Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève
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Mesdames, messieurs, chers amis,
Comme Dominique COSTANZO était un chef syndicaliste, je crois nécessaire que nous disions quelques mots à ce sujet avant de lui dire adieu et sa mise en terre. J’ai pensé qu’il conviendrait de vous parler du commencement de son engagement syndical dans la Fédération suisse des typographes, et j’ai cherché dans mes notes ce que je tiens de plus ancien le concernant. Voilà l’histoire.
Pendant la dernière année de mon apprentissage à la Tribune de Genève en 1975, j’ai fait la connaissance de Dominique avec qui j’effectuais parfois de la distribution du plomb. Il était syndiqué, je faisais partie du groupe apprentis.
J’ai été élu délégué aux élections de la sous commission ouvrière Tribune de Genève en 1976 pour les journaux périodiques + de l’atelier intertype. Devant descendre à la clicherie les formes de la Feuille d’Avis officielle, qui seraient transformées flans puis en cintres stéréotypiques pour la rotative typo, j’ai eu l’occasion de transporter ces derniers à la rotative labeur à proximité de l’expédition dans laquelle travaillait Dominique.
Dans la mesure où il s’occupait également du déchargement des bobines papier pour celle-ci, pour la rotative hélio du rez-de-chaussée et pour la grande offset du sous-sol, il connaissait bien les auxiliaires qui travaillaient sur tous ces équipements puisque c’est à eux qu’il remettait les bobines.
Il savait que je faisais partie du groupe de base de l’imprimerie qui imposa au comité de section d’alors le débrayage pour conserver le renchérissement au point, groupe qui introduisit à l’automne plusieurs de ses membres au comité dans la perspective du renouvellement contractuel de 1977.
Un auxiliaire de la rotative hélio n’était plus en mesure de fournir de gros efforts physiques. Cette machine devant être vendue prochainement, l’employeur ne voulait pas trouver un poste de travail plus léger dans l’entreprise, et la sous commission ouvrière n’ayant pas vraiment montré les dents, ce collègue allait perdre son emploi.
C’est alors que Dominique est venu me chercher et qu’ensemble nous avons rédigé une réclamation à l’intention du directeur Studeman, avec statistiques des poids déplacés par le camarade, description de son astreinte pendant 11 ans aux horaires d’équipe en 3x8h, carences de formation ou de promotion professionnelles internes. Des arguments qui n’avaient jamais été utilisés : une humble requête pour le respect de la dignité de l’homme et constatant sa déficience résultant des contingences de son exploitation. Le projet de notre démarche a fait sourire la sous commission ouvrière, qui nous a toutefois autoriser à entreprendre. Et le directeur nous a reçu tous les deux : il accepta que nous cherchions parmi ses fournisseurs un emploi adapté pour notre collègue > c’est Dominique qui l’a trouvé = ce fut un transfert d’emploi avec ancienneté auprès de Sauvin Schmit, au revenu identique et avec une garantie pendant 6 mois de retour à la Tribune si sa nouvelle activité s’avérerait incompatible avec sa santé. Il me semble qu’il y travailla plus de dix ans.
Ce premier succès a permis à Dominique de convaincre la sous commission ouvrière d’ouvrir des girons électoraux dans chaque atelier comprenant plus d’un tiers d’auxiliaires parmi ses effectifs. Pour nous, c’était d’autant plus important que la Fédération suisse des typographes revendiquait l’introduction des auxiliaires dans sa convention collective. En mars 1977, 3 nouveaux girons furent pourvus et c’est dans un 4e giron, le seul comportant plus d’auxiliaires que de professionnels, que Dominique fut élu, avec plus de 80% des voix - dont toutes celles de ces derniers.
J’ai milité avec ce collègue pendant plus de 20 ans, et ce n’est qu’après une dizaine d’années que je me suis aperçu qu’il ne lisait pas mes projets : il photographiait les mots et savait trouver le sens de la graphie. Un phénomène extraordinaire ce Dominique, qui pouvait sentir dans les textes des choses non écrites mais présentes dans l’esprit de l’auteur = une qualité très appréciable pour les négociations. Avant lesquelles il nous rappelait « savoir donner le doux et l’amer », pour gagner le meilleur, pour sauvegarder l’essentiel.
De lui, nous avons reçu plus souvent le doux, et je l’en remercie une ultime fois.
Claude REYMOND, typographe et secrétaire syndical CGAS, le 06-05-2014