Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

iban CH69 0900 0000 8541 2318 9

Résolution de la CGAS à l’adresse de l’Assemblée des délégués de l’USS du vendredi 23 mai 2014

mercredi 21 mai 2014 par Claude REYMOND

Bilan de la campagne SML à 4’000 francs et suites à envisager

S’il est juste de tirer systématiquement des bilans des campagnes syndicales menées, un bilan de la campagne pour l’initiative pour un salaire minimum légal est nécessaire à plus d’un titre :
a) l’axe de la campagne introduisait une nouveauté dans la politique syndicale, qui était jusqu’à aujourd’hui toujours hostile à une régulation étatique des salaires quand bien même nous devons tirer un bilan plus que mitigé du partenariat social, incapable de résoudre la question des très bas salaires et de moins en moins apte à répartir les gains de productivité ;
b) la campagne s’est déroulée immédiatement après la défaite du 9 février et était présentée par les syndicats comme l’alternative de gauche à la solution populiste de fermeture des frontières ;
c) la campagne a mobilisé des ressources syndicales importantes.
A partir de ces éléments, il y a lieu de dresser un bilan le plus honnête possible, ne minimisant ni le résultat, ni les faiblesses de la campagne.

Un score qui donne un signal de la moindre représentativité des syndicats auprès de la population

Comme dit plus haut, le score de l’initiative SML à 4’000 francs doit être comparé à celui de l’initiative contre l’immigration de masse et renvoie directement à la perte de terrain du mouvement syndical face aux thèses populistes et xénophobes de partis comme l’UDC, le MCG genevois ou la Lega tessinoise.

On peut toujours justifier le score par l’absence de droit de vote des premiers concernés par un relèvement du salaire, à savoir les migrants-es et, l’importante implication des patrons et de leurs moyens dans la campagne, force est de constater que l’initiative n’a pas convaincu au-delà de la capacité des forces gauche (entre 30 et 40%).

On pourra aussi prendre exemple sur les campagnes d’initiatives sur la réduction du temps de travail (un autre thème syndical constant) : refusée en 1976 à 78.5%, en 1988 à 65.7%, en 2002 à 74.6% ou sur le refus à 66,5% de l’introduction des 6 semaines de vacances en mars 2012. Ou encore les décennies où il a fallu œuvrer pour obtenir enfin le droit à un congé maternité.

Les initiatives politiques sur les thèmes fondamentaux du mouvement syndical n’ont pas été freinées par ces résultats, car l’objectif de ces initiatives était de faire avancer ces thématiques auprès des salariés.

Chaque initiative a été l’occasion de campagnes qui ont permis des avancées. La thématique des salaires minimaux, malgré le résultat du 18 mai, doit donc rester une thématique syndicale centrale et refaire l’objet de campagnes centrales des syndicats dans les années à venir.

Manque de collectifs de salariés défendant les buts de l’initiative dans les entreprises

Il est toutefois vrai que la campagne a souffert d’un manque de dynamique collective sur les lieux de travail et dans les principales branches directement concernées ainsi que d’une mobilisation quasi inexistante sous une forme collective des salariés directement concernés par la problématique des bas salaires. La campagne a été portée essentiellement par la structure professionnelle des syndicats et, dans le meilleur des cas, leurs militants aguerris.

L’incapacité du mouvement syndical à organiser collectivement les salariés directement concernés a permis au patronat de faire passer son message lié à la suppression des emplois. Dans une période économique où le chômage et l’emploi sont une préoccupation majeure, l’absence d’une réponse syndicale à hauteur des menaces de chômage de masse brandies par les patrons a scellé le sort de l’initiative,

Des occasions manquées

On peut en effet regretter le manque de réactivité dans la communication autour de cette campagne. Une campagne d’abord voulue comme une campagne contre le dumping salarial et le creusement des inégalités qui s’est ensuite transformée en une campagne reprenant des thématiques peu syndicales (« Un pays fort ») en lien avec la votation du 9 février. L’autre axe autour des salaires dignes et décents, faisant appel à l’entraide et à la solidarité, face à la menace de destruction d’emploi, ne pouvait guère fonctionner.
De même, on doit regretter que le mouvement syndical n’a pas complètement réussi à exploiter à fond le formidable potentiel de cette initiative, se sentant la plupart du temps gêné dans les branches où il signe de CCTs avec des salaires à moins de 4’000 francs au lieu d’utiliser cette initiative pour impulser des revendications salariales.
On ne peut que déplorer l’absence d’impulsion de campagnes dans des branches à bas salaire comme l’hôtellerie-restauration ou encore le nettoyage. Un regret d’autant plus fort que dans les branches où des campagnes ont été menées des résultats ont été obtenus.

