Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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votations du 24 septembre 2006

LEtr + LAsi = 2 x NON

lundi 4 septembre 2006 par Claude REYMOND


1. NON à la Loi sur les étrangers (LEtr)

Introduction

La Loi sur les étrangers (LEtr) a été proposée par le Conseil fédéral en 2002. Elle entérine et renforce la politique actuelle des deux cercles, qui ne permet quasiment plus aux ressortissants extra-européens de s’installer dans notre pays (excepté les personnes hautement qualifiées). La LEtr vient d’être avalisée par le Parlement en décembre 2005 après de nombreux durcissements par rapport à la proposition déjà rétrograde du Conseil fédéral. Un référendum a abouti contre cette loi ainsi que contre la Loi sur l’asile (LAsi). Le peuple suisse sera appelé à voter le 24 septembre 2006.
Pourquoi voter NON ?

Définition : Les accords bilatéraux avec l’Union européenne (UE) régissent le séjour en Suisse des résidants de l’Union européenne (25 pays) et de l’Association européenne de libre-échange (AELE, Suisse, Liechtenstein, Norvège, Islande). Ils sont appelés ici « européens ». La LEtr concerne le séjour des personnes d’autres nationalités, dénommées ici « extra-européens ». La situation des demandeurs d’asile est réglée dans une loi à part, la loi sur l’asile.

Renforcement d’une ségrégation entre étrangers

La Suisse devrait recevoir correctement toutes les travailleuses et travailleurs actifs dans notre pays, quelle que soit leur provenance. Au lieu de cela, la nouvelle loi renforce une discrimination indéfendable entre les personnes européennes et extra-européennes. Ainsi, un européen peut s’établir en Suisse dès qu’il a un emploi et reçoit un permis B valable 5 ans, automatiquement transformé en permis C après ce délai. Le regroupement familial est facilité et permet d’accueillir les enfants jusqu’à 21 ans (plus tard si à charge des parents). Il peut changer d’emploi et de canton.
C’est une autre musique pour un extra-européen. Le permis B n’est valable qu’un an et doit être renouvelé chaque année par l’employeur. Après 10 ans, le permis C peut être octroyé après un examen approfondi des autorités cantonales. Il s’agit là d’un examen humiliant pour une personne qui vit, travaille et paie ses impôts en Suisse depuis au moins 10 ans ! Le regroupement familial est rendu plus difficile (voir ci-dessous), l’âge limite permettant de faire venir des enfants est notamment abaissé à 12 ans.
Regroupement familial limité
Si la LEtr supprime le statut de saisonnier, le regroupement familial est rendu plus difficile à plusieurs égards pour les extra-européens. Fini l’automatisme au droit de regroupement familial pour les conjoints et les enfants, il devra désormais intervenir dans les 5 premières années de séjour, transformant la nécessité de remplir les conditions imposées - avoir notamment un logement convenable (ce qui n’est pas rien à Genève !) et un revenu suffisant - en véritable course contre la montre. Actuellement, le regroupement familial permet aux enfants extra-européens jusqu’à 18 ans d’obtenir un permis de séjour pour rejoindre leurs parents en Suisse, sans limite de temps. Avec la nouvelle loi, ce regroupement ne sera autorisé en principe que pour les enfants de moins de 12 ans. Les plus âgés devront rester dans leur pays !

Vivre ensemble ou quitter la Suisse

La LEtr impose l’obligation de vivre ensemble pour les époux, notamment issus de couples binationaux dont un des conjoints est extra-européen. Cette clause peut engendrer des situations dramatiques en cas de violences maritales. Ainsi, une femme victime de violence qui se résoudrait à quitter le domicile conjugal pourrait perdre son autorisation de séjour après constat de la séparation (aujourd’hui, seulement en cas de divorce). Le risque est grand qu’une femme originaire d’un pays extra-européen décide de continuer à subir ces violences plutôt que de risquer une expulsion. Cette disposition touche davantage les femmes puisqu’il y a deux fois plus de femmes extra-européennes ayant épousé un Suisse que l’inverse. Par ailleurs, les violences domestiques sont beaucoup plus exercées contre les femmes que contre les hommes. Si des exceptions à cette exigence de ménage commun sont prévues dans la LEtr, notamment en cas de violences conjugales, une application restrictive de cette disposition est à craindre.

Les mariages mixtes systématiquement soupçonnés

La LEtr exige des officiers de l’état civil qu’ils refusent de célébrer un mariage qu’ils considèrent comme une union de complaisance. Cette disposition ouvre ainsi la porte à la suspicion systématique de mariage blanc pour tous les couples binationaux dont un des conjoints est extra-européen et au jugement arbitraire de l’officier de l’état civil. Elle affecte donc aussi les Suisses et résidants européens qui se marieraient avec un/e conjoint/e extra-européen/ne.

