui devaient régler la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE) réunissent une majorité populaire sans une plus grande protection des salaires ».

Ces mesures – et notamment l’obligation pour un employeur fournissant des services transfrontaliers de respecter les conditions minimales impératives de travail et de rémunération en vigueur ; l’instauration de « commissions tripartites » ayant le droit d’édicter des salaires minimaux sectoriels en cas de sous-enchère « abusive et répétée » ; les dispositions contre la sous-traitance abusive (responsabilité solidaire) - n’ont toutefois pas réussi à contenir le risque de sous-enchère induit par la mise en concurrence accrue des salariés.

Ces lacunes sont d’ailleurs confirmées à l’échelle fédérale année après année par les rapports officiels du Secrétariat à l’économie : en 2012, les contrôles (de tout type) n’ont été effectués qu’auprès de 3,5 % des salariés. Quant aux entreprises employant des travailleurs détachés, seules 37 % des entreprises responsables de dumping salarial ont reçu une amende… dont le montant moyen était de 880 CHF. Autre problème : les mesures d’accompagnement reposent en grande partie sur la possibilité de mettre en place des salaires minimaux de branche ou d’élargir la protection salariale prévue dans des CCT à des catégories plus larges de travailleurs, en se basant sur la notion de « salaire d’usage ». Or, avec seulement 25 % de personnes soumises à des CCT de force obligatoire, la définition des salaires d’usage s’est avérée impraticable.

On ne peut que dès lors que déplorer l’occasion loupée tant par les associations patronales nationales que par le Conseil fédéral d’étoffer davantage les mesures d’accompagnement avant le scrutin du 9 février. Et la récente décision de suspendre les quelques améliorations modestes jusqu’à ce que les modalités d’application de l’initiative « Contre l’immigration de masse » soient connues, confirme les craintes des syndicats selon lesquelles le vote du 9 février est aussi perçu comme une chance pour faire table rase des mesures d’accompagnement, qui pourraient purement et simplement être abandonnées à l’entrée en vigueur du nouveau régime. La décision de la BNS d’abandonner le taux plancher semble d’ailleurs accélérer la volonté de libéraliser davantage le marché du travail suisse.

L’avant-projet du Conseil fédéral se place dans ce contexte : Alors que dans le plan de mise en œuvre de juin 2014, il était encore souligné que l’application de l’art 121a Cst devait garantir « la préférence nationale et la protection contre la sous-enchère salariale et sociale » (9), dans l’avant-projet il est simplement fait mention qu’une adaptation des mesures d’accompagnement « devra être examinée lorsque la mise en œuvre de l’art. 121a Cst aura été arrêtée en détail » (23). Or, l’orientation est donnée dans l’avant-projet : d’un côté, il est prévu de renforcer les contrôles a priori « du respect de la préférence nationale » (10) analogue au contrôle préliminaire déjà prévu pour les ressortissants d’Etats tiers, permettant à terme que « le nombre de contrôles effectués au titre des mesures d’accompagnement (…) puisse être sensiblement réduit » (42). De l’autre, il est expressément affirmé que « si la demande concerne (…) une profession dans laquelle existe une pénurie de main-d’œuvre et qu’il n’y a pas lieu de croire que ces conditions ne sont pas respectées, l’avant-projet permet de renoncer à un autre examen » (12). En d’autres mots, les mesures d’accompagnement ne s’appliqueraient plus aux branches à forte demande de main-d’œuvre. A la lumière du récent cas des informaticiens roumains à Genève payés 800 euros par mois, on mesure l’impact qu’une telle disposition aurait sur des pans entiers de l’économie !

En échange, le Conseil fédéral propose « un train de mesures d’accompagnement qui doivent permettre de mieux exploiter le potentiel des travailleurs en Suisse » (4) censées mobiliser davantage la « main-d’œuvre indigène » avec de vagues recommandations aux entreprises en matière de formation, d’emploi des seniors, des femmes, des handicapés et des réfugiés. En ventilant qu’il sera ainsi possible de remplacer les infirmiers migrants dans les hôpitaux et les EMS, les serveuses dans les restaurants, les maçons sur les chantiers, le Conseil fédéral ne fait que renforcer le discours xénophobe qui se cache derrière la propagande de la préférence nationale.
La CGAS s’oppose à toute tentative d’affaiblissement des mesures d’accompagnement dans un contexte qui demande, au contraire, leur renforcement, et à toute idéologie xénophobe de « préférence nationale » qui tente de faire porter la responsabilité du dumping salarial et du chômage aux salariés immigrés.

4. Conclusion

À la lumière d’une sous-enchère salariale évidente et d’une relative inefficacité des mesures d’accompagnement, le compromis forgé autour d’une « libre circulation protégée » a perdu en crédibilité. Cette partie des salariés pour lesquels la « libre » circulation des personnes est devenue synonyme de la liberté pour les employeurs à embaucher sans retenue une main-d’œuvre étrangère potentiellement moins chère, a dès lors préféré tourner le dos aux syndicats pour rejoindre le discours de l’UDC qui militait pour la « protection des frontières » contre la menace immigrée et mettre un terme à l’ALCP.

L’avant-projet du Conseil fédéral ne fait qu’entériner une fausse solution qui accentue la discrimination entre migrants et résidents et légitime les idéologies xénophobes, il est source d’une importante précarisation des salariés immigrés et met fin ??? aux mesures d’accompagnement et donc des droits et protections existants sur le marché du travail suisse pour les travailleurs étrangers.

Les syndicats genevois y sont radicalement opposés. Pour nous, face à l’imposture sociale d’une extrême droite qui se nourrit de la désespérance sociale, il est plus que jamais nécessaire de faire progresser la démocratie et gagner de nouveaux droits et de nouvelles protections sociales. C’est cette orientation, que les partenaires sociaux genevois au tenu en concertation avec l’Etat, qui explique en partie que 61% des Genevois ont refusé d’actionner le frein à l’immigration alors même que la présence des frontaliers est forte dans le canton.

Pour la CGAS

Manuela CATTANI, SIT, présidente CGAS
Alessandro PELIZZARI, Unia, vice-président CGAS

PS:

1) Les pages se réfèrent au Rapport explicatif du Conseil fédéral du Projet de modification de la loi fédérale sur les étrangers, Mise en oeuvre de l’art. 121a Cst (février 2015)

2) Il n’est pas exclu qu’à terme l’Union européenne puisse juger un modèle de contingentement, basée sur une clause de sauvegarde, compatible avec l’ALCP, et notamment en liant une éventuelle renégociation aux discussions en cours sur l’assouplissement de certaines mesures d’accompagnement dans le contexte du « cadre institutionnel ».

3) Secrétariat à l’économie (SECO) (2014), Rapport bilan des CCT, Berne, mai.




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