pour que cesse l’impunité

en matière d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, tortures

ou autres dénis des droits fondamentaux

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UN RESUME DU CAS NUEVA LINDA

lundi 18 avril 2011 par Claude REYMOND

ou la répression par la force de l’État et l’impunité des propriétaires terriens au Guatemala


1999

Un groupe de travailleurs agricoles indigènes décide d’acheter une finca pour sortir de leur situation d’extrême précarité.

Juin 2003

Le propriétaire de la finca Nueva Linda, Anastasio Fernandez fait un voyage en Espagne et laisse ses responsabilités à son fils Carlos Vidal Fernandez et au gérant Hector René Reyes. Carlos Vidal Fernandez vend du bétail en cachette ce qui provoque une dispute entre eux.

Août 2003

Hector Reyes avise Mr Anastasio Fernández du vol de bétail à son retour de voyage. Carlos Vidal Fernandez se met alors à harceler Hector Reyes et lui reproche de l’avoir dénoncé. Il lui dit de partir de la finca. Hector Reyes accepte à la condition qu’on lui paye les indemnités légales après dix années de bons et loyaux services.

Août 2003

Hector Reyes réagit… Il se rend au Syndicat des Travailleurs Écologiques Mayas Sans Terre où il expose les faits dont il est victime et demande de l’aide.

3 septembre 2003

Carlos Vidal Fernandez, fils du propriétaire de la finca « Hacienda Nueva Linda » demande à Hector Reyes son arme de service. Hector Reyes la restitue sans problème mais déclare à sa famille qu’il craint pour sa vie.

5 septembre 2003

Víctor de Jesus Chinchilla, garde du corps de Carlos V. Fernandez se rend à l’improviste à la finca vers 4 heures du matin et demande à Hector Reyes d’aller livrer quatre quintaux d’engrais à la finca San Miguel Mapan, sur ordre du patron. Les conditions douteuses dans lesquelles ont été donné cet ordre imaginaire sont la preuve que Mr Reyes a été victime d’un attentat, parce que il n’avait jamais reçu auparavant d’ordres sans en avoir été informé au préalable.

Les arguments qui soutiennent la culpabilité d’enlèvement de Carlos Vidal Fernandez :

1. Le harcèlement et les menaces proférées par Carlos Vidal Fernandez à l’encontre d’Hector Reyes au moment où il a été accusé du vol.

2. Mr Hector Reyes, gérant de la finca, a été emmené par le garde du corps du finquero à 4 heures du matin pour remplir une mission qui ne venait pas des ordres du patron : transporter 4 quintaux d’engrais.

3. Les antécédents criminels de la famille Fernández à Retalhuleu et sur la Côte Sud.

4. Victor Chinchilla, le garde du corps, a toujours répondu aux interrogatoires avec des contradictions et des illogismes à propos de Hector Reyes.

5. Hector Reyes et Victor Chinchilla n’ont jamais achevé la supposée mission : la livraison d’engrais.

6. Les finqueros ont repris l’arme qu’avait Hector Reyes pour sa sécurité deux jours avant sa disparition.

7. Ils ne l’ont pas prévenu qu’il ferait le voyage à la propriété, un jour plus tôt, comme ils en avaient l’habitude.

8. Le gérant de la finca San Miguel Mapan n’a jamais vu arriver Hector Reyes et Victor Chinchilla

9. La Police Nationale Civile a constaté que la route jusqu’à la finca San Miguel Mapan était bien dégagée et que la veille, Carlos Vidal Fernandez était passé pour livrer 4 quintaux d’engrais.

10. Depuis que Hector Reyes a été enlevé, les finqueros n’ont plus utilisé le véhicule avec lequel ils l’ont transporté et l’ont même caché dans la maison de Carlos Vidal Fernandez.

11. Le jour de la disparition, Victor Chinchilla n’est pas passé déposer Hector Reyes chez lui comme de coutume après chaque déplacement.

12. Le rapport de la Police Nationale Civile ordonne entre autres choses la fouille des résidences de Carlos Vidal Fernandez et Victor Chinchilla, et la saisie du véhicule. Pourtant le Ministère Public n’a jamais pris en compte ce rapport.

6 septembre 2003

Nous déposons une plainte à la Police Nationale Civile pour la disparition de Hector Reyes. Malgré tous nos efforts, cette plainte ne permet ni de retrouver sa trace ni de mener les kidnappeurs et les commanditaires devant les tribunaux.

