Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Lettre de lectrice proposée à la Tribune de Genève

Hello le soleil brille brille brille

Adresse aux Verts et aux Socialistes qui soutiennent le projet de Constitution

samedi 13 octobre 2012

La Constituante a travaillé pendant quatre ans dans des conditions souvent difficiles, voire homériques (la droite, majoritaire, ayant, dans un premier temps, supprimé toutes les avancées sociales), avant d’accoucher d’un projet de 50 pages que les citoyen-ne-s ont reçu bien tardivement pour en prendre connaissance.

Le projet de nouvelle constitution était censé donner, pour une centaine d’années, un texte tourné vers l’avenir, destiné aux générations futures, tenant compte du monde dans lequel nous vivons : menacé par le réchauffement climatique et le pouvoir exorbitant de la finance, voire une constitution pensant une région où il ferait bon vivre.

Au lieu de cela, nous avons un projet, certes bien rédigé, lisible, clairement découpé en 7 titres, mais qui affirme d’entrée de jeu une vision néolibérale de la société (art. 9) et annule un certain nombre d’articles de loi votés par le peuple (comme l’art. 160E sur l’énergie). La mise en application des différents articles sera soumise à la majorité de droite du le Grand Conseil, avec les interprétations néolibérales prévisibles, qui nuiront à l’ensemble des citoyen-ne-s.

En outre, le projet rend plus difficile l’exercice de la citoyenneté en donnant des pourcentages (3% pour l’initiative législative, 4% pour l’initiative constitutionnelle, 3% pour le référendum facultatif, art. 56, 57, 67), ce qui augmentera inexorablement le nombre de signatures (actuellement 240’000 électeurs). Avec 7000 et 10’000 signatures, Genève est déjà le canton qui en exige le plus. En comparaison, Zurich en demande 3000 et 4000 pour 873’000 électeurs, soit 0,35% et 0,45% ! En outre, il y a des modifications pour l’élection du Grand Conseil (art. 81,2), du Conseil d’Etat (art. 102), dont le mandat est porté de 4 à 5 ans, ce qui diminue la possibilité pour le peuple de choisir ou de sanctionner ses élu-e-s.

Certes, le texte apporte des nouveautés dans les droits fondamentaux (titre nouveau) : les droits des personnes handicapées (art. 16,1), la langue des signes (16,3), le droit à un environnement sain (19), les droits de l’enfant (23), la mention de la Genève internationale (106,3), notamment. Mais ce sont de beaux principes sans mesures d’accompagnement. Rappelons que l’assurance maternité figurait en 1945 dans la Constitution fédérale et qu’elle n’est entrée en vigueur qu’en en 2005, 60 ans plus tard !

Enfin, ce projet a manqué le coche sur des points importants : une avancée significative des droits des femmes (la parité, les mesures pour instaurer un salaire égal entre femmes et hommes, des crèches en quantité suffisante, un congé parental, notamment), le droit de vote et d’éligibilité des étrangers sur le plan cantonal, une réforme ambitieuse sur l’organisation et la fiscalité des communes.

Ce n’est pas pour rien que tous les syndicats et les forces vives de la gauche refusent ce projet.

Personnellement, j’ai de la peine à comprendre pourquoi les Verts et le PS ont non seulement accepté un texte qui va péjorer le quotidien de la majorité des citoyen-ne-s mais le défendent avec ardeur.

Je les compare au héros du Pont de la rivière Kwaï de David Lean (1957). Pendant la Deuxième guerre mondiale, en Birmanie, le colonel britannique Nicholson et ses soldats sont les prisonniers du colonel japonais Saïto. Pour le bien de ses subordonnés, Nicholson accepte de diriger la construction d’un pont qui doit être terminé pour le passage d’un train d’importance stratégique. Le jour J, Nicholson est si fier de son œuvre qu’il oublie le but même de son engagement et alerte Saïto quand il découvre les fils de dynamite, posés par les Alliés américains.

A l’issue de ces quatre ans de travail, les Verts et les Socialistes, contents de leur œuvre, semblent avoir perdu de vue le sens même de leur engagement envers celles et ceux qui les ont élu-e-s…

Huguette Junod « Femmes pour la parité »