Une machine à fabriquer des clandestins

Seuls les extra-européens hautement qualifiés ou présentant un intérêt économique majeur pourront s’installer en Suisse. Cette limitation ne correspond pas à la réalité des besoins de notre économie. Les travailleuses et travailleurs extra-européens effectuent souvent les travaux les plus pénibles et les moins bien rémunérés dans les secteurs de l’agriculture, de l’économie domestique, de l’hôtellerie ou de la restauration : des emplois que les ressortissants suisses ou européens ne veulent plus occuper. Avec la LEtr, les extra-européens n’auront aucune possibilité d’obtenir une autorisation de séjour, malgré la forte demande de ces secteurs, qui emploieraient déjà 100’000 à 200’000 travailleuses et travailleurs sans statut légal. Cette situation hypocrite ne pourra que maintenir ces personnes dans la clandestinité et augmenter leurs effectifs.

Régularisation des Sans-Papiers impossible

Cette loi rend impossible la régularisation de la situation de certaines personnes sans statut légal malgré la nécessité de sortir de la précarité toute une population travaillant et vivant dans l’ombre en leur offrant un permis de séjour. Le Conseil national avait pourtant proposé de faire un examen approfondi des demandes de régularisation provenant de Sans-Papiers établis en Suisse depuis plus de 4 ans. Le Parlement a finalement rejeté cette proposition. Le canton de Genève a lui demandé à Berne de régulariser 5’000 personnes sans statut travaillant dans l’économie domestique. Le Conseil fédéral doit répondre prochainement à cette demande.

En prison pour 2 ans !

Les mesures de contrainte ont surtout été discutées à travers les révisions successives de la loi sur l’asile, mais ces mesures figurent dans la LEtr et sont applicables à tous les étrangers visés par un renvoi. La LEtr durcit les mesures de contrainte en multipliant les possibilités de détention additionnelles par rapport à la loi actuelle, permettant de maintenir une personne enfermée jusqu’à deux ans, alors que son seul délit est de ne pas pouvoir ou pas vouloir quitter la Suisse. Cette durée correspond à un délit grave en droit pénal. Dans la pratique, le champion des mesures de contrainte est le canton de Zurich avec plus de 3’000 cas par an. Comme le constate un rapport remis au Parlement, le zèle zurichois a juste démontré son inefficacité, établissant que des mesures de contrainte prolongées ne faisaient pas plus quitter la Suisse aux personnes ainsi enfermées. De plus, la majorité sont des étrangers qui n’ont pas passé par la procédure d’asile : l’objectif est bel et bien de disposer d’un arsenal étendu contre toute personne sans statut légal.

Notre souhait

Nous voulons vivre ensemble, développer de nouvelles solidarités et construire un meilleur monde que celui basé sur le rejet. Pour cela, toute personne au bénéfice d’un emploi, quelle que soit sa provenance, devrait avoir droit à un permis de séjour accompagné des droits imprescriptibles de pouvoir vivre avec sa ou son conjoint et ses enfants et de voir respecter les droits fondamentaux pour elle/lui et sa famille (accès aux soins et à la formation, protection, etc.).

2. NON à la modification de la Loi sur l’asile (LAsi)

Introduction

Depuis sa création en 1979, la Loi sur l’asile (LAsi) a été constamment modifiée. De ce fait, de l’avis même du Conseil d’Etat genevois : « La tradition humanitaire de la Suisse est elle-même menacée par le fait que chaque révision […] introduit dans la loi de nouvelles normes restrictives, qui diminuent les possibilités d’accès à une procédure d’asile ordinaire et favorisent la rapidité de traitement des dossiers au détriment de la qualité. La LAsi s’érige ainsi progressivement en obstacle aux flux migratoires, au même titre que le projet de la nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) qui consacre l’exclusion de la migration non qualifiée extra-européenne dans notre pays ». (Extrait de la réponse du Conseil d’Etat genevois à la procédure de consultation sur la modification de la LAsi 26.09.01.)

Rien ne justifie de tels durcissements, car l’accueil de personnes en danger est un devoir pour une société pacifique et démocratique, et la Suisse, dépositaire de la Convention de Genève sur les réfugiés, ne saurait renier son engagement.

Avec les nouvelles dispositions introduites par le Conseil fédéral et le Parlement, la loi sur l’asile est devenue une loi contre l’asile.