13 octobre 2003

Le Ministère Public n’a pas exécuté les ordres de capture malgré les demandes répétées ; la finca était déjà occupée. Pour que justice soit faite, nous engageons le blocus de l’échangeur routier « el Sarco » à Santa Cruz Mulua, Retalhuleu. Ce même jour nous commençons une table de négociation qui a pour objectif, d’une part d’évacuer pacifiquement la finca, et d’autre part de trouver Hector Reyes et les coupables de son enlèvement. Cette démarche s’est révélée sans résultat, et s’est terminée de la manière suivante :

  • Carlos Vidal Fernandez ordonne aux paysans de se retirer de la finca, en échange de quoi il propose, sans en penser un mot, de donner « tout ce qu’ils veulent » aux membres de la famille de Hector Reyes et leur dit qu’ils n’auraient pas dû s’en aller.
  • Les dirigeants paysans n’ont pas accepté la proposition et ont demandé à ce que réapparaisse leur collègue mort ou vif.
  • Les paysans ont déclaré à ce moment là que leur lutte visait à retrouver trace de Hector Reyes et que l’occupation de la finca était la seule manière de se faire entendre, puisque les autorités ne répondaient pas aux autres méthodes.
  • Carlos Vidal Fernandez a quitté subitement la négociation en clamant qu’il n’avait rien à voir avec le kidnapping.
    21 octobre 2003
    Nous engageons un deuxième tentative de négociation entre les dirigeants paysans, la famille de Hector Reyes et le propriétaire de la finca. Cette action se solde par ce qui suit :
  • Seul l’avocat de Carlos Vidal Fernandez a fait le déplacement, il a répété l’appel à notre évacuation « pour de bon » afin d’éviter une effusion de sang.
  • Alors les paysans ont répondu de nouveau par le même argument : « nous voulons seulement qu’ils nous disent où est Hector Reyes et nous n’abandonnerons pas tant qu’ils ne le feront pas. »
  • Ils ont aussi déclaré qu’ils étaient prêts à reprendre le travail sur les terres de la finca.
  • L’avocat leur a répondu : « Qu’ils en profitent, puisqu’il y a les Droits de l’Homme pour les défendre » (…)
  • Avec une telle déclaration, les négociations sont interrompues et la situation dégénère rapidement , aussi bien du point de vue des paysans que du finquero et de son représentant légal.

2 avril 2004

Débute alors la persécution du groupe de paysan. Des agressions violentes sont commises à l’encontre des membres du mouvement paysan qui résiste et de la famille de Hector Reyes :

  • Anastasio Fernandez arrive à 4 heures du matin avec des camions à la finca Nueva Linda pour emmener le bétail et accuser les paysans de l’avoir volé.
  • En se rendant compte de la manigance, les paysans se sont rapprochés et ils ont reçu des coups de feu de la sécurité d’Anastasio Fernandez. Au cours de cette attaque les gardes de la finca ont blessé deux paysans et ont également emmené le fils de Hector Reyes à l’arrière d’un pick-up plein d’ordures afin de s’en débarrasser.
  • Anastasio Fernández et ses gardes ont été arrêtés et désarmés par les paysans, ils ont été par la suite convoqués à la Police Nationale Civile puis sont sortis libres, bien qu’ils aient essayé d’assassiner les paysans.
  • Non content de les avoir envoyés à l’hôpital, Anastasio Fernandez a refusé de prendre en charge les soins des blessés.

22 avril 2004

Eufemia López Moran, une des dirigeantes les plus influentes du mouvement paysan de résistance qui a participé aux précédentes tables de négociation, a été attirée hors de sa maison avec un appel téléphonique qui lui annonçait que sa mère était souffrante. De force ils l’ont fait monter dans un pick-up… Son cadavre a été retrouvé marqué par une torture acharnée et criblé de deux balles à la finca Montelimar de Retalhuleu - un crime impuni de plus -.

Le téléphone d’Eufemia López Moran a été saisi par le Ministère Public comme pièce à conviction. Malheureusement il a disparu alors qu’il constituait la preuve de la culpabilité de Carlos Vidal Fernandez et de son garde du corps. En effet les relevés téléphoniques les désignaient très clairement. Eufemia Lopez Moran laisse 2 enfants à l’orphelinat : Jovita et Lizardo Lopez.

31 août 2004 - Le massacre a lieu :

6:30 Quelques passants alertent les paysans qu’un fort contingent militaire et policier s’approche de la finca pour les chasser. Quelques minutes plus tard, une voiture blanche banalisée qui transporte plusieurs policiers s’approche de la zone où les policiers se déploient, certains en position de tir.

7:15 La négociation commence en présence des leaders paysans, des autorités de sécurité et du Bureau des Droits de l’homme. Le juge de Paix et le trésorier du Ministère Public ne participent pas aux discussions, le Gouverneur de Retalhuleu dirige les opérations, selon ces propres mots : … au nom du Président de la République (…)

8:50 La police se prépare à donner l’assaut dans la finca, au moment précis où les discussions ne sont pas du tout terminées. La Police Nationale Civile et la Force Spéciale de la Police FEP sont arrivés par surprise. Près de 600 familles paysannes occupant la finca pour obtenir justice ont été surprises à coups de gaz lacrymogène et de fusils AK-47.

