Communauté genevoise d’action syndicale

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Loi sur les manifs ou matraque idéologique ?

vendredi 24 février 2012 par Claude REYMOND

VENDREDI 24 FéVRIER 2012

Philippe Bach

Pas le choix : la loi sur les manifestations sur laquelle les Genevois voteront le 11 mars prochain nous oblige à adopter une position libérale-radicale !
Libérale, car ce sont bien les libertés publiques mises à mal par ce texte aux relents antidémocratiques qui sont en cause. Il est d’ailleurs curieux que la communauté des juristes ne se mobilise pas davantage, ce projet posant pourtant passablement de problèmes au regard du droit et du respect des libertés.

Un organisateur de manifestation pourra être condamné à une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 francs. Et ceci en l’absence de toute faute ! Si quelques black blocs s’infiltrent dans son cortège et provoquent de la casse, il aura fort à faire pour prouver que tout a été tenté pour prévenir ces dérapages. Au vu de l’hystérie sécuritaire qui règne depuis quelques années en Suisse, il est bien optimiste d’espérer que les institutions sauront raison garder en la matière et respecter de manière sensée le principe de proportionnalité. On relèvera aussi la restriction importante d’un droit fondamental, garant des libertés démocratiques, et qui verra un tel organisateur malheureux être privé de la possibilité de mettre sur pied un nouveau rassemblement.

La question d’une conformité de cette loi au droit supérieur, et plus particulièrement aux dispositions constitutionnelles garantissant les droits fondamentaux, pourrait être posée via un recours devant le Tribunal fédéral en cas d’acception de la loi.

Et il convient d’être radical face à ce texte. C’est-à-dire d’aller à la racine des problèmes. Depuis 2003, sur plus de 2600 manifestations, seules trois ont posé problème. Pourtant, les partis bourgeois prennent prétexte de ces dérapages pour restreindre de manière substantielle les droits démocratiques. C’est donc que le problème est ailleurs.

Le but de ce texte est bien de mettre au pas le mouvement social. La crise fondamentale qui ébranle depuis 2008 le système capitaliste provoque ce genre de réponses visant à garantir les intérêts dominants. On assiste actuellement à une socialisation des pertes et à un train de privatisation et d’austérité inhérents à toute recomposition du système. Les victimes sont connues : les travailleurs, la fonction publique, les usagers de cette dernière privés de prestations. S’il leur venait l’idée de se révolter face à cette iniquité, le message est clair.

Et il s’inscrit dans une tendance lourde. Les espaces démocratiques ont été à plusieurs reprises restreints : la première mouture de la loi sur les manifestations, datant de 2003, était déjà problématique. Depuis, on a notamment vu les votes successifs de lois introduisant des périmètres d’interdiction – une disposition antijeunes – ou encore la sinistre loi contre les mendiants Roms. La pratique est de plus en plus répressive : les mal logés ont été amendés pour un tract distribué devant le Grand Conseil, ce qui est pourtant tout à fait légal.

Par petites touches, les libertés se réduisent. Or celles-ci ne se divisent pas. Lorsqu’on commence à les grignoter, la tentation est forte d’aller plus loin, de justifier un premier reniement des principes démocratiques par une nouvelle entaille. Pourtant, ces droits sont fragiles et précieux. Ne les bradons pas au nom d’une pseudo-sécurité qui n’est qu’illusoire. Aucune violence ne sera prévenue par un tel dispositif, qui n’est rien d’autre qu’une matraque idéologique.