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Erwin Sperisen partiellement acquitté

lundi 30 avril 2018 par Claude REYMOND

La Chambre d’appel a rendu son verdict à l’encontre de l’ancien chef de la police guatémaltèque. Evoquant un « cas limite », elle n’a cependant retenu que la complicité

publié dans Le Courrier du 30-04-2018

Procès X A l’issue du verdict, certains ont cru déceler une ébauche de sourire sur le visage de cire d’Erwin Sperisen. L’ancien chef de la police écope pourtant de quinze ans de prison pour sa participation active dans l’assaut meurtrier mené, le 25 septembre 2006, contre la prison guatémaltèque de Pavón. Opération qui s’était soldée par la mort de sept prisonniers, exécutés à bout portant. Sa participation à l’assassinat de trois fugitifs évadés de la prison surnommée In ernito a, en revanche, été écartée, faute de témoignages probants.

Après avoir longuement hésité sur ce qu’elle a qualifié de « cas limite », la Chambre pénale d’appel et de révision retiendra que le prévenu est « complice » des sept assassinats plutôt que « coauteur ». L’ancien chef de la police échappe ainsi à la prison à vie à laquelle il était promis1. Déduction faite des cinq ans de détention déjà effectués, il lui reste une peine (théorique) d’un peu moins de dix ans à purger. Ses avocats ont d’ores et déjà annoncé qu’ils porteraient à nouveau l’affaire au Tribunal fédéral, escomptant son acquittement pur et simple. D’ici là, Erwin Sperisen est assigné à résidence, entravé par un bracelet électronique2.

« Eliminés comme des animaux nuisibles »

Sur le fond, le Tribunal n’a émis aucun doute sur le fait que les assassinats ont été planifiés, les cibles soigneusement identi ées au préalable et que la scène du crime a été maquillée a n d’entraver les futures enquêtes : « Ces hommes, même s’ils étaient des criminels, ont été éliminés comme des animaux nuisibles, dans des conditions atroces », dira la présidente.

Sur les lms et les vidéos, Erwin Sperisen est omniprésent, identifiable au ruban bleu que portent chacun des 160 assaillants du commando placé hiérarchiquement sous ses ordres.

En tant que chef de la Police nationale civile, qui a mené l’assaut en lieu et place des autorités pénitentiaires, « Erwin Sperisen était nécessairement informé » a martelé la présidente du Tribunal, Alessandra Cambi Favre-Bulle. De plus, « il n’a pas bronché en apprenant la mort des détenus, indice supplémentaire de son implication ». Quant au mobile, la présidente a rappelé que le prévenu, évangéliste convaincu, s’était donné pour mission de « nettoyer » la société guatémaltèque de ses éléments « indésirables ».

Zones d’ombres

Pourtant, si Erwin Sperisen a joué indéniablement un rôle important et que « sa responsabilité est très lourde », sur les photos, on voit surtout Javier Figueroa, son bras droit et ami d’enfance. Acquitté par un tribunal autrichien, ce serait lui l’exécutant numéro un. Est-ce qu’il était acteur ou exécutait-il les ordres de son chef, toute la question est là. Au l de la procédure, les témoignages et les preuves à charge ont montré des signes de faiblesse que les avocats de la défense ont su exploiter. Au final, la présidente a été forcée d’admettre que, du fait de la distance, temporelle et géographique, il subsistait des « zones d’ombres ». Or, dans toute justice qui se respecte, le doute doit pro ter à l’accusé.

Pour le premier procureur, Yves Bertossa, qui plaidait l’internement à vie, l’essentiel est que la responsabilité de l’accusé ait été reconnue : « Il est toujours plus dif cile de faire condamner les responsables que les exécutants. Ce jugement rétablit un peu l’équilibre. » Quant à Philippe Grant, directeur de l’organisation Trial, qui traque les criminels dans le monde, il estime qu’« Erwin Sperisen a eu de la chance. Pas sûr qu’il ait eu autant de chance au Guatemala ». Au-delà du cas particulier, ce procès, démontre, à ses yeux, qu’il est « légitime, certes difcile, mais possible, de juger des grands criminels hors de leur pays ». D’autres procès sont prévus, promet-il. I

PS:

1 Il a été condamné une première fois en juin 2014. Le jugement fut confirmé en appel, en mai 2015, mais, en juillet 2017, le Tribunal fédéral a renvoyé le dossier à la justice genevoise, estimant que les droits du prévenu n’avaient pas été totalement respectés.

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2Il doit se présenter dans un poste de police trois fois par semaine et ne peut quitter son logement qu’entre 9h et 11h ainsi que de 14h30 à 16h30. Le tribunal a refusé d’étendre sa plage de sortie de 7h à 23h comme le demandait la défense.




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