11:50 Lorsque les coups de feu s’arrêtèrent les trésoriers du Ministère Public, les délégués du bureau des Droits de l’homme et les journalistes entrèrent dans la finca, pour trouver les premières victimes mortes. En tout quatre policiers et huit paysans sont morts, mais deux paysans de plus ont été découvert par la suite, dont une femme enceinte tombée sous les coups de la police. Quelque vingt-cinq occupants de la finca ont aussi été capturés, ils ont subi de graves maltraitances de la police et de l’armée. Celles-ci, après les avoir immobilisés dans la prison, les ont pourtant frappés et insultés avec acharnement, durant des jours entiers après leur capture.

Il est important de préciser qu’aucune organisation n’a reconnu que le groupe de résistance était avec eux, pourtant au cours des jours précédents la CONIC (Coordination Nationale Indigène et Paysanne) ait affirmée avoir aidé la communauté.

6 septembre 2004

A Retalhuleu une manifestation se met en place pour réclamer justice pour le massacre des paysans et pour que cesse la répression contre les chefs du groupe de résistance.

30 septembre 2004

Codeca (Comité de développement paysan) est invité à participer à une réunion avec la famille de Hector Reyes et les dirigeants du groupe de résistance de Nueva Linda, pendant cette réunion ont décidé d’accorder une aide juridique et organisationnelle aux paysans qui réclament justice dans ce conflit.

20 octobre 2004

Codeca et le groupe de résistance de Nueva Linda organisent une conférence de presse au cours de laquelle ils dénoncent le harcèlement dont ils font l’objet et déclarent qu’ils poursuivront la lutte, malgré la répression.

28 octobre 2004

La finca Nueva Linda est de nouveau occupée par le groupe de résistance. Les paysans qui continuent la lutte sont aidés au niveau légal et humanitaire.

21 novembre 2004

Pendant une opération surprise en pleine nuit, des membres de la sécurité privée du propriétaire de la finca chassent par la force tous les occupants, plus de 5 paysans sont blessés. Le jour suivant était prévue l’expropriation « légale » de la Police Nationale Civile. Elle permit de constater que les occupants avaient déjà abandonné les lieux.

22 novembre 2004

Les médias informent de la présence de policiers au niveau de l’entrée de la finca, mais ils prétendent que les paysans ont fuit les lieux de leur plein gré un jour plus tôt apeurés par une effusion de sang, ce qui s’est révélé être faux. En effet par nécessité, la PDH (Bureau des Droits de l’Homme) et les paysans entrent à nouveau dans la finca pour reprendre quelques affaires qu’ils avaient laissés lorsqu’ils ont fui précipitamment pour avoir la vie sauve.

À partir de ce jour et jusqu’à aujourd’hui, les paysans du groupe de résistance campent au bord de l’étendue d’asphalte, face à l’entrée principale de la finca, en soutien avec la famille de Hector Reyes.

23 janvier 2005

Vers 11 heures les paysans Jorge Armando Lopez Pelico, Arnoldo Poma et Enrique Tux Sanchez, sont capturés par des membres de la sécurité privée du propriétaire de la finca, ceux-ci les ont fait rentrer dans un véhicule 4x4 de marque Toyota, un nouveau modèle de couleur grise, sans plaque d’immatriculation, avec direction assistée.

Par la suite, des représentants de PDH et de Codeca déposent chacun une plainte au commissariat 34 de la Police Nationale Civile, ce qui a pour résultat de faire réapparaître les trois compagnons kidnappés à 16 heures environ. Les agents de police qui les ont retrouvé ont déclaré qu’il s’agissait d’une « erreur de jugement » du finquero.

30 août 2005

Le groupe de résistance de Nueva Linda et Codeca organisent une marche à Mazatenango et Retalhuleu pour commémorer le premier anniversaire du massacre de Nueva Linda.

31 août 2005

Le groupe de résistance de Nueva Linda et Codeca organisent une manifestation populaire pacifique face à la finca avec la participation de chefs paysans, religieux et des droits de l’homme, avec la présence de plusieurs artistes nationaux qui sont solidaires du mouvement.

19 janvier 2006

Au cours de la nuit, des personnes armées, membres de la sécurité du finquero arrivent sur les lieux où les paysans dorment sous quelques couvertures et ils s’approchent du puits qui approvisionne en eau les familles de résistants pour verser plusieurs doses d’un poison appelé gramoxon avec l’intention évidente de les assassiner par empoisonnement. Les gardes ont été pris sur le fait et ils ont immédiatement fui pour dissimuler leur identité.

21 janvier 2006

Plusieurs groupes de paysans de différentes communautés de Codeca se positionnent à l’entrée de la finca pour soutenir la lutte du groupe de résistance, afin de tenter une approche vers les forces de sécurité qui ont attaqué les familles paysannes (entre autre la tentative d’empoisonnement). En retour ils sont pris pour cible par des coups de fusils et de AK 47 et 5 paysans sont gravement blessés. Au cours de cette attaque le finquero a utilisé un hélicoptère pour déployer des renforts de forces de sécurité.



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