Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Tunisie

Le syndicalisme et la question démocratique

mercredi 7 juin 2006 à 20h

mardi 6 juin 2006 par Claude REYMOND

Sami Souihli, secrétaire Général du syndicat régional des médecins de la santé publique de Bizerte et également membre du bureau régional de Bizerte de la LTDH (Ligue Tunisienne pour les Droits de l’Homme), fait partie d’un courant militant au sein de l’UGTT (Union Général Tunisien des Travailleuses et travailleurs) et du mouvement alter mondialiste. Il travaille sans cesse pour l’unification politique de la gauche en Tunisie.

La question démocratique en Tunisie est souvent traitée sous l’angle de la liberté de l’expression et des droits humains en général. Qu’en est-il de la question des libertés syndicales ? De quel poids dispose actuellement l’UGTT (Union Général Tunisien des Travailleurs), la seule structure syndicale représentant les salariés ? Quel est le degré d’implication du syndicat dans la question démocratique en Tunisie ? Telles sont les questions aux quelles nous essayons de porter des réponses.

Le militant de la gauche syndicale

Sami Souihli

va nous animer une conférence suivi d’un débat

le mercredi 7 juin 2006 à 20h

au 25, rue du Vieux-Billard à Genève.

Organisateurs :

CGAS (Commission internationale de la Communauté genevoise d’action syndicale)

ATS ( association des tunisiens en Suisse)


Rapport de la CISL sur la liberte syndicale en Tunisie

 

Tunisie : Rapport annuel des violations des droits syndicaux (2006)
 
· Cases before the ILO’s Committee on Freedom of Association

· ILO core conventions ratified
Population : 10.000.000 / Capitale : Tunis / Conventions de l’OIT Ratifiées : 29 - 87 - 98 - 100 - 105 - 111 - 138 - 182

À la veille du premier Sommet mondial de la société d’information qui s’est tenu à Tunis, en novembre, les autorités ont multiplié les infractions à la liberté syndicale et au droit d’organisation, notamment au sein de la magistrature et de la presse.

LIBERTÉS SYNDICALES EN DROIT

Le Code du travail autorise les travailleurs à former des syndicats et à y adhérer. Contrairement aux associations, la formation des syndicats ne requiert pas d’autorisation préalable. Un syndicat ne peut être dissous que sur décision judiciaire.


Risque d’atteinte au droit de grève

Le droit de grève est reconnu, mais la liste des services essentiels - définis dans le Code du travail comme les services " dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population " - qui devait être fixée par décret, n’a toujours pas vu le jour en 2005. Si cette disposition est donc potentiellement sujette à une interprétation abusive, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) fait valoir que le droit de grève est largement respecté dans les entreprises et services publics, au sein desquels la détermination du " service minimum " à assurer en cas de grève fait l’objet de négociations entre syndicats et employeurs. Les syndicats, et notamment ceux représentant les employés de l’État, ont le droit de faire grève, pour autant qu’ils présentent à l’UGTT un préavis de 10 jours et que le syndicat octroie son autorisation. En 2005, la Commission d’experts du BIT pour l’application des conventions et recommandations a une fois de plus rappelé que soumettre l’exercice du droit de grève à l’approbation de la Confédération centrale des travailleurs limitait les droits des syndicats de base d’organiser leurs activités et de défendre en pleine liberté les intérêts de leurs membres. Le gouvernement n’a jamais répondu à ces critiques d’une façon satisfaisante. Enfin, la Commission a trouvé la nature de la peine applicable à toute personne ayant participé à une grève illégale, sans commune mesure avec la gravité de l’infraction. Selon le Code du travail, ces sanctions peuvent inclure une peine d’emprisonnement de trois à huit mois. La Commission a donc demandé au gouvernement d’amender le Code pour le rendre conforme à l’article 3 de la Convention 87.


Négociation collective

La négociation collective est reconnue dans la loi. Les salaires et conditions de travail sont fixés lors de négociations triennales entre les syndicats membres de l’UGTT et les employeurs, une fois que des directives générales ont été fixées dans le cadre de consultations nationales tripartites.

La loi interdit la discrimination antisyndicale.

LIBERTÉS SYNDICALES DANS LA PRATIQUE

Attitude antisyndicale dans le secteur privé

L’UGTT a fait part de sa préoccupation face aux activités antisyndicales de certains employeurs du secteur privé, particulièrement les cas de licenciement abusif de militants syndicaux et les mesures de harcèlement à leur encontre ainsi que le recrutement de travailleurs temporaires visant à éviter toute syndicalisation. Dans certains secteurs, comme le textile, l’hôtellerie ou la construction, une large majorité de la main-d’œuvre est composée de travailleurs temporaires, recrutés par des bureaux privés de sous-traitance de la main d’œuvre. Ces travailleurs temporaires sont généralement privés de leurs droits essentiels, notamment les droits syndicaux, le droit à la protection sociale et à la stabilité de l’emploi ainsi que le droit au respect des délais de paiement du salaire.

Malgré des requêtes répétées de l’UGTT, le gouvernement tunisien persiste dans son refus de ratifier la Convention n° 135 de l’OIT sur la protection des représentants syndicaux.

