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SPERISEN CONDAMNÉ : INÉVITABLE ET SALUTAIRE

mercredi 13 mai 2015 par Claude REYMOND

éditorial BENITO PEREZ dans Le Courrier du 13-05-2015

Erwin Sperisen a bel et bien fait assassiner des détenus par un escadron de la mort qu’il avait constitué au sein de la police guatémaltèque. La justice genevoise l’a répété hier avec une telle conviction que le Tribunal de seconde instance a alourdi le passif de l’ancien chef de la Police nationale civile (PNC), lui attribuant trois meurtres supplémentaires. Dans l’attente du recours au Tribunal fédéral, la condamnation à la prison à perpétuité est confirmée.

La sanction est lourde mais paraissait inévitable. A aucun moment la défense n’a semblé en mesure de contester les faits. Tandis que le procureur déroulait témoignages, relevés forensiques et images, les avo- cats s’enferraient dans une défense de rupture, essayant de discréditer tour à tour la plaignante, le procureur et le tribunal. Ce second acte l’a souligné de façon encore plus pathétique, avec un accusé se li- vrant ouvertement à ses penchants complotistes.

Or il fait peu de doute que les dix meurtres qui ont fait tomber Sperisen ne sont que la pointe de l’iceberg. Ce fervent évangélique, qui animait à ses heures perdues une émission télévisée où il priait pour la police et les délateurs, a dirigé trois ans durant, entre 2004 et 2007, la police du Guatemala. Une période qui a vu exploser la statistique des meurtres, et notamment ceux que plusieurs enquêteurs et défenseurs des droits humains qualifient de « nettoyage social »1. Trois ans durant lesquels le business de la drogue a fait l’objet d’une bataille sans merci, où le contrôle de la police offrait un avantage important. Erwin Sperisen finira par y perdre sa place, après que ses hommes eurent abattu par erreur trois députés salvadoriens confondus avec des nar- cos du bord opposé...

Huit ans après la fuite de Sperisen vers sa seconde patrie, le Guatemala souffre toujours des mêmes plaies. Ainsi, le hasard a voulu que le procès en appel se tienne au moment même où le pays centraméricain fait face à un nouveau scandale révélant la permanence des liens entre la mafia et les plus hautes autorités. Il intervient également après une série de meurtres de journalistes et de militants qui ont rendu palpable, ce printemps, l’augmentation du nombre d’assassinats sociaux.

Malgré quelques progrès, dont la condamnation de deux acolytes de Sperisen, la justice guatémaltèque demeure fragile, encore trop souvent corruptible et soumise aux intérêts privés. A cela s’ajoute la pression des médias et des partis dominants, avides de discours simplistes et musclés, tendant à criminaliser toute contestation sociale.

Pour tous ceux qui, au Guatemala, se battent pour un véritable Etat de droit, le jugement genevois apporte un immense bol d’air frais et un précieux précédent sur lequel construire. Ce n’est pas le moindre des succès du Parquet genevois et des ONG qui, avec abnégation, se sont battus des années durant pour rendre ce procès possible.

1www.lecourrier.ch/120799/sperisen_un_justicier_devant_ses_juges



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