Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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publié par Le Courrier du 30 mars 2009

Absence politique sur les droits fondamentaux

lundi 30 mars 2009 par Claude REYMOND

MICHEL SCHWERI

Où est le Conseil d’Etat genevois dans le conflit syndical chez Manor ? Le canton abrite le siège de l’Organisation internationale du travail (OIT), dont les conventions garantissent les libertés syndicales. En leur nom, la Suisse a récemment été condamnée pour la légèreté de la protection légale des délégués syndicaux contre les licenciements répressifs des employeurs. Dans ce contexte, une intervention politique du gouvernement serait bienvenue.

Porter le litige devant les tribunaux reviendrait en effet, pour le syndicat Unia et sa présidente congédiée, à se contenter du mécanisme de « protection » des militants jugé insuffisant par l’OIT. Au pire, l’entreprise peut être condamnée à payer six mois de salaire pour s’acheter la tranquillité syndicale, alors qu’Unia veut l’annulation du licenciement. Seule une intervention politique pourrait remédier à ce manque législatif. D’autant que le Conseil d’Etat est composé de quatre magistrats de gauche, qui plus est membres d’Unia. C’est « leur » présidente qui a été licenciée par Manor. Mais où étaient-ils lors du « piquet des élus » de jeudi ou du rassemblement de protestation de samedi ?

Bien plus, les droits humains ne sont pas l’apanage de la seule gauche, ils émanent de la révolution bourgeoise française. Où est donc la droite du Conseil d’Etat, et tout particulièrement le radical François Longchamp, ministre de l’Emploi ? Ce dernier s’est montré davantage véloce pour ramener la paix du travail dans la construction lors du dernier renouvellement de la convention collective. Il est vrai que cet épisode se déroulait durant la campagne de votation sur la libre circulation des travailleurs et qu’il était alors primordial pour lui de sauver cette pièce essentielle de la politique industrielle et commerciale de la Suisse.

Pourtant, sous les dehors d’un litige « individuel », le licenciement de la déléguée syndicale par Manor n’est pas moins important, c’est bien un conflit collectif fondamental. Marisa Pralong a été congédiée deux mois (!) après le « prétexte » officiellement invoqué, mais juste avant la mise en place, sous son impulsion, d’une commission du personnel. Pour le surplus, cette distinction entre conflit individuel ou collectif n’est pas pertinente en matière de liberté syndicale. « Les droits syndicaux sont à la fois un droit individuel, celui de participer à l’action syndicale, et un droit collectif, celui des syndicats d’exister et d’agir », avait en effet déclaré le conseiller d’Etat Laurent Moutinot au 4e rassemblement pour les droits humains en 2006. Spécialement dédié aux droits syndicaux, ce raout était organisé par le Conseil d’Etat pour « réaffirmer leur caractère de droits humains, de droits fondamentaux », avait relevé M. Moutinot dans son discours d’ouverture. Il a été très clair : « Les droits syndicaux sont indissolublement liés à l’action syndicale avec tout ce qu’elle comporte de controverses possibles sur le plan politique, économique ou social. »

Après avoir énoncé un tel programme, le Conseil d’Etat ne peut pas déserter. Son ministre de l’Emploi devra de toute façon sortir du bois pour répondre à l’interpellation déposée par une députée socialiste demandant au gouvernement « ce qu’il entend faire pour garantir l’exercice des droits syndicaux et rétablir un climat de confiance dans le secteur de la vente ». Ne pas intervenir dans une telle situation, c’est permettre à la partie forte – l’employeur – dans la relation de travail de devenir encore plus forte. Moche bilan à huit mois des élections.