Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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à propos du droit d’information

vendredi 17 février 2012 par Claude REYMOND

Le droit d’information sur les lieux de travail :

une base fondamentale pour le partenariat social

Préambule

Sans l’existence d’organisations syndicales et patronales représentatives, le partenariat social n’a guère de sens. La représentativité de ces organisations se base sur les droits fondamentaux de la Constitution fédérale qui accordent aux citoyennes et citoyens des droits inaliénables, dont la liberté de coalition. Celle-ci octroie aux travailleurs et travailleuses, aux employeurs et à leurs organisations le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d’y adhérer ou non.

Force est de constater qu’à Genève, les organisations syndicales sont de plus en plus victimes d’entraves majeures dans l’exercice de leur droit d’informer des travailleurs sur les lieux de travail. Pourtant, selon les conventions internationales ratifiées par la Suisse, l’accès aux lieux de travail doit être garanti aux représentants syndicaux afin que ceux-ci puissent entrer en rapport avec les travailleurs, pour les informer des avantages que la syndicalisation peut leur procurer, comme de les instruire des droits et des devoirs impartis par les conventions collectives ou la loi. Ce droit est d’autant plus nécessaire que les délégués syndicaux, ou élus du personnel, ne bénéficient d’aucune protection particulière dans l’exercice de leurs fonctions et responsabilités.

L’interdiction faite aux représentants syndicaux de pénétrer dans les locaux des entreprises constitue dès lors une violation grave du droit des organisations syndicales d’exercer librement leurs activités. Ces interdictions sont d’autant plus choquantes qu’elles émanent d’entreprises soumises à des conventions collectives de travail, dans le cadre desquelles les partenaires sociaux se sont engagés à garantir la liberté syndicale. La multiplication des interdictions d’accès - dans un contexte où la Fédération romande des entreprises édite une brochure (« Grève, séquestration et autres mesures de combats collectifs », octobre 2010) qui suggère, entre autres, à ses membres de « porter plainte pour violation de domicile » (p.12) - mettent sérieusement en danger le partenariat social dans ce canton.

C’est pourquoi la CGAS a interpellé, en octobre 2011, le Conseil d’Etat afin de garantir aux organisations syndicales le droit d’information à l’intérieur des entreprises et de veiller à ce que l’action ordinaire d’information par les syndicats près des lieux de travail ne soit pas systématiquement entravée par des interventions policières inopportunes. Cette lettre ouverte a été accompagnée pour une résolution déposée fin octobre au Grand Conseil genevois « Sauvegarde des droits syndicaux à Genève ».

Suite à une discussion au sein Conseil de Surveillance du marché, le Conseil d’Etat a invité les partenaires sociaux à se rencontrer pour faire un état des lieux de la problématique. Le présent document représente dans ce cadre la prise de position syndicale.

1. Bases juridiques

La liberté de coalition est ancrée à l’art. 28 CF. Elle se fonde sur les bases juridiques internationales suivantes :

-  art. 11 CEDH,

-  art. 8 Pacte I ONU,

-  art. 22 Pacte II ONU,

-  Convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical de l’Organisation internationale du travail (OIT, en anglais ILO) et la

-  Convention no 98 sur le droit d’organisation et de négociation collective de l’OIT, entrée en vigueur un peu plus tard pour la Suisse également.

Toutes ces dispositions préservent le droit de former des syndicats et d’y adhérer.

L’art. 11, al. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) prévoit la liberté de réunion et d’association, selon laquelle toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

Selon la recommandation 143 relative à la Convention 135 de l’OIT, un droit d’accès syndical formel est accordé aux représentants syndicaux. Certes, la Suisse n’a pas ratifié cette Convention. Néanmoins, selon le comité et la commission de l’OIT, le droit d’accès au lieu de travail découle aussi des deux Conventions 87 et 98, de sorte qu’il doit être octroyé aux représentants syndicaux même lorsque l’Etat concerné n’a pas signé la Convention susmentionnée.

