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Le Temps du 21-05-2014
Devant la justice
Enquêter sur les pratiques des forces de sécurité guatémaltèques n’est vraiment pas une partie de plaisir. Un climat lourd, empreint d’intimidations, s’est installé sur le procès genevois d’Erwin Sperisen. A tel point que le Tribunal criminel a décidé d’exclure le public de l’audience pour certaines auditions, et ce afin de protéger les témoins en provenance d’Amérique centrale. Comme, par exemple, ce membre de la police nationale civile (PNC), qui escortait son chef et qui a assisté aux réunions préparatoires des commandos sur le chemin de Pavon. Il ne le cache pas : « J’ai peur pour moi et pour ma famille. »
Une avocate assassinée au Guatemala, des témoins qui craignent pour leur vie et refusent de répondre aux questions envoyées là-bas par le Ministère public genevois. Le procureur de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig), mandatée par les Nations unies pour démanteler ces escadrons parallèles et poursuivre leurs dirigeants, est venu le confirmer mardi à la barre : « Les pressions sont importantes car ces enquêtes portent sur des personnes influentes. » Et c’est un ancien spécialiste de la lutte contre le narcotrafic en Amérique latine qui le dit.
« C’est très grave »
Ici aussi, cette procédure a été marquée par une ambiance particulière. Cinq demandes de récusation du premier procureur Yves Bertossa et une pluie de plaintes pour faux témoignages. Depuis l’ouverture des débats, d’autres incidents sont venus alourdir l’atmosphère. L’unique plaignante de cette affaire, dont le visage, l’identité et l’adresse ont été divulgués par un article de L’Illustré, vit désormais cachée.
Son avocate, Me Alexandra Lopez, a expliqué aux juges que des individus « se réclamant de Sperisen » s’étaient présentés lundi chez cette septuagénaire, mère d’un des sept détenus tués à Pavon, pour la forcer à faire le voyage immédiatement et à retirer sa plainte. Son entourage serait aussi menacé. « C’est très grave », a insisté le conseil de la vieille dame.
Enfin, la mère du prévenu a été prise en train de faire des photos avec son téléphone portable dans la salle du tribunal, au moment où l’audience venait d’être levée. La présidente Isabelle Cuendet a fait saisir l’objet et détruire les quatre photos (on y voyait Erwin Sperisen, mais aussi le procureur et la greffière) ainsi qu’un message envoyé lors des débats. Les membres de la famille sont désormais interdits d’entrer avec des appareils.