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paru dans Le Courrier du 21-05-2014
PAULINE CANCELA
L’ambiance était toujours aussi tendue au quatrième jour du procès d’Erwin Sperisen, ancien chef de la police guatémaltèque accusé d’avoir commandité l’exécution de dix détenus des prisons Pavón et Infiernito en 2005. Il faut dire que la journée d’hier a démarré fort, avec l’annonce de nouvelles pressions portant sur l’entourage de l’unique plaignante du procès, la mère d’un des défunts, qui se trouve au Guatemala.
Son avocate, Me Alexandra Lopez, a souligné que sa cliente continue de subir d’importantes intimidations désormais étendues à ses proches. Un téléphone échangé lundi soir avec l’Amérique centrale lui permettrait d’indiquer que des hommes se réclamant d’Erwin Sperisen se sont même rendus au domicile de la septuagénaire.
« Ma cliente a été mise sous protection depuis que son visage, son identité ainsi que son adresse complète ont été publiés dans la presse guatémaltèque. Mais je crains que cette histoire ne finisse pour elle avec quatre balles dans la tête ! » L’avocate a rappelé que l’enquête d’un journaliste de L’Illustré est à l’origine de cette publicité malvenue (notre édition d’hier).
Enchaînant sur l’incident, la présidente du Tribunal criminel, Isabelle Cuendet, a ensuite ordonné le huis clos partiel pour l’audition de quatre témoins guatémaltèques à venir ces prochains jours. Elle a fustigé l’insécurité ambiante dans laquelle se déroulent les débats, notamment lors de l’audition, lundi soir, de deux policiers espagnols qui ont enquêté sur l’affaire pour le compte de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG).
« J’aimerais que cesse ce climat désagréable et que les interrogatoires se fassent sans menaces voilées », a-t-elle lancé aux avocats de la défense. Le fait que la mère d’Erwin Sperisen ait été surprise la veille en train de prendre des photos en pleine audience et de les envoyer par message, fait tout à fait illégal, a très clairement contribué à dégrader l’ambiance...
Puis le calme est partiellement revenu hier avec l’interrogatoire du procureur de la CICIG qui a investigué sur le dossier dès 2010. Questionné plus généralement sur le sort des témoins au Guatemala, il indique que ces derniers sont difficiles à interroger et couramment assassinés, même depuis l’instauration de la CICIG par les Nations Unies en 2006. Selon lui, la commission a elle-même été entravée dans sa mission lorsque les enquêtes sur Pavón et Infiernito ont commencé à se préciser.
Il s’agirait de « pressions importantes » venant du secteur privé proche de l’ancien vice-président de l’époque, Eduardo Stein. Interminable, l’audition s’est poursuivie par des explications techniques sur le déroulement des fameuses opérations ayant conduit à la mort des dix prisonniers, sans que le témoin apporte d’élément direct incriminant Sperisen. Il a toutefois pu identifier les lieux et les protagonistes de ce qu’il appelle une « structure de nettoyage social », dont auraient fait partie Erwin Sperisen, l’ancien ministre Carlos Vielmann (dont la procédure est pendante en Espagne) et, entre autres, Javier Figueroa, acquitté en Autriche et qui sera entendu à Genève mardi prochain. I