Les référendaires s’opposent en particulier aux dispositions suivantes :

Pas de passeport : on n’entre pas en matière

La loi prévoit de ne pas entrer en matière si le requérant d’asile ne présente pas, dans les 48 heures, un passeport ou une carte d’identité. Un certificat de naissance ou un permis de conduire etc. ne suffiront plus. Or, près de 40 % de la population mondiale est dépourvue de tels documents et les personnes persécutées doivent souvent fuir leur pays à la hâte, sans pouvoir se munir de leurs papiers, souvent ceux-ci sont confisqués par les États persécuteurs. Au moins deux tiers des personnes qui ont obtenu le statut de réfugié dans notre pays se sont présentés à nos frontières sans document permettant de les identifier et, comble de l’absurde, les autorités suisses considèrent d’habitude que le fait de posséder un passeport est un indice que la personne qui demande la protection de notre pays n’est pas persécutée.…
Cette mesure conduira a des violations de la Convention de Genève sur les réfugiés car, même si elle prévoit certaines exceptions, il est clair que la non entrée en matière conduira au renvoi de personnes menacées de persécutions. Elle est vivement critiquée par le Haut Commissariat aux réfugiés et par le Commissaire pour les droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

Vous venez d’un pays voisin : on n’entre plus en matière

Il est impossible d’arriver en Suisse par voie terrestre sans passer par des pays tiers.

En dehors des États voisins ou de ceux de l’Union européenne, d’autres pays tiers pourront aussi être considérés comme « sûrs ». La loi prévoit maintenant le renvoi systématique vers ces pays, elle présuppose qu’ils seront disposés à reprendre la personne concernée sur leur territoire. Ces dispositions conduiront ainsi à des négociations incontrôlables, voire à des renvois « sauvages ».

Par cette clause de non entrée en matière avec renvoi vers un pays tiers, la Suisse veut se décharger sur les autres pays des demandes de protection qui lui ont été adressées. C’est une attitude inacceptable pour un pays qui est très éloigné des zones de conflits, et qui n’est donc pas le plus sollicité. La grande majorité des requérants reste déjà dans leur région d’origine. En outre, il existe des différences énormes dans la façon d’examiner les demandes et d’octroyer l’asile entre ces différents pays « sûrs ».

Enfin, cette logique de renvoi vers un pays de transit ne tient pas compte des liens sociaux, amicaux ou de parenté qui peuvent pousser un requérant à venir en Suisse plutôt que dans un autre pays.

Des renseignements communiqués

au pays d’origine avant la fin de l’examen de la demande d’asile
La transmission de renseignements à l’État persécuteur avant de s’être assuré que le demandeur ne risque rien en cas de renvoi dans son pays d’origine peut mettre gravement en danger sa famille ou ses proches restés sur place. Or la modification de la loi permet cette pratique dès la première décision de renvoi, même si celle-ci est contestée par recours. S’il s’avère que la première décision n’a pas évalué correctement les risques de persécutions encourus par le demandeur, les contacts pris avec le pays d’origine risquent de conduire à des mesures de rétorsion contre les membres de sa famille.
Cette précipitation à vouloir organiser le renvoi est caractéristique de la modification de loi, qui ne se préoccupe plus guère d’assurer une procédure irréprochable aux victimes de persécutions.

Les requérants déboutés exclus de l’aide sociale

Depuis 2004, les requérants frappés d’une non-entrée en matière (NEM) sont exclus de l’aide sociale ordinaire. Ils ne reçoivent qu’une aide d’urgence en nature. Lorsqu’elle se prolonge, cette aide est aux frais des cantons et il a fallu une décision du Tribunal fédéral pour qu’ils remplissent, de mauvaise grâce pour plusieurs d’entre eux, cette obligation imposée par la Constitution fédérale. Mais même là où elle existe, cette aide est tout à fait insuffisante, et elle marginalise totalement les personnes concernées d’autant qu’un retour dans leur pays est souvent impossible ou inenvisageable.

Avec la loi révisée, Berne se déchargera sur les cantons de ses devoirs d’assistance pour tout requérant débouté. Cette situation infrahumaine sera celle de milliers de personnes, y compris des familles, des femmes enceintes, des personnes âgées ou malades, des mineurs non accompagnés. Pour ces derniers, la suppression de l’assistance conduira à des violations de la Convention des droits de l’enfant.

D’une façon générale, Les personnes touchées par cette mesure sont plongées dans la misère et incitées à la délinquance et leur santé, physique et psychique, est mise en danger, ce qui entraînera également des risques pour la population de notre pays.

Jusqu’à deux ans de prison indépendamment de tout délit pénal

Avec la révision de la loi sur l’asile, les personnes qui s’opposent à leur renvoi pourront être placées en détention pendant deux ans, une durée limitée à un an pour les jeunes entre 15 et 18 ans. Cela indépendamment de tout délit pénal. A relever qu’il faut commettre un acte grave, comme une agression avec violence ou un viol, pour être condamné à deux ans de prison. Cette mesure coûtera cher et ne favorisera pas l’exécution des décisions de renvoi. En effet, selon un rapport de l’organe parlementaire de contrôle de l’administration (OPCA), si les détenus ne se décident pas à quitter la Suisse pendant les trois premiers mois de détention, il y a peu de chance qu’ils le fassent plus tard.

Cette disposition a également été reprise dans la loi sur les étrangers (LEtr), il faut donc s’opposer à cette loi aussi.