Droit de grève

L’UGTT constate que les procédures de grève sont exercées de la même manière dans les services publics essentiels, les entreprises publiques et le secteur privé. Ces dernières années, des grèves ont ainsi été organisées dans des services comme l’éducation, la santé, les banques, la poste et l’agriculture ainsi que dans plusieurs sociétés et organismes publics.

VIOLATIONS EN 2005

Ouvrières licenciées après leur adhésion à un syndicat

À Tunis, les 18 et 19 janvier 2005, les travailleuses de la société textile SOFOTEX ont observé une grève de deux jours pour défendre le droit d’organisation et exiger l’amélioration de leurs conditions de travail. Pour seule réponse à leurs revendications, le patron de SOFOTEX a licencié une vingtaine d’entre elles en exigeant leur démission du syndicat auquel elles venaient d’adhérer. Celles-ci ont refusé et n’ont pas été réintégrées au sein de l’entreprise. Les grévistes soutenues par les instances régionales de l’UGTT exigeaient également la régularisation de la situation administrative et professionnelle d’un grand nombre de travailleuses soumises depuis près de dix ans à des conditions d’emploi très précaires.

Licenciement du responsable syndical de la SOTUDEF

Les 22 et 23 février, le personnel de la SOTUDEF, une entreprise de travaux publics de Tunis, a observé une grève de deux jours pour défendre les droits syndicaux et exiger le paiement des primes. Un mois seulement après la privatisation de l’entreprise, la nouvelle direction avait licencié abusivement le secrétaire général du syndicat et, contrairement aux accords déjà signés, refusé de débloquer les primes qui revenaient aux travailleurs et qui n’avaient pas été payées depuis plus d’une année. L’UGTT a soutenu la grève.

Un patron agresse ses employés après le déclenchement d’une grève

Le patron d’une entreprise textile, B.E. Médical, à Radès, au sud de la capitale, a agressé ses employés après qu’ils eurent observé, les 24 et 25 février 2005, une grève légale soutenue par les structures syndicales régionales de l’UGTT. Les 300 travailleurs de l’entreprise voulaient dénoncer la dégradation du climat social et exiger le payement des salaires et des cotisations à la caisse de sécurité sociale. Refusant de négocier, la direction a loué les services d’hommes de main pour agresser physiquement les grévistes parmi lesquels la représentante syndicale qui était enceinte. L’Union régionale de travail de Ben Arous a réagi vigoureusement à cette agression et a sommé les autorités locales d’intervenir pour mettre fin à ces violations flagrantes de la législation du travail et du droit de grève.


Universitaires en grève pour réclamer la reconnaissance de leur syndicat

Le 1er mars, les universitaires tunisiens ont observé une grève pour exiger le respect du droit syndical et la révision des statuts des enseignants chercheurs de l’université tunisienne. C’est la troisième grève générale des enseignants et des chercheurs de la SGRPS-UGTT déclenchée depuis l’année dernière. Le ministère de tutelle refuse toujours de reconnaître le syndicat et de négocier avec le bureau exécutif, dans l’attente d’une décision de justice concernant la légitimité du bureau exécutif. Selon l’UGTT, le tribunal ne cesse de reporter son verdict, ce qui a comme effet de paralyser le dialogue social dans le secteur universitaire. Rappelons que le nombre des enseignants chercheurs à l’université tunisienne s’élève à 6.500 enseignants. Ils sont organisés au sein de l’UGTT dans le cadre de deux syndicats, l’un regroupant les maîtres assistants et l’autre, les professeurs de l’enseignement supérieur.

Harcèlement des magistrats et fermeture du bureau de l’AMT

Le 29 août, le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a été convoqué par le procureur de la République au tribunal de première instance de Tunis. Il lui a été demandé de rendre les clés du bureau de l’association et de quitter les locaux sur ordre du ministère de la Justice et des Droits de l’homme. En l’absence de toute décision administrative ou judiciaire, le président de l’AMT a refusé de rendre les clés. Le 31 août, une nouvelle serrure a été posée sur la porte du bureau, privant l’Association de local adéquat pour tenir ses réunions ou mener ses activités normales. Cette décision infligée à l’AMT qui regroupe 1.700 magistrats tunisiens fait partie d’une série de mesures prises par les autorités tunisiennes, pour intimider les juges et restreindre leurs activités et leur droit à la liberté d’expression. À la suite de nombreux appels demandant plus d’indépendance pour le pouvoir judiciaire, le bureau de l’AMT avait été soumis à une étroite surveillance policière. Sa ligne téléphonique, son fax et son accès à Internet étaient de plus fréquemment déconnectés. De nombreux juges auraient également été arbitrairement transférés dans des régions reculées de Tunisie, loin de leurs familles.