En outre, les partenaires sociaux des diverses conventions collectives de travail s’engagent à octroyer la liberté de coalition. Il en résulte que le syndicat signataire de la convention collective dispose d’emblée du droit d’accès lui permettant d’accomplir ses tâches (conventionnelles). Ces engagements se fondent notamment sur l’art. 357 a CO qui prévoit que les parties veillent à l’observation de la convention et qu’à cette fin, les associations interviennent auprès de leurs membres en usant, au besoin, des moyens que leur confèrent leurs statuts et la loi.

La reconnaissance du droit syndical à diffuser de l’information auprès du personnel sur les lieux de travail est garantie pour le personnel de l’Etat et du secteur subventionné. Pour Genève, la base légale cantonale est le règlement d’application de la LPac ( B 5 05 01), dont les éléments essentiels sont repris dans les CCT du secteur subventionné ( EMS, FSASD, AGOER, FAS’e, etc) et le Statut et règlement d’application du Statut pour le personnel de la Ville de Genève. Les droits reconnus, tant pour les militants et délégués-es syndicaux-ales membres du personnel que pour les secrétaires syndicaux-ales sont les suivants

  • droit de diffuser de l’information ( tracts) à l’entrée et à l’intérieur des services, pour autant que la diffusion ne perturbe pas la bonne marche du service
  • droit d’affichage de l’information syndicale sur des panneaux réservés à cet effet et mis à disposition par l’employeur, dans la mesure du possible pas à la vue du public
  • dès leur tirage, les tracts où affiches sont transmis à titre d’information à la direction,
  • les chefs de service ne peuvent pas s’opposer à la distribution de tracts ou à l’affichage
  • dans la mesure des disponibilités, mise à disposition par l’employeur d’un local pour réunir des Assemblées du personnel après les heures de travail
  • dans la mesure des disponibilités, mise à disposition par l’employeur d’un local de permanence syndicale
  • droit pour les organisations syndicales de disposer sur l’intranet de l’employeur e d’un onglet « organisations syndicales » sur lequel figurent les coordonnées et liens renvoyant aux sites web des organisations syndicales
  • droit pour les organisations syndicales de se présenter aux journées d’accueil des nouveaux employés-es organisées par l’employeur, hors présence de la hiérarchie.

Outre ce socle commun à tous les services publics et au secteur subventionné, il convient de signaler que divers règlements internes garantissent également :

  • droit pour les organisations syndicales de disposer, 4 fois par an, d’un jeu d’adresses nominatives avec adresse professionnelle de tout ou d’une catégorie de personnel, afin de faire parvenir par ce bais de l’information syndicale
    dans certains services, ce droit est étendu à l’envoi, 4 fois par an maximum, d’un mail-flash, à l’adresse professionnelle des membres du personnel avec lien vers le site web de l’organisation syndicale
  • droit, sous réserve d’autorisation de la part de la direction, d’organiser des Assemblées sur le lieu de travail dans des locaux mis à disposition par l’employeur et sur le temps de travail sans réduction de la rémunération
  • droit pour les organisations syndicales de disposer de la liste des nouveaux engagés-es avec adresse professionnelle afin de faire parvenir une information syndicale.

Aussi, le partenariat social et la participation active des membres syndiqués du personnel à l’activité syndicale sont encouragés par le droit reconnu par la loi ou par le Statut à un congé sans retenue de traitement de 5 jours ouvrables par année aux membres des organisations syndicales et sur demande de ces dernières dans l’ensemble des services publics et subventionnés et à la Ville de Genève.

Bien que moins étendus que dans d’autres pays de l’UE, la CGAS considère que ces droits constituent les bonnes pratiques pour renforcer le partenariat social et qu’ils devraient inspirer les discussions entre les partenaires du secteur privé également.

