Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève
Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève
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Jeanne-Marie a des mains fortes,
Mains sombres que l’été tanna,
Mains pâles comme des mains de morte.
Sont ce des mains de Juana ?
Ont-elles pris les crèmes brunes
Sur les mares de volupté ?
Ont-elles trempé dans les lunes
Aux étangs de sérénités ?
Ont-elles bu les cieux barbares,
Calmes sur les genoux charmants ?
Ont-elles roulé des cigares
Ou trafiqué des diamants ?
Sur les pieds ardents des Madones
Ont-elles fané des fleurs d’or ?
C’est le sang noir des belladones
Qui dans leur paume éclate et dort.
Mains chasseresses des diptères
Dont bombinent les bleuissons
Aurorales, vers les nectaires ?
Mains décanteuses de poisons ?
Oh ! quel rêve les a saisies
Dans les pandiculations ?
Un rêve inouï des Asies
Des Khenghavars ou des Sions ?
Ces mains n’ont pas vendu d’oranges,
Ni bruni sur les pieds des dieux :
Ces mains n’ont pas lavé les langes
Des lourds petits enfants sans yeux.
Ce ne sont pas mains de cousine
Ni d’ouvrières au gros fronts
Que brûle aux bois puant l’usine,
Un soleil ivre de goudrons.
Ce sont des mains ployeuses d’échines,
Des mains qui ne font jamais mal,
Plus fatales que des machines,
Plus fortes que tout un cheval !
Remuant comme des fournaises,
Et secouant tous ses frissons,
Leur chair chante des Marseillaises
Et jamais des Eleisons !
Ca serrerait vos cous, Ô femmes
Mauvaises, ça broierait vos mains,
Femmes nobles, vos mains infâmes
Pleines de blanc et de carmins.
L’éclat de ses mains amoureuses
Tourne le crâne des brebis !
Dans leurs phalanges savoureuses
Le grand soleil met un rubis !
Une tache de populace
Les brunit comme un sein d’hier ;
Le dos de ses mains est la place
Qu’en baisa tout révolté fier !
Elles ont pâli merveilleuses,
Au grand soleil d’amour chargé,
Sur le bronze des mitrailleuses
A travers Paris insurgé !
Ah ! quelquefois, ô mains sacrées,
A vos poings, Mains où tremblent nos
Lèvres jamais désenivrées,
Crie une chaîne aux lourds anneaux !
Et c’est un soubresaut étrange
Dans nos êtres, quand quelquefois,
Ont veut vous déhâler, mains d’ange,
En vous faisant saigner les doigts !
Arthur Rimbaud