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SPERISEN • Dans le cadre du procès Sperisen, « L’Illustré » avait divulgué photographies et données de la plaignante. Une pratique dénoncée par le Conseil suisse de la presse.
paru dedans Le Courrier du 7-11-2014
Le Conseil suisse de la presse (CSP) a admis une plainte à l’encontre de L’Illustré, accusé de ne pas avoir protégé l’identité d’une source.
Au printemps dernier (notre édition du 23 mai 2014), l’hebdomadaire a publié un article sur María, plaignante dans le procès très médiatisé d’Erwin Sperisen, ancien chef de la police du Guatemala. Ce dernier a été reconnu coupable de meurtre sur des détenus de la prison de Pavòn, parmi lesquels figurait le fils de María, et condamné à perpétuité par le Tribunal criminel de Genève.
Dans l’interview, L’Illustré dévoile nom, prénom, photos et indications précises sur le lieu où réside la sep- tuagénaire. Sur la base de cet entretien, le journaliste conclut que María a été manipulée et ses accusations extorquées. La Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CI- CIG) lui aurait fait signer des papiers sans qu’elle les lise contre la promesse d’un dédommagement.
Le photographe proche de l’ONG TRIAL, Patrick Gilliéron Lopreno, a déposé plainte auprès du CSP, dénonçant entre autres le fait que, en donnant au-tant d’indications sur María, l’auteur Arnaud Bédat avait fait d’elle une cible pour les escadrons de la mort au Guatemala. Le CSP lui a donné raison, estimant qu’il aurait fallu mieux protéger son identité, d’autant plus que l’anony- mat était de mise dans le procès.
Face aux accusations de manipulation, le Conseil estime aussi « très problématique » le fait que le journaliste « n’ait pas cherché à recueillir la posi- tion de la CICIG ».
Un constat qui réjouit Patrick Gillié- ron Lopreno : « C’était une bêtise monumentale de mentionner tous ces détails pour une personne vivant dans un lieu aussi dangereux. Ce qui me choque, c’est le racisme latent derrière tout ça. Parce que cela se passe à l’autre bout de la planète, on ne pense pas aux conséquences pour les personnes citées. Mais la base du métier, c’est de ne pas balancer des noms de cette façon. »
Arnaud Bédat, quant à lui, balaie ces accusations. « Je maintiens que cette personne ne risque rien. L’idée qu’elle serait menacée à cause de l’article, c’est du roman-feuilleton : il n’existe aucune
preuve. » Arguant que le nom de María a été anonymisé au procès pour cacher qu’elle ne savait rien du jugement en cours à Genève.
Toujours selon le journaliste, le fait d’avoir indiqué dans l’article que cette région du Guatemala était très dangereuse ne remet pas en question la publication de ces données. « Le danger est réel, mais pour les étrangers. Un homme blanc, dans une zone où règnent les narcotrafiquants, a vite fait de finir avec deux balles dans la tête. »
Quant au verdict du CSP, Arnaud Bédat estime qu’il s’agit là d’une manœuvre pour le « traîner dans la boue » et qu’il « s’en tamponne », affirmant que le Conseil n’a « aucune légitimité ». LDT