Coordination conduite par la CGAS en collaboration avec ses membres SIT + SSP/VPOD + SYNA
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C’est peu dire que, dans le secteur des EMS, les employeurs ne respectent pas toujours leurs employés. Mobbing, licenciements à la pelle, « erreurs » de traitements salariaux, non respect des dispositions légales et conventionnelles, mépris des droits syndicaux… la liste est longue des dérapages. Il ne s’agit bien évidemment pas de l’ensemble des établissements, dont un bon nombre pratiquent une gestion humaine et saine des relations de travail. Le problème, c’est que personne ne veut mettre au pas les quelques « brebis galeuses », pourtant identifiées par tous. Ni la FEGEMS ni l’Etat ne se sentent responsables du bon fonctionnement de ce secteur, relégué, en quelque sorte, aux seuls tribunaux pour garde-fous.
Or si les tribunaux sont parfois utiles, ils ne peuvent résoudre des problèmes plus fondamentaux, liés à la bonne marche d’un secteur aussi sensible.
Rappelons que les EMS dispensent des soins et un encadrement social à la population et, pour ce faire, bénéficient d’une large part de subventions. On serait en droit d’attendre de ces institutions que, plus qu’ailleurs, elles respectent leurs résidants comme leur personnel.
Depuis des années, les syndicats dénoncent régulièrement, soit dans la presse soit auprès des autorités, les dysfonctionnements de certaines directions, contournant leurs obligations envers les employés et, parfois même, envers les résidants. En vain. Bien qu’il soit légalement tenu de surveiller ce secteur, l’Etat se met à couvert derrière le droit « privé » de ces institutions. Quant à l’association patronale, la FEGEMS, si elle veut bien trancher des questions qui lui sont soumises par ses membres, elle refuse catégoriquement de sanctionner les EMS frondeurs. Au bout du compte, ce sont presque toujours les employé-e-s qui trinquent.
C’est dans ce climat, tendu parce que voulu tel, que survient aujourd’hui le licenciement d’une représentante élue du personnel : Maguy Bouget. Cette animatrice a en effet un gros bagage de professionnelle comme de militante. Tout d’abord comme membre du comité de l’AGASPA (Association Genevoise des Animateurs Socioculturels auprès des Personnes Agées) depuis 1997. A ce titre Maguy participe à toute la réflexion d’une profession qui s’organise.
Elle met la main aux différents travaux qui permettront aux animateurs en EMS de mieux cadrer leur rôle auprès des résidants : « Mission de l’animation en EMS », « Conception de l’animation en EMS », « Cahier des charges de l’animateur en EMS », etc. Avec l’AGASPA toujours, Maguy intervient comme formatrice dans différentes filières de formation, notamment auprès des ASSC (Assistantes en Soins et Santé Communautaire).
Et puis Maguy est une militante syndicale convaincue. En janvier 2006, elle devient juge Prud’hommes. En février de la même année, elle est élue pour représenter le personnel des EMS auprès de la Commission cantonale des EMS, puis également auprès du bureau de cette même Commission. Enfin l’engagement militant de Maguy se traduit particulièrement auprès du syndicat Syna. Pilier de la fameuse initiative 125 « Pour une meilleure prise en charge des personnes âgées en EMS », Maguy est sur tous les fronts : membre puis présidente du comité santé de Syna, membre des comités régional et directeur, et enfin présidente de la section genevoise du syndicat.
Mais Maguy est aussi, et peut-être surtout, une animatrice chaleureuse, aimée des résidants et de leurs familles. « Je vous voyais toujours à l’écoute des pensionnaires et en train de les stimuler par tous les moyens, tout en les entourant de votre gentillesse. » C’est ce que lui écrira la sœur d’une résidante, bouleversée par ce licenciement. En apprenant la nouvelle, la pasteur de l’EMS écrira à Maguy : « Les résidants doivent se sentir terriblement orphelins. » Une autre famille dira plus sobrement : « Votre départ fait de la peine à Marie. » Un employé, formé par Maguy, parlera de : « l’excellente pédagogue, sans qui je ne serai pas celui que je suis devenu ».
Emouvants, dithyrambiques, les courriers de soutien pleuvent dans la boîte aux lettres de Maguy. Décidément, les 10 ans que Maguy a passés dans l’EMS du Léman auront marqué beaucoup de monde.
Animatrice reconnue par les professionnels de la branche. Animatrice qui sait toujours se libérer et porter son attention à chacun des résidants. Comment, après ça, envisager les termes d’un licenciement qui juge les prestations de Maguy « insuffisantes ». Depuis novembre 2005, où le directeur actuel a été nommé au Léman, une quinzaine d’employé-e-s ont soit été licenciés, soit poussés dehors. Quant on sait que l’EMS en question compte moins de trente collaborateurs en tout, on peut plus certainement se questionner sur les « prestations » du directeur. Il est vrai que les employé-e-s visés par la direction sont particulièrement les « anciens ». Avec ses 10 ans de maison, Maguy fait hélas partie du lot. Et si la direction a pris un peu plus de gants qu’avec ses collègues, se donnant tout de même la peine de monter un dossier pour se justifier aujourd’hui, c’est que le syndicat Syna a rappelé à l’EMS le rôle de délégué des employé-e-s qu’occupait Maguy.
