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Paru dans le Courrier 19 septembre

L’école a gagné son procès

mardi 19 septembre 2006 par Claude REYMOND

Genève/article
L’égalité des chances, pour aujourd’hui ou pour demain ?

CHRISTOPHE KOESSLER

Paru le Mardi 19 Septembre 2006

« L’école a gagné son procès », expliquait jeudi soir Charles Magnin,
professeur d’histoire de l’éducation à l’université de Genève, lors
d’une conférence organisée par la maison de quartier des Eaux-Vives.

« Si dans les années 1960, beaucoup reprochaient à l’école de
dispenser une culture de classe, la critique est aujourd’hui
complètement effacée. »

On accepte en effet facilement l’idée que notre école permette à
chacun de gravir les échelons de la réussite sociale, voire d’accéder
aux plus hautes sphères du pouvoir. Pourtant, l’égalité des chances
entre les élèves provenant de milieux sociaux différents n’a pas
beaucoup progressé, a rappelé le chercheur, qui a exposé l’histoire
de cette idée.

C’est l’aristocrate Horace Bénédicte de Saussure qui a lancé le coup
d’envoi, en 1774, en faisant la promotion de l’« idéal
méritocratique » : que chacun accède à la position sociale
correspondant à son mérite personnel, et non à son héritage social et
culturel ! L’école est alors pour la première fois envisagée comme un
lieu possible de redistribution permanente des places sociales, dans
une société très inégalitaire.

Mais ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle, en 1848,que l’école
primaire devient accessible à tous grâce à la gratuité instaurée
cette année-là.

Dès ce moment, beaucoup en ont conclu que l’école était devenue
démocratique, a poursuivi M.Magnin. « Il suffisait qu’un fils
d’ouvrier exceptionnellement doué atteigne les plus hautes sphères de
la société pour qu’on en soit persuadé. »

L’esprit critique a toutefois repris le dessus et on s’est vite
aperçu que seuls les fils de « bonne famille » accédaient aux postes à
responsabilité.

« C’est parce que l’école secondaire est restée payante », en ont
conclu les socialistes genevois dans les années 1920. Mais pas moyen
de faire passer le projet d’unification de l’école primaire et
secondaire. Il a fallu attendre jusqu’en 1966 pour que le Cycle
d’orientation soit généralisé et devienne accessible à tous. « C’était
les trente glorieuses. Le vent avait tourné et on n’avait pas assez
de main-d’oeuvre formée », explique Charles Magnin.

Enfin une école égalitaire ? Eh bien non. « L’égalité des chances
n’existe pas », démontrèrent Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron
en 1964 (alors que des réformes scolaires identiques avaient été bien
antérieures en France). Les deux sociologues ont même calculé que les
enfants de cadres avaient neuf fois plus de chances d’aller à
l’université que ceux des ouvriers.

Et la situation n’aurait guère changé aujourd’hui. La question a donc
fusé du public : « Davantage d’égalité des chances à l’école est-elle
possible dans une société mondialisée dans laquelle les inégalités se
creusent ? » Charles Magnin se veut résolument optimiste. « Si, de nos
jours, on ne peut plus affirmer que l’école véhicule une culture de
classe, force est de constater que la culture dispensée est difficile
d’accès pour maints élèves de milieux populaires. C’est une piste
sérieuse à étudier à l’avenir. » Bien plus porteuse que les disputes
actuelles sur la question des notes, qui occulte les vrais questions
auxquelles l’école est confrontée, selon le professeur. CKr

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