L’initiative a permis des avancées importantes

Si on doit admettre que le score de l’initiative pour un salaire minimum constitue une défaite, il faut aussi rappeler que malgré ce résultat, les syndicats n’ont rien perdu : il n’y avait aucun salaire minimum légal avant le 18 mai, il n’y en aura malheureusement aucun après. Il n’y aura pas non plus de mouvement de baisse des salaires après la défaite du 18 mai.La campagne pour un salaire minimum légal aura même peut-être contribué à protéger les actuelles mesures d’accompagnement puisque ces dernières ont été mises en avant par les opposants comme réponse appropriée au dumping salarial.

Des résultats concrets dans certaines branches

La campagne aura par ailleurs permis des avancées au moins aussi importantes que celles menées par la précédente campagne des syndicats contre les bas salaires (menée sans initiative populaire) au début des années 2000.

Dans des branches comme les cliniques privées, le commerce détail ou encore l’industrie des machines des résultats conventionnels ou extra-conventionnels ont été obtenus grâce à l’initiative qui a durablement posé la référence de 4’000 comme seuil.

Dans l’industrie des machines, les résultats du dernier renouvellement conventionnel ont été présentés comme une percée historique. L’introduction d’un salaire minimum dans la CCT aurait-elle été possible sans l’initiative pour un salaire minimum légal ? Lidl, Aldi ou encore H&M auraient-ils augmenté les salaires de leurs employés à plus de 4’000 francs ?

Les syndicats pourront encore dans les années à venir se servir de cette campagne pour imposer des salaires à 4’000 francs dans des entreprises et des branches ou à travers des initiatives locales, car nous avons réussi, malgré la défaite dans les urnes, à faire entrer dans la tête de la population ce seuil de 4’000 francs.

Une boussole politique dans des temps difficiles

La campagne a aussi été utile en ce sens qu’elle a constitué une boussole pour les syndicats et les salariés ces dernières années. Elle a permis de démarquer les syndicats tant des organisations patronales que des forces populistes. Si les résultats ne sont pas immédiats, dans une logique de reconquérir des salariés séduits par les campagnes xénophobes et d’organiser les salariés dans le cadre d’un programme politico-syndical, le fait d’avoir une boussole avec des campagnes centrales est primordial.

Perspectives après le 18 mai

Comme déjà dit la lecture des résultats de la votation du 18 mai ne peut se faire indépendamment de celle des résultats du 9 février.

La NON exprimé contre le salaire minimum renvoie à un contexte de défaites pour le mouvement syndical et les salariés avec une montée de l’extrême droite.
C’est un contexte dans lequel le patronat est en confiance et préfère faire des concessions à l’extrême droite plutôt qu’aux syndicats (cf. leur position sur l’application de l’IN contre l’immigration de masse).

Ce contexte obligera les syndicats à une série des batailles défensives décisives, que ce soit contre l’initiative à venir Ecopop ou avec le lancement de référendum tant en cas de démantèlement des mesures d’accompagnement que d’une loi d’application de l’initiative UDC qui péjorerait les droits des travailleurs immigrés. Des batailles devront aussi se mener concernant nos retraites que ce soit en faveur de l’initiative AVS+ ou contre le projet Prévoyance vieillesse 2020.

Nécessité d’une nouvelle campagne d’envergure en perspective du prochain Congrès de l’USS

Dans un tel contexte, ne pas rebondir après le 18 mai serait catastrophique pour le mouvement syndical, qui, en accusant la défaite, laisserait un boulevard à l’extrême droite. Non seulement nous nous devons de continuer la bataille autour de salaires minimaux à intégrer sans doute pour les prochaines années dans des campagnes locales ou de branches pour ensuite de nouveau reposer la question au niveau national, mais nous devons aussi rapidement nous doter au plus vite d’une nouvelle campagne d’envergure articulée autour d’une initiative fédérale en vue d’améliorer les droits et protections des salariés.

Le Congrès de l’USS prévu en automne prochain doit être l’occasion de lancer une telle campagne et permettrait de redonner une boussole au mouvement syndical pour les prochaines années.

Il y a nécessité à lancer une nouvelle bataille pour plus de protection pour les salariés.

L’Assemblée des délégués de l’USS est ainsi invitée à valider la proposition suivante en vue du congrès de l’USS :

Etudier le lancement d’une nouvelle initiative constitutionnelle accompagnée de campagnes dans l’ensemble des branches et entreprises couvertes par les syndicats se reposant sur deux axes : la protection des emplois et des salaires.

L’application des conditions minimales de travail et de salaire doit être garantie par
► un renforcement massif des contrôles (incluant le droit d’accès aux entreprises pour les syndicats) ;
► un durcissement des sanctions et la possibilité d’interrompre le travail en cas de forte suspicion ;
► des salaires minimums devant être instaurés dans les branches qui n’en connaissent pas encore, et rendus possibles par le biais d’une DFO facilitée (par des commissions tripartites cantonales) ;
► une protection contre les licenciements - améliorée de façon générale, mais surtout lors de licenciements collectifs et pour les représentant-e-s des travailleurs.

PS:

Adoptée par le Comité CGAS du 15 mai 2014, communiquée - sans modification - aux instances centrales USS + Travail.Suisse le lendemain de la votation sur le salaire.minimum