Le Syndicat des journalistes tunisiens interdit

Le 25 août le Syndicat des journalistes tunisiens (SJT) qui projetait pour le 7 septembre un congrès constitutif et une réflexion sur le thème " syndicalisme et journalisme au Maghreb " a été interdit. Le président de son comité fondateur, Lotfi Hajji, correspondant de la chaîne arabe Al-Jazira, a été longuement interrogé par les policiers de la direction de la Sûreté. Les autorités ont laissé sous-entendre que le SJT n’avait pas respecté la procédure à suivre pour la création des syndicats. Lotfi Hajji a démenti ces accusations en précisant qu’il avait notifié la création du SJT, en mai 2004, conformément au Code du travail qui ne prévoit pas d’accord préalable. Lors de cet interrogatoire, qui a duré cinq heures, les policiers ont aussi tenté, mais en vain, de contraindre Lotfi Hajji à signer un procès-verbal reconnaissant l’illégalité du syndicat.

Avant l’interdiction de son syndicat, Lotfi Hajji, avait déjà été harcelé de manière répétée par les autorités tunisiennes. Autour du 3 mai et du 4 mai 2005, " Journée mondiale de la liberté de la presse ", il avait été convoqué par la police à plusieurs reprises, tenu en détention durant de courtes périodes où on l’avait mis en garde quant à sa position à la tête d’un syndicat " illégal ". On lui avait en outre confisqué certains documents à l’aéroport de Tunis et il avait à cette occasion été menacé de poursuites en cas de publication d’un rapport sur la répression des médias en Tunisie. Le 9 mai, au cours d’une autre convocation, les autorités lui avaient demandé de manière insistante de communiquer la liste des 160 membres du SJT.

Répression violente d’un rassemblement pacifique de soutien aux grévistes de la faim

Le 18 octobre, le président du SJT, Lotfi Hajji ainsi que sept autres personnalités issues du monde associatif et politique entamaient une grève de la faim pour dénoncer la détérioration de l’état des libertés en Tunisie, et revendiquer le respect du droit de réunion et d’association, la reconnaissance de tous les partis politiques, le respect des droits d’opinion, d’information, de communication, ainsi que la libération de l’ensemble des prisonniers politiques. Le 8 novembre, un rassemblement pacifique de soutien aux huit grévistes de la faim était violemment réprimé. Trois militants de l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET) : Mounir Fallah, Chawki Laarif et Salah Belhouichet, étaient agressés, arrêtés et brièvement détenus. Me Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), Me Mohamed Jmour, membre du Conseil national de l’Ordre des avocats, et Me Khémaïs Chammari, ancien vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) étaient frappés et traînés par terre. Le 11 novembre, quelques jours avant l’ouverture à Tunis du Sommet mondial de la société de l’information, le journaliste français Christophe Boltanski était aspergé de gaz lacrymogène, roué de coups et poignardé dans le dos par quatre inconnus dans une rue de Tunis après avoir écrit un article sur la liberté de la presse en Tunisie dans le journal " Libération " (Paris). Le lieu et le déroulement de l’incident, l’absence de réaction des policiers en faction dans le secteur et les explications alambiquées de la police plaident, de l’avis de la plupart des observateurs, pour une attaque commanditée par les autorités. En outre, d’autres incidents du même type se sont répétés envers des journalistes étrangers les jours suivants. Ces attaques renouvelées ont été dénoncées à la tribune du Sommet de l’information, notamment par la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et de nombreux gouvernements participant à l’événement.

Quant à la grève de la faim, elle dura 32 jours, jusqu’au 18 novembre lorsque, à quelques heures de la clôture du Sommet, les grévistes mirent fin à leur mouvement, à la suite de la visite d’une forte délégation de personnalités tunisiennes et étrangères, emmenée par l’avocate iranienne et Prix Nobel de la Paix, Shirin Ebadi. De nombreux observateurs soulignèrent que la grève de la faim avait été suivie de près par la société civile tunisienne, notamment dans le milieu syndical.


Critique gouvernementale contre le SJT

La grève de la faim a cependant été l’occasion d’une nouvelle attaque du gouvernement contre le syndicat des journalistes. Lors d’un entretien livré à la télévision qatarie Al-Jazira, Abdelwaheb J’mel, secrétaire général adjoint du parti au pouvoir tunisien, le RCD, a estimé que la grève de la faim était " un acte d’exhibitionnisme visant à induire en erreur l’opinion publique internationale et les médias étrangers présents à Tunis à l’occasion du SMSI " et affirmé que la SJT était " une organisation inconnue en Tunisie, ... création d’un seul journaliste ", propos visant Lotfi Hajji, qui figurait parmi les grévistes. Cette déclaration a suscité l’indignation du SJT, qui a réagi le 9 novembre dans une déclaration signée par son secrétaire général, Mahmoud DHAOUADI.

D’autres mesures ont cependant été prises contre des membres et militants du SJT, y compris le refus de délivrer ou de renouveler leurs cartes professionnelles, la confiscation du passeport de la chargée des relations internationales du syndicat, Amel Bejaoui, saisi le 18 octobre ou encore le licenciement de Chahrazed Akacha, journaliste à Ech-chourouk, version arabe du journal Le Quotidien.

Par ailleurs, l’UGTT indique avoir entamé des discussions avec des membres du SJT, ce qui pourrait mener à une réorganisation de son syndicat affilié dan ce secteur, lequel regroupe actuellement dans une même structure les travailleurs de la culture et ceux de l’information.

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