Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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la mauvaise blague du 1er avril 2011

« Le taux de chômage dégringole »

mercredi 30 mars 2011

C’est probablement ce que nous pourrons lire et entendre dans les médias début mai. En effet, à partir du 1er avril, « grâce » à la révision de la Loi sur le chômage (LACI), 15 à 20 000 sans-emploi au chômage avant le 31 mars – dont près de la moitié en Suisse latine – verront brutalement se réduire le nombre de leurs indemnités de chômage (de 120 à 260 unités selon les cas).

Les personnes tombant au chômage à partir du 1er avril, outre la baisse du nombre d’indemnités, risquent de subir en plus un allongement de la période d’attente (de 5 à 120 jours supplémentaires), un calcul beaucoup plus défavorable du salaire assuré et d’autres péjorations de leurs droits. Il n’est donc pas inimaginable d’imaginer, sans noyer le poisson d’avril, les réactions imaginaires qui suivent.

Dans son communiqué du 1er mai 2011, le Secrétariat à l’économie (SECO) informe : « Exceptionnellement, c’est avec une semaine d’avance, à l’occasion de la Fête du travail, que nous tenons à communiquer les statistiques du chômage en avril et saluer une grande victoire dans notre lutte contre l’oisiveté. Nous avons assisté en effet à une chute du taux de chômage record en un seul mois : près de 0,5 %. Grâce à la mise en œuvre immédiate de la révision de la LACI, le nombre de chômeurs arrivés en fin de droits pendant le mois d’avril a été six fois plus important qu’un mois normal. Et le nombre global de chômeurs inscrits a baissé de près de 15 000 unités pendant le même mois. »

Il reste encore les autres

Christophe Darbellay, président du PDC, dont nous n’avons pas sollicité l’avis, nous a déclaré : « Il ne faut pas oublier que c’est ma ministre PDC, Doris Leuthard, qui a débauché de l’USS l’oiseau rare qui a permis au SECO de faire aboutir la révision de la LACI et de son ordonnance en bravant tous les obstacles mis en travers de sa route par les syndicats, les cantons romands et les partis de gauche. Un sacré gaillard. »

Le ténor de l’UDC, Oscar Freysinger estime quant à lui que le plus gros reste à faire : « On est parvenu par cette loi à éliminer dans l’immédiat 15 000 fainéants des statistiques ; il reste encore les autres ; de nouvelles révisions de la loi sont indispensables comme pour l’assurance invalidité. »

Fulvio Pelli, président du PLR, parti de l’économie, voit cela sous un autre angle : « Si on maintient le cap de la révision, on peut espérer sortir l’assurance-chômage des chiffres rouges et espérer un jour faire des bénéfices qu’on pourra redistribuer aux entreprises. »

Bientôt le plein-emploi… virtuel

Serge Gaillard, directeur du travail au SECO, nous rappelle que, peu après son entrée en fonction, en avril 2007, il avait annoncé le quasi-plein-emploi pour 2010 avec un taux de chômage qui pourrait se situer en dessous de 2 %. Il reconnaît aujourd’hui avoir été un peu optimiste parce qu’il y a eu entre-temps une petite crise économique qu’il n’avait pas prévue à l’époque. Mais, nous a-t-il confié, « grâce à l’application rigoureuse de la révision de la LACI, nous pourrons, avec un peu de retard, certes, éliminer suffisamment de chômeurs des statistiques pour que celles-ci reflètent vraiment un plein-emploi virtuel. »

Vote sanction en automne

Du côté de la gauche et des syndicats, le ton est évidemment tout différent. Christian Levrat, président du PS, s’égosille presque en dénonçant un scandale qui ne restera pas impuni. Pour lui, le peuple montrera par son vote sanction, lors des élections fédérales de cet automne, qu’il veut une autre loi sur le chômage qui garantisse à chaque sans-emploi un retour à un emploi durable, librement accepté et accompagné des formations qualifiantes nécessaires pour y accéder !

Pour notre part, nous ne pouvons que dénoncer une fois de plus le mensonge complet de cette révision de la LACI : elle ne fait qu’exclure des statistiques des personnes sans-emploi en diminuant leur droit aux indemnités de chômage uniquement pour résorber un prétendu déficit, provoqué par la droite… comme si l’assurance chômage avait pour but d’être rentable sur le dos des personnes les plus précarisées de notre société, celles qui perdent leur emploi et qui n’en retrouvent pas. Et rendez-vous le 1er Mai pour comparer nos réactions imaginaires avec les vraies déclarations de nos hommes politiques et d’Etat.

*Bernard Remion est secrétaire régional à Lausanne


Joseph, un exclu parmi d’autres

Joseph, typographe, a été licencié à 60 ans après 15 ans d’ancienneté dans une imprimerie de la Riviera vaudoise. Il a cotisé pour le chômage pendant toute sa carrière. A l’annonce de son licenciement, il a fait une sévère dépression dont il n’a guéri seulement qu’un an après la fin des rapports de travail. Quand il s’est inscrit au chômage, son droit de base aux indemnités était de 400 (et pas 520) parce que, sur les deux dernières années, il n’avait cotisé que 12 mois et demi avant d’être payé par l’assurance perte de gain. A ces 400 indemnités de base, se sont ajoutées les 120 indemnités parce qu’il s’est inscrit moins de 4 ans avant l’âge de la retraite, à 61 ans.
Avec la révision, son droit de base diminue de 140 indemnités (de 400 à 260). Il se retrouvera en fin de droits à la mi-juin 2011 à moins de 63 ans, soit 6 mois et demi plus vite que prévu… (BR)

Brigitte, une exclue parmi d’autres

Brigitte, relieuse, a pu ouvrir un deuxième délai-cadre au chômage suite à 6 mois de gain intermédiaire pendant son premier délai-cadre et six mois de travail par la suite. Son droit de base aux indemnités était de 400 auquel s’étaient rajoutées les 120 indemnités supplémentaires pour les régions à fort taux de chômage. Au 1er avril, son droit de base est diminué de 140 indemnités, et les 120 indemnités supplémentaires sont supprimées avec la révision de la LACI. Elle perd 10 mois de chômage et se retrouvera en fin de droits à cette date couperet plutôt qu’en février 2012 avec l’ancien droit. De plus, elle avait été assignée à une mesure d’emploi-formation jusqu’au 30 avril. Cette mesure s’achève aussi abruptement ce 1er avril. Elle peut la poursuivre bénévolement à bien plaire… sans aucun salaire ! (BR)