Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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L’emploi ne se contente pas d’incantations

jeudi 2 juillet 1998 par Claude REYMOND

manifeste de la CGAS Genève, selon amendements du 2 juillet 1998 (4ème projet)

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1998-07-02cgas_manifeste_contre_les_blocages-re800.pdf

La CGAS, qui regroupe l’ensemble des syndicats genevois et 45’000 membres, place l’emploi au centre de ses préoccupations. Elle ne peut donc accepter ni les carences de la promotion économique ni les volontés exprimées de baisser les rentrées fiscales. De plus elle déplore les oppositions généralisées, dans tous les domaines, à tous les projets susceptibles de créer des emplois ou d’apporter un surcroît de dynamisme économique. C’est pourquoi elle lance cet appel à la mobilisation pour l’emploi.

Genève semble s’être résignée à son recul économique : l’emploi qui est au cœur de ses problèmes n’est pas, et de loin, au cœur des préoccupations des responsables politiques et économiques.

Pourtant, tous les signaux sont au rouge : il y a actuellement près de 20’000 demandeurs d’emplois officiellement enregistrés dans le canton et, depuis 1991, Genève a perdu 13’000 postes de travail. Le revenu cantonal baissait de 3% contre une augmentation de 8% pour l’ensemble de la Suisse. La dette du canton est la plus élevée de tous les cantons suisses et continue à croître.

La légère reprise à laquelle nous assistons ne doit pas faire illusion : qu’elle se confirme ou non, elle n’aura qu’une incidence relative sur la situation genevoise qui ne s’améliorera pas sans mesures volontaristes de redéploiement économique.

A Genève, depuis quarante ans, le dynamisme économique et la prospérité ont été largement importés. Il y a là une absence de maîtrises dont on voit aujourd’hui les résultats.

Genève veut-elle, peut-elle aujourd’hui inverser cette tendance ?

La première responsabilité incombe au Conseil d’état et au Département de l’économie, de l’emploi et des affaires extérieures. Dans le cadre d’une stratégie d’ensemble, il s’agit de cultiver toutes les potentialités de maintien et de créations d’emplois et d’aider à les concrétiser.

Comme le montrent les expériences réussies ailleurs, la priorité doit être mise sur les PME indigènes ou susceptibles de s’installer dans le canton. Le cadre de ce redéploiement doit intégrer en priorité les notions de qualité, pour les conditions de travail (emplois socialement utiles, biens payés et valorisants) et pour l’économie.

Une telle tâche est difficile, de longue haleine : découvrir des responsables d’entreprises susceptibles de créer des emplois, trouver des solutions qui permettent de transformer les aides en emplois stables.

Les bases légales et administratives d’une telle action doivent être améliorées. La CGAS exige le traitement rapide du projet de loi déposé à son initiative (PL 7443), obligeant le Conseil d’Etat à mettre en place une véritable politique économique, globale, cohérente et volontariste

Genève n’a que trop tardé

Par ailleurs, le Grand Conseil et les organisations politiques doivent décider si l’emploi est leur priorité. Depuis 1990, Genève n’est plus en situation de choisir entre une foule d’investisseurs prête à engager leurs capitaux. Elle doit au contraire les susciter.

Cela ne signifie pas que n’importe quel investissement est le bienvenu parce qu’il signifie la création d’emplois, des arbitrages doivent être faits en particulier entre emplois et environnement. Mais le chômage actuel et la dégradation des conditions de travail qu’il implique par ailleurs doivent être pris sérieusement en compte.

Là encore, l’objectif premier est la création d’emplois à haute valeur ajoutée. Mais les autres emplois ne doivent pas être abandonnés. Le commerce et le bâtiment doivent être encouragés et orientés vers la satisfaction des besoins sociaux existants ou à venir. L’érosion de l’emploi dans le secteur public et para-public doit être stoppée et la tendance inversée, car il s’agit d’une source d’emplois socialement utiles et dans lesquels travaillent notamment de nombreuses femmes.

