en matière d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, tortures
ou autres dénis des droits fondamentaux
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La nouvelle de la condamnation d’Erwin Sperisen à 15 ans de prison pour sa complicité dans l’assassinat de 7 détenus à la prison de Pavon vous est probablement déjà parvenue.
Cela fait 10 ans que la première plainte a été déposée. Certains d’entre vous étaient là dès le début, et j’aimerais leur rendre hommage pour leur ténacité, et leur engagement.
Même si la Cour a longtemps hésité entre retenir sa culpabilité pleine et entière comme auteur, elle l’a mis au bénéfice du doute et n’a retenu que la complicité. Cela fait partie des règles du jeux, nous les acceptons.
Un recours au Tribunal fédéral est possible, même probable de la part de la défense, mais l’arrêt qui a été rendu ce jour paraît désormais difficilement attaquable.
A tous, en tout cas un grand merci.
(le coordinateur en justice)
Dans un arrêt du 27 avril 2018, la Cour de justice de Genève a reconnu Erwin Sperisen coupable de complicité d’assassinats commis sur sept prisonniers à la prison de Pavon en 2006. L’ancien chef de la police du Guatemala se voit condamné à une peine de 15 ans de prison. TRIAL International salue ce verdict qui représente une étape importante dans la lutte contre l’impunité des crimes d’Etat.
La Cour de justice genevoise a déclaré le binational hélvetico-guatemaltèque Erwin Sperisen coupable d’avoir participé à des exécutions extrajudiciaires au Guatemala en 2006, qualifiées par la Cour d’assassinats. Le prévenu avait été condamné en première instance en juin 2014 à la prison à vie pour les sept assassinats perpétrés à la prison de Pavon puis en deuxième instance pour dix assassinats, soit trois supplémentaires commis à la prison d’Infiernito en 2005. En juin 2017, le Tribunal fédéral avait annulé cet arrêt et ordonné la tenue d’un nouveau procès, confirmant toutefois de nombreux éléments de preuve établis par la Cour.
Dans son arrêt du 27 avril 2018, la Cour de justice genevoise s’est prononcée sur la responsabilité pénale d’Erwin Sperisen dans l’opération organisée en 2006 pour reprendre le contrôle de la prison de Pavon au cours de laquelle sept détenus ont été exécutés. La Cour a constaté qu’au regard des éléments du dossier, Erwin Sperisen avait contribué à l’assassinat de ces sept détenus, écartant « non sans hésitation » la co-activité en raison de certaines zones d’ombre persistantes. La Cour a cependant estimé qu’il était impossible d’établir la responsabilité d’Erwin Sperisen pour les exécutions commises à la prison d’Infiernito en 2005, l’acquittant donc pour ces faits.
La Cour a ainsi reconnu le prévenu coupable de complicité d’assassinat de sept personnes placées sous la protection de l’Etat, le condamnant à 15 ans de prison. La partie civile, la mère de l’un des prisonniers exécutés, s’est quant à elle vue reconnaître des dommages et intérêts à hauteur de CHF 30 000.
Philip Grant, directeur de TRIAL International, a réagi au jugement : « En plus de témoigner du bon fonctionnement de notre Etat de droit, cette condamnation représente un espoir autant pour les victimes que pour les individus et organisations qui luttent contre l’impunité de tels crimes au Guatemala ».
TRIAL International se félicite de ce que les autorités genevoises aient conduit ce procès à son terme, assumant pleinement leur rôle de rendre justice aux victimes des atteintes aux droits humains les plus graves qui soient.
L’AFFAIRE SPERISEN EN BREF
Né le 27 juin 1970, Erwin Sperisen dispose de la nationalité suisse et guatémaltèque. Chef de la police civile nationale du Guatemala (PCN) d’août 2004 à mars 2007, il est chargé de diriger et d’assurer le fonctionnement des différents corps de police du pays. En 2007, il démissionne et part s’installer à Genève.
CONTEXTE
En 2006, une opération est organisée afin de reprendre le contrôle de la prison Pavon, située proche de la ville de Guatemala. Plus de 3 000 agents de la PNC, de l’armée et des autorités pénitentiaires sont mobilisés. Durant cette opération, sept détenus sont localisés, arrêtés puis exécutés. La scène de crime a été maquillée pour donner l’impression que ces décès résultaient d’un affrontement armé.
CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE
Début 2008
Après avoir été informées de sa présence sur le territoire, des ONG suisses déposent une dénonciation pénale contre M. Sperisen auprès du Ministère public du canton de Genève.
2009
TRIAL International et l’OMCT déposent une seconde dénonciation pénale contre Erwin Sperisen auprès du Ministère public genevois.
Août 2010
Le Guatemala émet un mandat d’arrêt international contre Erwin Sperisen.
Août 2012
M. Sperisen est arrêté sur ordre du Ministère public genevois et détenu à la prison de Champ-Dollon.
Juin 2014
Le Tribunal criminel genevois reconnaît M. Sperisen coupable en tant que co-auteur de six assassinats et en tant qu’auteur direct d’un autre lors des évènements à la prison de Pavón. Il le condamne à la prison à vie. Erwin Sperisen fait appel de ce jugement.
Juillet 2015
La Chambre d’appel confirme la peine de prison à perpétuité et condamne M. Sperisen pour les sept assassinats perpétrés dans la prison de Pavón. Elle le déclare en outre coupable du meurtre de trois fugitifs du pénitencier Infiernito. Erwin Sperisen fait recours contre cette décision auprès du Tribunal fédéral.
Juin 2017
Le Tribunal fédéral annule le jugement de la Cour d’appel de Genève et ordonne un nouveau procès. Il reconnaît toutefois que des exécutions extrajudiciaires ont été commises par les forces de police.
Avril 2018
La Cour de Justice genevoise condamne M. Sperisen à 15 ans de prison.