2. Jurisprudence

La commission de l’OIT a prononcé les jugements suivants : Dans le rapport 284, cas no 1523, le comité a demandé au gouvernement de garantir aux représentants syndicaux l’accès aux lieux de travail, les droits de propriété et les droits de direction devant être pleinement respectés, afin que les syndicats puissent entrer en rapport avec les travailleurs et les informer des avantages que la syndicalisation peut présenter pour eux.

Selon le comité, dans le rapport 297, cas no 1685, l’interdiction faite aux dirigeants syndicaux de pénétrer dans les locaux des entreprises en raison de la présentation d’un cahier de revendications constitue une violation grave du droit des organisations syndicales d’exercer librement leurs activités, et notamment de présenter des revendications même si le syndicat qui les a présentées n’est pas celui qui a conclu la convention collective en vigueur.

Il convient ici de rappeler également les jugements prononcés par le Tribunal de district de Rheinfelden le 22 août 2001, par le Tribunal de Police du District de La Chaux-de-Fonds le 28 septembre 1999 et par le Tribunal cantonal du Tessin le 9 avril 2003.
Dans les deux premiers cas, il fut retenu qu’une grève légale annulait le caractère illicite du séjour dans un lieu étranger. En conséquence, les visites à seule fin d’information – qui de plus sont protégées par la Constitution – ne peuvent pas remplir les critères d’illégalité.
Quant au dernier cas, il traitait d’un séjour bref pour distribuer des documents informatifs, que le tribunal a également considéré comme autorisé. Des jugements équivalents ont été prononcés au cours des dernières années : en 2008, le ministère public Zurich-Sihl a suspendu une enquête pour violation de domicile constatant que le secrétaire syndical avait pénétré sur le chantier dans le cadre de son activité syndicale et n’avait donc pas commis d’acte illicite bien que le chantier ait été interdit au public. Les conditions d’une violation de domicile n’étaient donc pas remplies.
En 2009, le ministère public Zurich-Sihl a également rendu un non-lieu suite à une plainte pour violation de domicile, sur la base des mêmes arguments qu’en 2008. En revanche, en mars 2010, on a lu dans la presse que le Tribunal de district de Bülach avait condamné une syndicaliste pour violation de domicile. Le Tribunal de district de Bülach appuya sa décision sur l’affirmation que le droit de grève et la liberté de coalition ne permettent pas d’établir un droit d’accès. Le jugement fut ensuite soumis à la Cour suprême du canton de Zurich, qui déclara le syndicaliste non coupable et confirma en tout point le droit d’accès aux syndicats sur la base de la liberté de coalition.

La liberté de coalition et la liberté d’information offre donc aux syndicats le libre-accès aux entreprises dans le cadre de leur activité à des fins d’information et de recrutement. Ces droits fondamentaux sont inscrits dans la Constitution fédérale, la CEDH et différentes conventions de l’OIT.

3. Entraves récentes à la liberté de coalition et la liberté d’information à Genève

(en dessous des titres suivants des listes de cas, ici non publiques puisque l’Union des associations patronales genevoises (UAPG) a décidé le 10 février 2012 d’entrer en matière sur ce document et ses revendications)

Interdictions formelles d’entrer sur les lieux de travail

Plaintes pénales

Panneaux indiquant l’interdiction d’entrée

Entraves au contrôle paritaire

 

4. Revendications syndicales

La CGAS demande à ce que soit garanti à Genève

  • le droit de diffuser l’information syndicale et de s’entretenir avec le personnel sur les lieux de travail, à l’entrée de service et dans les salles de repos du personnel
  • le droit de diffuser directement ou indirectement (par voie de communications internes) à l’ensemble du personnel l’information syndicale

et invite l’UAPG à tout entreprendre pour que ses membres respectent ces droits.

Pour ce faire, la CGAS préconise de véritables négociations avec l’UAPG et la signature d’un accord sur le principe et les modalités du droit de diffuser l’information syndicale dans l’ensemble des entreprises.

CGAS, 9 février 2012