La fiscalité, l’aménagement du territoire notamment doivent être considérés comme des instruments au service de la promotion économique. Ce qui implique que les compromis qui peuvent être trouvés dans ces domaines au nom de l’emploi ne doivent pas l’être sans discernement. Les conditions de la création ou du maintien d’emplois doivent faire l’objet de concertations et non d’oppositions systématiques. Notre attachement au partage du travail ne nous conduit pas pour autant à oublier la nécessité de créer de nouveaux emplois et de maintenir ceux qui existent.

A cet égard, il est inquiétant de constater aujourd’hui que tous les projets qui doivent modifier une situation existante, sont contestés. C’est l’aspect systématique de cette crispation qui est certainement incompatible avec la nécessité sociale prioritaire de faire fonctionner l’économie ! D’autant que nous sommes convaincus qu’un développement harmonieux du canton, respectueux de l’environnement est possible, nécessaire et de nature à fournir un nombre appréciable d’emplois dans de nombreux secteurs.

Les syndicats attendent du Conseil d’état et de l’ensemble des forces politiques, en particulier de celles qui se réclament de la gauche, un effort à court, moyen et long terme en matière de maintien et de création d’emplois. Le respect des conventions collectives de travail doit être une condition absolue, préalable à toute intervention publique.

Les syndicats n’ont que faire de déclarations et de promesses. Ils veulent des décisions concrètes, intelligentes. Les résultats visibles exigeront du temps, mais les décisions qui engagent doivent être prises sans tarder.

Il y va de l’avenir de Genève, de son économie, de l’ensemble de ses travailleurs, qu’ils appartiennent au secteur privé ou au secteur public.

Redéploiement économique selon la CGAS

  • L’économie doit être diversifiée par le développement de secteurs tels que la haute technologie, l’industrie de pointe, les activités internationales, la recherche. Il faut veiller au maintien de l’équilibre des secteurs économiques.
  • Les secteurs socialement utiles et porteurs d’avenir tels que la protection de l’environnement, le recyclage des matériaux, l’énergie renouvelable, les technologies de pointe doivent bénéficier d’investissements importants. En même temps, un territoire doit donner l’opportunité à toutes celles et tous ceux qui y vivent d’occuper un emploi correspondant à leurs attentes et à leurs capacités, ou de pouvoir se former pour occuper les nouveaux emplois créés. Les efforts pour créer des emplois très qualifiés doivent aller de pair avec le maintien d’emplois demandant moins de qualifications, mais qui peuvent être utiles, pour autant que les conditions de travail soient améliorées et une formation de base assurée
  • La reprise de la construction doit être encouragée et orientée vers la satisfaction des besoins sociaux existants, par la construction de 3000 HBM, la rénovation du parc immobilier, l’amélioration des transports publics. Les projets à caractère spéculatif doivent être refusés.
  • Genève doit jouer son rôle de pôle régional important ce qui implique la prise en considération systématique de la dimension régionale.
  • L’orientation professionnelle, le recyclage, le perfectionnement et la formation sont autant de domaines où des efforts importants sont indispensables.

De plus, pour que le redéploiement économique serve la population du canton et de la région, les revendications syndicales prioritaires suivantes doivent être prises en considération et réalisées :

  1. la durée du travail doit être réduite dans une proportion importante, à travers notamment des mesures de partage du travail
  2. le niveau du pouvoir d’achat doit être maintenu (compensation intégrale du coût de la vie) en utilisant des mécanismes qui privilégient le pouvoir d’achat des bas et des moyens salaires
  3. l’introduction de libre circulation des personnes, à laquelle nous sommes favorables, doit impérativement être assortie d’un renforcement des droits syndicaux, avec en particulier l’introduction d’un contrôle syndical sur les embauches, les licenciements, l’organisation du travail et les conditions d’hygiène et de sécurité
  4. la proportion des salariées et des salariés couverts par une convention collective de travail doit être élargie, avec pour objectif de parvenir à la conclusion de conventions collectives de travail dans la totalité des secteurs économiques. Toute mise en cause de convention collective de travail sera combattue et les conditions permettant l’extension des CCT doivent être assouplies
  5. Nous rappelons notre demande pour que soit mis en place un observatoire régional de l’emploi et des revenus
  6. L’obligation faite aux entreprises d’annoncer les licenciements longtemps à l’avance doit être renforcée.