Du coup la direction a fait mine de changer son fusil d’épaule. Alors qu’elle avait déjà menacé Maguy de licenciement, il s’est soudain agi d’évaluer l’animatrice. Seulement la direction ignore sans doute ce que recouvre le mot « évaluation », si ce n’est qu’il peut éventuellement faciliter un licenciement ultérieur. Malheureusement pour la direction, aucun des droits de l’employée n’a été garanti durant la procédure. Tout d’abord, il n’y a pas eu d’entretien d’évaluation. Comment dès lors parler d’évaluation ? Ensuite, lorsque Maguy témoignait des activités qu’elle avait accomplies, la direction lui reprochait de faire état du passé. En l’absence d’entretien ou de contrôle des activités en cours, Maguy en était réduite à produire des bilans. Que faire d’autre ? Enfin la direction s’est bornée tout du long à déclarer que tout était insatisfaisant, mais sans jamais expliquer en quoi.
On le voit, toute cette procédure n’avait pour objet que de justifier a posteriori une décision déjà prise, soit de se débarrasser d’une employée dont le rayonnement, tant dans l’EMS que dans le secteur, portait sans doute ombrage à la direction.
Là où la direction n’a pas mesuré les conséquences de ses actes, c’est que les syndicats n’entendaient pas laisser la représentante de tout le personnel des EMS sans protection. Il faut savoir que la Suisse est aujourd’hui montrée du doigt par l’OIT. En effet, bien qu’elle ait ratifié la Convention 98 de l’OIT, la Suisse n’en respecte pas la teneure. De quoi s’agit-il ? La Convention 98 porte sur la liberté syndicale et les protections qui en découlent. Le droit suisse en vigueur ne permet, au mieux, que d’indemniser un représentant élu des travailleurs s’il se fait licencier. Interpellées par les syndicats, les instances de l’OIT ont reconnu la défaillance du droit suisse et demandé sa mise en conformité. Il s’agirait de protéger les représentants du personnel, de la même façon qu’on protège les employé-e-s dans le cadre de la loi sur l’égalité homme-femme, c’est-à-dire la possibilité d’exiger la réintégration professionnelle.
Il y a actuellement des discussions entre partenaires sociaux au niveau fédéral, sous la houlette du SECO. On le sait, de telles négociations peuvent durer longtemps et le licenciement de Maguy aura pris effet bien avant que la loi ne soit modifiée. Il n’en demeure pas moins que ce licenciement est contraire aux dispositions prévues par la Convention 98 de l’OIT, ratifiée depuis 1999 par la Suisse. Dès lors, les syndicats n’entendent pas laisser la chose se faire. D’autant encore une fois qu’il s’agit d’un secteur subventionné, dans lequel prévalent les règles de l’Etat. Si un tel licenciement est par essence inadmissible, il l’est plus encore en l’occurrence, et les syndicats estiment qu’il est grand temps que les EMS de Genève, financés par le denier publique et participant aux structures d’accueil et de soins à la population, appliquent les règles de protections des employé-e-s et de leurs représentants.
Demande de réintégration
Fort de ce principe, l’ensemble des syndicats de Genève réclame que Maguy puisse continuer à travailler dans le secteur des EMS, dont elle représente les 4’000 employé-e-s. Toute action utile à cette fin sera envisagée et entreprise au besoin. S’il le faut, les syndicats sont prêts à faire voter tout le personnel des EMS, lequel est en droit d’opposer son veto au licenciement de sa représentante. Les EMS sont allés trop loin : ce licenciement n’entrera pas dans les faits, et soit la FEGEMS est prête à rappeler ses troupes à l’ordre, soit c’est aux autorités politiques que ce rôle doit revenir. Mais cette fois-ci, la patate chaude ne fera pas que de changer de mains. Les syndicats iront jusqu’au bout. Il en va de l’avenir de tout un secteur professionnel. Il en va du respect des droits syndicaux fondamentaux.
Action syndicale en cours
Depuis lundi 10 septembre, les syndicats ont planté une tente en face de l’EMS. Le but : amener la direction à négocier. Jeudi 13 septembre, une rencontre va enfin avoir lieu entre une délégation syndicale, la direction du Léman et la FEGEMS. Les syndicats attendent de cette séance des garanties quant au maintien de Maguy dans sa fonction d’animatrice et une amélioration des protections conventionnelles pour les représentants du personnel, ceci afin que l’histoire ne se répète pas. Le résultat de cette rencontre sera communiqué à la presse vendredi 14 septembre. D’ores et déjà, les syndicats invitent le personnel à une :
Mardi 18 septembre 2007 à 20h
(Vieille ville - en face du Palais de Justice)